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    Enseignement de l'arabe au CP: attention aux intox

    La ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, n'a jamais dit que l'arabe serait imposé à l'école primaire.

    Mardi 31 mai, la ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, était l'invitée de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV. Elle a notamment été interrogée sur l'apprentissage des langues étrangères, dont l'arabe, à l'école primaire.

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    Voici ce qu'elle dit:

    «Nous avons décidé dans nos réformes éducatives de faire en sorte que l'on commence plus tôt l'apprentissage des langues vivantes étrangères. Ce qui nous conduit à partir de la rentrée prochaine à faire commencer la langue vivante 1 dès la classe de CP et la la langue vivante 2 dès la classe de 5e (...)»

    La ministre ajoute que l'arabe «peut être enseigné dès la classe de CP dès lors qu'on a les moyens humains pour le faire. Ça vaut pour toutes les langues vivantes étrangères, soit nous avons des professeurs d'école capables de le faire, soit nous n'en avons pas mais il y a une demande quand même, auquel cas nous faisons appel à des intervenants étrangers. Mais c'est le cas aussi sur l'allemand, c'est ça qu'il faut comprendre, c'est le cas sur toutes les langues.»

    Et depuis, de nombreuses fausses informations ont été relayées sur cette annonce. On fait le point.

    1. Non, le gouvernement ne va pas introduire l'arabe en école primaire.

    Il ne va pas l'introduire parce qu'en fait, il est déjà possible d'apprendre l'arabe en école primaire, dans le cadre des enseignements de langues et de cultures des communautés d'origine (ELCO) mis en œuvre en 1977, et concernant les langues enseignées dans neuf pays: l'Algérie, la Croatie, l'Espagne, l'Italie, le Maroc, le Portugal, la Serbie, la Tunisie et la Turquie.

    Les langues les plus prisées en 2012-2013 en école primaire étaient l'anglais (92,8%), l'allemand (6%) puis l'espagnol (1%). Viennent ensuite l'italien et le portugais. À l'école primaire, l'arabe représente moins de 0,1% des initiations aux langues étrangères.

    2. Non, Najat Vallaud-Belkacem ne va pas non plus l'imposer.

    Ce que propose Najat Vallaud-Belkacem, c'est de rendre l'enseignement de la langue vivante 1 (LV1) plus précoce en le débutant dès le CP, et non plus le CE1. Concernant la langue arabe, et c'est le cas pour toutes les langues, il faut réécouter ce qu'a dit la ministre au micro de Jean-Jacques Bourdin: elles peuvent être enseignées dès le CP si les écoles en ont les moyens.

    Il ne s'agit nullement d'imposer une langue étrangère par rapport à une autre, et encore moins de la substituer au français. Mais le Front national s'en est donné à cœur joie sur Twitter, comme l'élu frontiste de Bourgogne-Franche-Comté, Julien Odoul ou le Secrétaire général du Front national, Nicolas Bay.

    3. L'arabe, langue communautaire?

    Pour Bruno Le Maire, l'apprentissage de l'arabe au CP mènera au communautarisme, quand la députée LR Annie Genevard a regretté à l'Assemblée nationale le 25 mai «l'introduction de langues communautaires», pointant ainsi du doigt indirectement l'arabe.

    Il faut savoir que la réforme de Najat Vallaud-Belkacem porte aussi sur la formation des professeurs des langues étrangères en renforçant le contrôle pédagogique des intervenants, qui sont pour certains étrangers car la France manque de certains de ces professeurs. Elle souhaite mettre un terme au système des Elco, qu'elle renvoie à «un temps révolu» en réponse à Annie Genevard à l'Assemblée.

    Comme l'a noté Le Lab Europe 1, la ministre a détaillé: «On va passer à un système où on continuera à faire appel à des enseignants étrangers parce que sinon on n'aura pas suffisamment de professeurs des écoles formés pour enseigner cette diversité de langues vivantes. Mais ces intervenants étrangers, c'est nous qui concocterons le programme, qui le vérifierons, qui l'évaluerons.»

    Et puis l'arabe n'est pas une langue minoritaire. Comme l'explique Le Monde, «c'est la langue officielle de 26 États, en Afrique et dans la péninsule arabique, soit 430 millions d'habitants. Elle est enseignée en France à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) depuis 1795. L'agrégation d'arabe a été créée en 1905.

    La pratique de l'arabe littéral était alors encouragée pour faciliter les échanges commerciaux ou diplomatiques avec le monde arabe. Mais la décolonisation et l'arrivée de nombreux Maghrébins en France depuis les années 60 a changé le profil des locuteurs. L'arabe est alors devenu la langue d'origine de populations d'immigrés, comme le portugais ou l'italien. Et c'est à ce titre qu'elle a été intégrée au système d'enseignements de langue et culture d'origine (ELCO).»

    4. Toute cette polémique est-elle la faute d'un tweet de Jean-Jacques Bourdin supprimé?

    Non, comme on l'a vu à l'Assemblée nationale, la polémique autour de ces mesures a débuté bien avant le passage de Najat Vallaud-Belkacem au micro de Jean-Jacques Bourdin. La ministre était d'ailleurs revenue sur cet échange dans une interview au JDD le 28 mai. Sur les propos d'Annie Genevard, elle écrit: «Malheureusement, je dois plutôt dénoncer une pensée identitaire qui prône l'exclusion et le repli sur soi d'une virulence inouïe, un combat populiste et démagogique qui instrumentalise l'école de la République à des fins idéologiques inavouées.»

    En revanche, plusieurs des politiques, en majorité des élus frontistes, qui ont réagi aux propos de Najat-Vallaud Belkacem se sont référés à un tweet de Jean-Jacques Bourdin citant la ministre ainsi: «L'enseignement de l'arabe se fera dès le CP, dès qu'on aura les moyens pour le faire». On a ainsi pu voir Florian Philippot, Louis Aliot, ou encore Robert Ménard réagir directement au tweet.

    Mais le tweet a été remplacé par ce tweet citant ainsi la ministre: «L'arabe pourra être enseigné dès le CP comme d'autres langues.» Comme l'a noté cet internaute.