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    Ces ados ont complètement craqué Twitter pour y construire leur royaume

    Ils sont encore au lycée, ils gèrent des dizaines de comptes avec des centaines de milliers d'abonnés et se font de l'argent de poche au passage.

    Récemment, des tweets bizarres ont attiré notre attention.

    C'est le compte @Au_Bon_Moment, auquel une journaliste de BuzzFeed France s'était abonnée parce qu'il publie des photos amusantes, qui les retweetait tous.

    Ce qui est vraiment étrange, c'est qu'à peine postés, ces tweets gagnent des centaines de retweets... Avant de s'évaporer. Quelques minutes à peine après avoir été postés, leur auteur les supprime.

    Du coup, ça nous a donné envie d'aller voir de plus près les comptes qui diffusent ces tweets. La plupart du temps, ils ressemblent à ça:

    Et ils postent des messages comme ça:

    Autant vous dire que ce ne sont pas des «vrais» comptes de «vrais ados qui racontent leur vie».

    Clarence, un lycéen français de 16 ans, gère plusieurs comptes de ce type. Il nous explique:

    «Cela fait deux ans que je fais ça. Aujourd'hui, j'ai 30 comptes Twitter, qui représentent à peu près 700.000 followers, mais ça augmente assez vite. À la base, je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose à faire car ma timeline était remplie de pubs. Je me suis renseigné et j'ai découvert un groupe Facebook caché où des gens s'échangent des tuyaux.»

    Plus surprenant, Clarence nous explique qu'il y a une sorte «d'associations de gens qui gèrent plein de comptes Twitter, via un compte Tweetdeck commun. Au total, on gère plus de 100 comptes, dont deux m'appartiennent et représentent environ 6 millions de followers.»

    Autrement dit, il y a une sorte de groupe caché d'ados qui «hackent» Twitter.

    Nicolas, un lycéen en bac pro de 17 ans, a créé et anime au quotidien ce réseau, et nous explique son fonctionnement:

    «Pour être admis, il faut avoir un minimum de followers, en ce moment c'est 40.000. L'intérêt, c'est qu'on s'entraide pour faire grandir nos comptes. Mais attention, il y a des règles à respecter: pas de pornographie, pas de mention des autres comptes, et maximum deux retweets en 15 minutes. Ceux qui font n'importe quoi, je les enlève.»

    La finalité, pour ceux qui tiennent les comptes, c'est de pouvoir gagner un peu d'argent grâce à des publicités clandestines. Ils sont en fait payés pour publier des liens sur leurs différents comptes Twitter, explique Nicolas:

    «On vend des pubs à des marques qui viennent nous contacter, souvent des entreprises de vêtements, des applications mobiles ou des artistes.»

    Pas de quoi gagner sa vie pour autant, assure Clarence:

    «C'est juste un peu d'argent de poche, sinon je n'irais plus en cours depuis longtemps.»

    Tout cela est évidemment contraire aux conditions d'utilisation de Twitter (des personnalités célèbres ont déjà été épinglées pour de telles pratiques), voire à la loi (qui interdit la publicité déguisée), mais ces adolescents n'en ont pas vraiment conscience. Le même problème se pose pour les pages Facebook qui s'adonnent à ce genres de pratiques.

    Ces ados ont en fait bâti, avec leurs propres armes, leur petit royaume sur Twitter. Clarence nous explique sa recette:

    «Je choisis un nom, puis je prends une photo de profil sur une banque d'images, en essayant de faire en sorte qu'elle ne soit pas utilisée ailleurs. Pour le contenu, j'avoue que 90% de mes tweets, c'est du plagiat reformulé. Je prends des idées vues sur d'autres comptes et j'essaye de les réutiliser, mais mieux formulées pour que ça marche encore mieux.»

    Tout cela prend évidemment du temps, plusieurs heures par semaines, selon les intéressés, mais ils réussissent à s'organiser grâce aux outils pour planifier leurs tweets... Et même pour nettoyer leurs comptes, raconte Nicolas:

    «On utilise un outil qui s'appelle RT Cleaner, qu'un ami à moi a développé. Cela permet de tout nettoyer au fur et à mesure ou d'un coup si on veut: les gens qu'on suit sur Twitter, les tweets, les favoris, les retweets...»

    Steve* (le prénom a été modifié à sa demande), qui fait aussi partie de ce groupe, nous a précisé après la publication de l'article que la gestion des comptes peut aussi aller vite car il existe aussi un outil qui permet «tweeter automatiquement, toutes les trois heures, un message» pioché dans une liste prédéfinie.

    C'est pour ça qu'il se passe des trucs bizarres, comme les tweets retweetés des centaines de fois qui disparaissent en quelques minutes. BuzzFeed France a contacté Massine Benoukaci, le créateur de RT Cleaner, pour en savoir plus.

    Cet étudiant en e-commerce de 19 ans raconte avoir développé cet outil il y a 3 ans, alors qu'il était encore en première:

    «J'avais pas mal de comptes Twitter, on s'échangeait des retweets avec mes amis pour les faire monter et au bout d'un moment j'avais besoin de les nettoyer pour ne pas spammer. J'ai développé l'outil moi-même avec l'API de Twitter, en une semaine et demi. Comme ça n'intéressait pas que moi, je l'ai mis en libre accès et puis au fur et à mesure, ça a pris de l'ampleur. On va bientôt atteindre les 15.000 inscrits.»

    Selon lui, l'application n'a jamais été bloquée par Twitter car «elle respecte toutes les règles» de la plateforme. Les conditions d'utilisation de l'API Twitter ne mentionnent en effet que les cas d'applications qui permettent de suivre puis de se désabonner d'un grand nombre de comptes, ce qui est assimilé à du spam et est différent du fonctionnement de RT Cleaner.

    Nicolas, Clarence ou Massine ne sont pas «influents» à proprement parler, parce qu'ils n'ont pas de réelles communautés de fidèles derrière eux, au contraire par exemple de Fakir, 17 ans, qui se félicite de pouvoir lancer des hashtags à succès (presque) à lui seul. Reste qu'ils ont trouvé un bon moyen de «hacker» la plateforme pour faire leurs petites affaires.

    Tout ça confirme ce dont on se doutait: les ados sont les maîtres du monde (ou au moins du monde de Twitter).

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