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    Dans les coulisses peu reluisantes d'un camp de migrants géré par la Croix-Rouge

    À 200 km de Paris, une centaine de migrants vivent dans des conditions alarmantes. Notre enquête lève le voile sur la situation sanitaire et le fonctionnement opaque du centre de Jaulges (Yonne). Le Défenseur des droits a été saisi en octobre.

    • La situation géographique et la configuration des lieux donnent au centre d'accueil et d'orientation (CAO) de Jaulges un aspect de prison à ciel ouvert. La Croix-Rouge entretient l’isolement extrême des résidents en surveillant tout contact avec l'extérieur, en limitant l’accès à l’information et en ouvrant leur correspondance.
    • Pendant une visite à des résidents, la Croix-Rouge a tenté de nous empêcher de prendre des photos, de restreindre nos déplacements et de nous intimider.
    • Plusieurs demandeurs d’asiles ont été contaminés par la tuberculose.
    • Le Défenseur des droits déclare avoir été saisi sur les conditions de vie au CAO de Jaulges.

    Pour atteindre le centre d’accueil et d’orientation (CAO) de Jaulges, dans l'Yonne, il faut quitter la petite ville de Saint-Florentin et marcher environ deux heures. Au détour d'une route départementale, un transformateur électrique sur lequel le slogan «DEHORS» recouvre l'inscription «REFUGEES WELCOME» indique qu'on est presque arrivé. À gauche, au bout du petit chemin goudronné se dresse l'imposant portail de l'ancien camp militaire transformé en centre pour demandeurs d'asile, géré par la Croix-Rouge, perdu en pleine forêt. On s'y est rendu à la mi-novembre après avoir recueilli les témoignages alarmants de deux réfugiés qui y ont passé huit mois.

    À leur arrivée en France en 2016, Diarassouba*, un Ivoirien de 27 ans, et Bakari*, un Guinéen de 21 ans, sont d’abord passés par le centre humanitaire situé porte de la Chapelle, à Paris. «Un matin, on nous a dit qu'on allait en province à 1 h 30 [de Paris] sans nous préciser exactement où. Là-bas, ils allaient étudier notre dossier», se souvient Diarassouba. Mais arrivés sur place, les passagers du bus ne peuvent plus revenir en arrière. «Le bus était plein quand on est arrivés à Jaulges», se rappelle à son tour Bakari. «En voyant l'endroit, certains ont refusé de descendre. La police était là et c'est elle qui nous a fait descendre.»

    Diarassouba et Bakari sont restés huit mois à Jaulges, ils sont aujourd'hui en fuite. Ce n'est qu'une fois arrivés dans l'Yonne que les deux demandeurs d'asile ont appris le sort qui leur était réservé.

    Diarassouba et Bakari tombent sous le coup du règlement européen Dublin III qui établit que le pays responsable de la demande d'asile d'un migrant est celui qui l'a contrôlé en premier. Autrement dit, ils vont être expulsés vers l'Espagne, le premier pays de l'Union européenne qui a prélevé leurs empreintes. «À l'annexe de la préfecture, boulevard Ney [dans le 18e arrondissement de Paris], on nous a tous dit qu'on était en procédure de demande d'asile normale. Mais arrivés là-bas, la préfecture nous a dit qu'on était dublinés», poursuit Bakari.

    Les demandeurs d'asile se sentent alors trahis par les autorités. Ils voient le camp de Jaulges comme un piège dans lequel on les a jetés.

    «L'État est chez lui, et fait ce qu'il veut»

    La zone de 42 hectares qui abritait la 15e base du soutien matériel de l'armée de terre (BSMAT) faisait l'objet d'un plan local de revitalisation depuis le départ des militaires en 2014. Au mois d'octobre 2016, le préfet convoque le maire de Jaulges et ceux des communes voisines et leur annonce la nouvelle. «Ce que je vais vous dire ne va pas vous plaire. L’État a décidé de faire dans l’ancien camp militaire de Jaulges, un CAO, centre d’accueil et d’orientation pour migrants. L’Etat est chez lui et fait ce qu’il veut», retranscrit dans ses vœux le maire du village de Chéu, l'une des communes limitrophes.

    Les premiers bus de demandeurs d'asile sont arrivés à Jaulges, un mois après cette réunion expéditive en novembre 2016. «Nous sommes là, dans l'ignorance. Nous n'avons pas reçu d'informations. Nous demandons pour les recours et on nous répond qu'il n'y en a pas», se rappelle Diarassouba. Son compagnon complète : «On restait toujours devant. On avait peur de se promener derrière. Il y a beaucoup de bâtiments militaires vides. C'est effrayant.»

    Créés pour héberger les migrants après l’évacuation des camps qui s’étaient formés autours de Calais, Dunkerque et Paris, les CAO sont régis par une charte de fonctionnement. Celle-ci est éditée par le ministère de l’Intérieur et le ministère du Logement. Elle prévoit en premier lieu «d’assurer l’accueil et la prise en charge des personnes dans des conditions dignes et adaptées à leur situation et leur parcours».

    D’après cette charte, le CAO doit aussi «permettre aux migrants de bénéficier d’un temps de répit, de reconsidérer leur projet migratoire, de bénéficier le plus rapidement possible de toutes les informations et de l’accompagnement administratif nécessaires au dépôt d’une demande d’asile s’ils souhaitent s’inscrire dans cette démarche».

    L'isolement géographique transforme le centre en prison

    Relégués en zones rurales, les résidents de Jaulges n'ont accès à rien. «Au camp il n'y a pas de réseau [internet] mobile. Il faut le chercher à des endroits précis», déplore Bakari. L'isolement géographique transforme le centre en prison. «On ne peut pas vraiment sortir. Il faut faire 12 km à pied», ajoute Diarassouba. Certains migrants disposent de vélos donnés par la Croix-Rouge, la plupart du temps il faut les acheter. Or, la majorité des réfugiés n'en ont pas les moyens.

    «Le seul transport que la Croix-Rouge mettait à notre disposition, c'était un camion de 7 places pour aller chercher des cigarettes, des cartes téléphoniques et des boissons. Nous n'avions qu'une heure, et seulement le mardi, le jeudi et le samedi.» Ces voyages deviennent la seule occasion de quitter le centre pour les demandeurs d'asile. Il était pourtant prévu lors de la mise en place de ces structures que «les services de l’État veillent, dans toute la mesure du possible, à la proximité des services facilitant la prise en charge des personnes accueillies».

    «Douze kilomètres à pied par jour, ça me fatiguerait un peu. Eux ça ne leur fait pas peur»

    Joint au téléphone par BuzzFeed News, le directeur local du centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de la Croix-Rouge (qui a bien voulu répondre à nos questions, mais a souhaité ne pas être nommé) concède : «Ils peuvent avoir le sentiment d'être coupés du monde. Pour être honnête, c'est évident que ceux qui viennent sont un peu surpris au début.» Mais il ajoute :

    «Ils sont complètement dans la forêt. Cela dit, ils y trouvent aussi leur compte. C'est-à-dire qu'ils sont complètement libres, ils peuvent se promener tant et plus. Et c'est souvent des gens qui viennent de la campagne dans leur pays respectif. Je ne sais pas vous, mais douze kilomètres à pied par jour, ça me fatiguerait un peu. Eux, ça ne leur fait pas peur.»

    Interrogé sur le temps qu’il faut pour parcourir la distance qui sépare le camp de la commune de Saint-Florentin, le directeur répond : «Ils mettent une bonne heure pour y aller. Parce que ce sont des gros marcheurs, hein…»

    Les réfugiés que nous avons rencontrés ont le sentiment que les travailleurs sociaux leur enlèvent peu à peu la possibilité de participer à leurs propres démarches. «On avait reçu nos premiers récépissés [de titre de séjour] mais quand il a fallu les renouveler, nous n'avons pas pu y aller nous-mêmes», rapporte Bakari. «On ne pouvait pas envoyer de dossier ni sortir faire des démarches.» Le directeur du CHRS tente de le justifier par la difficulté des migrants à se déplacer : «On les accompagne parce qu'ils ne peuvent pas le faire tout seul. On accompagne à Dijon ceux qui ne savent pas se débrouiller. Certains sont incapables de prendre le train seul donc on les emmène.»

    Des conditions de vie proches de la détention

    Diarassouba décrit le camp comme une véritable prison : «Le camp est très vaste. La cour est fermée et clôturée par des murs en béton et des barbelés. Il n'y a qu'une entrée et elle est souvent fermée. On pouvait aller et venir par la porte piéton.» Il insiste aussi sur la surveillance dont les migrants font l'objet. «À Jaulges, on est surveillé. Il y a des caméras devant. On ne sait pas si elles fonctionnent. Les travailleurs sociaux passent dans les chambres chaque matin à 8 heures pour voir si tout le monde est bien dans son lit», précise Dirassouba. Interrogé sur la présence de caméras, le cadre de la Croix-Rouge laisse échapper un rire sarcastique : «Arrêtez de croire tout ce qu'on vous dit il n'y a pas de caméra.»

    Des caméras surplombent pourtant bien le portail du camp de Jaulges, comme nous l'avons constaté en prenant des photos. «C’est interdit de prendre des photos ici. C’est une propriété de l’État. Vous devrez les supprimer avant de sortir», nous a plus tard intimé un employé de la Croix-Rouge. Ce même employé tentera tout au long de la visite de restreindre nos mouvements. «Vous ne pouvez vous déplacer que dehors et dans la pièce de vie. Vous ne pouvez pas vous rendre dans les autres pièces ni à l’arrière du camp.»

    Le CAO est ouvert, les migrants peuvent aller et venir à leur guise. Mais la disposition du camp, avec ses haut murs d’enceinte et les dispositifs de sécurité laissés par l’armée, créent rapidement l’impression de se trouver dans un lieu clos. L’épaisse forêt qui entoure le site amplifie ce sentiment d’enfermement. Un résident actuel du camp décrit : «Notre seul intermédiaire avec le monde extérieur, c'est le bureau du camp. Rien n'entre ou ne sort sans passer par le bureau. Tout passe par là.» Il n’est en effet pas possible d’emprunter l’unique entrée du camp sans être vu des bureaux de la Croix-Rouge, situés près du portail.

    Diarassouba témoigne de cet isolement et d'un sentiment puissant d'entre-soi qui sont entretenus par le personnel du centre. Selon lui, les contacts avec l'extérieur étaient rares et l'administration employait son énergie à les limiter au maximum. «Les travailleurs sociaux n'acceptent pas vraiment que l'on vienne nous voir. Surtout si [les visiteurs] sont des Blancs.» Selon Diarassouba, les employés du camp n’hésiteraient pas à faire pression sur les résidents. «Ils viennent nous voir pour nous dire que nous ne pouvons pas les rencontrer, ils nous intimident. Ou alors ils réduisent les entrevues. Ils ne veulent pas que l'on nous donne d'informations sur nos droits», explique-t-il.

    «Le problème de ce camp, c'est que personne ne veut nous donner d'information, confirme un résident. Nous n'avons rencontré aucune association et personne ici ne nous dit où et comment nous pouvons trouver et connaître nos droits.»

    Ouverture du courrier et interdiction d'accès aux associations

    On s'est rendu au camp de Jaulges — sans se présenter en tant que journaliste. Alors que l'on visitait l'endroit, le personnel du CAO nous a soumis à un véritable interrogatoire.

    «Je me pose des questions sur votre venue ici. Je me demande si vous connaissez vraiment ces personnes. J’ai des doutes vous voyez, alors je m’interroge. J’aimerais connaitre les raisons de votre venue ici. Je pense que vous ne les dites pas», a questionné l'un d'entre eux. On a alors répondu que nous venions rendre visite à l'un des réfugiés.

    La Croix-Rouge est la seule organisation présente sur place. Elle interdit l'accès de ce camp à d'autres associations d'aide aux réfugiés. Et quand on interroge au téléphone le directeur du CHRS sur ce point, il s'exclame : «Ils peuvent aller les voir à côté [dans la forêt], mais elles ne rentrent pas dans le CAO. C'est une propriété privée ! Vous ne faites pas rentrer tous les gens qui le veulent chez vous ! Là c'est exactement la même chose.» Puis ajoute : «C'est une propriété dont la Croix-Rouge est responsable. Elle fait rentrer les gens qu'elle connaît et dont elle sait ce qu'ils vont faire. On est là pour les aider [les réfugiés]. Une association d'aide aux migrants, on en est une.»

    Parmi les problèmes au sein du CAO, la question de la correspondance est un sujet épineux. Certains migrants parlent de l’ouverture imposée de leur courriers, qu’ils vivent comme une surveillance. «Là-bas on doit retirer nos courriers auprès de la Croix-Rouge. Quand on y va, ils les ouvrent devant nous et ils les regardent d'abord», relate Bakari. Les réfugiés rencontrés au centre confirment ces méthodes. Du côté de la direction, on reconnaît ces pratiques : «Les courriers officiels, on les ouvre devant eux pour leur montrer ce dont il s'agit. Sinon, comme ils ne savent pas lire le français ils passeront au travers de l'information.» De son côté Diarassouba, qui est francophone, dit effectivement ne pas avoir eu à subir ces intrusions dans sa correspondance : «Ils me laissaient prendre mon courrier et l'ouvrir dans ma chambre. Ils se méfiaient de moi, car je parle et je lis bien le français.»

    Des conditions sanitaires inquiétantes

    Dans le camp de Jaulges, ce sont les migrants qui sont chargés de garder l'endroit propre. «C'est nous qui avons dû le nettoyer et garder l'endroit sain. Il y a un infirmier qui venait le lundi et le jeudi. Il fallait lui demander un rendez-vous à l'hôpital si on était malade. Nous avons tous été malades», se remémore Bakari.

    «Des gens avaient la tuberculose», affirme Diarassouba. «L'un de mes amis l'avait, mais je ne l'ai su qu'après avoir quitté Jaulges. On faisait tout ensemble. On fumait la même cigarette, on buvait les mêmes boissons et on mangeait dans le même bol. Il allait souvent à l'hôpital et les travailleurs sociaux n'ont pas su dire ce qu'il avait. Maintenant, j'ai aussi la tuberculose», se plaint-il. Il sort de son classeur les résultats d'analyses effectuées six jours après son départ de Jaulges, qui attestent d’une contamination par la bactérie.

    La conduite à tenir en cas de manifestation chez un patient de la tuberculose est très précise. Interrogé par BuzzFeed News, Florian Vivrel, médecin de la mission française de Médecins sans frontières explique :

    «Dans un monde idéal, si ces personnes ne sont pas hospitalisées, c'est qu'en théorie elles ne sont pas contagieuses. Si la personne est symptomatique, on l'hospitalise et on lui met un masque. Tant qu'on est pas certain que ce n'est pas ça, les patients sont gardés en isolement. Quand on a quelqu'un qui est positif et contagieux, il faut faire une enquête dans l'entourage.»

    À l'intérieur du camp, plusieurs réfugiés se souviennent de cas de tuberculose. «Il y a eu sept cas dans le camp. Aujourd'hui, il y a encore trois tuberculeux dans le camp. Nous vivons tous mélangés, personne n'a été séparé ou éloigné des autres», précise l'un d'entre eux. Après la première apparition de la maladie, ils confirment la venue de médecins pour la dépister chez les autres résidents. Les médecins auraient ensuite donné un traitement médicamenteux aux malades, sans les isoler du camp.

    Joint par téléphone, l’agence régionale de santé de Bourgogne (ARS) confirme avoir enregistré un cas de tuberculose à Jaulges au cours des trois derniers mois. Celui-ci aurait été pris en charge par le Centre de lutte antituberculeuse. «À ce jour, il n’y a pas de cas de tuberculose maladie [contagieuse] au CAO de Jaulges», affirme l'ARS. Quant au traitement contre la tuberculose prescrit à certains résidents de Jaulges, il pourrait s’agir de «traitement préventifs et non curatifs». Il serait alors question de cas de «tuberculose latente» et non contagieuse. «C'est pour ça que nous, on a aucun cas de signalés. Parce qu'on s'occupe de ceux qui sont contagieux. Il y a zéro nouveau cas de notre côté. Si on a pas de cas signalés, on ne peut pas communiquer.»

    «La promiscuité favorise la contagion», précise Florian Vivrel sur la propagation de la maladie. «L'insalubrité, la fatigue et l'épuisement sont des facteurs qui vont aussi, à l'échelle d'une population, favoriser la contagiosité», ajoute-t-il. Au camp de Jaulges, les locaux sont vétustes et les résidents sont 4 à 6 par chambre malgré la charte qui préconise «l’individualisation de l’espace, autant que possible et en fonction de la configuration du lieu, afin d’assurer un accueil dans la dignité des personnes».

    «Ce sont des gens qui ont souffert et qui font beaucoup de "bobologie"»

    Du côté de la Croix-Rouge, c'est une version tout à fait différente que le directeur du CHRS livre : «On a pu avoir des maladies graves. Ça a été détecté et tout le monde a été traité aussitôt. Actuellement on n'a plus rien. Il peut y avoir des rhumes, il y aura certainement des grippes. Personne n'est reparti malade du camp.» Pour lui, les migrants exagèrent leurs problèmes. «Ce sont des gens qui ont beaucoup souffert et qui font beaucoup de "bobologie", je dirais… Ils ont souffert comme des malades en traversant le Sahara. Maintenant lorsqu'ils se frottent le petit doigt par terre ils souffrent. Et comme ils savent qu'il y a des soins ils viennent les chercher aussitôt», déclare le directeur du CHRS.

    Une antichambre pour les expulsions

    À Jaulges, la durée de séjour des demandeurs d'asile à tendance à s'éterniser. Un migrant résume : « Notre vie ici, c'est Prison Break. Beaucoup de gens transférés de Paris quittent immédiatement le camp. Personne ne veut rester ici, dans la forêt, donc beaucoup décident de fuir. Ils choisissent de dormir dans la rue à Paris plutôt qu'à Jaulges.»

    Diarassouba et Bakari ont donc passé huit mois au camp avant d'être à nouveau déplacés. Ils ont été conduits à environ trente kilomètre de Jaulges, dans une autre structure située dans la ville d'Appoigny, pour être expulsés le plus rapidement possible vers l'Espagne. «Une fois là-bas, on est assignés à résidence 45 jours en attendant l'expulsion», explique Diarassouba.

    «Dans les deux premières semaines on nous donne un premier billet [d'avion]. Si on l'a refusé, on est considéré comme étant en fuite.»

    Sous le coup d’un arrêté d’expulsion, Diarassouba et Bakari ont refusé de prendre le billet d'avion et ont choisi de s'enfuir pour un futur incertain. «Aujourd'hui, c'est l'enfer que je vis. Ma vie est basée sur le doute», raconte Diarassouba, qui est très amer : «Si je n'étais pas en danger, je ne serais pas parti [de Côte d’Ivoire]. Ce que je regrette plus que tout, c'est de ne pas avoir été écouté en France. Je parle la langue de ce pays mais on ne m'a même pas donné l'occasion de m'exprimer. Maintenant je n'ai aucune idée de ce qui va arriver. Je ne sais même pas si tout ça finira par s’arrêter.»

    Contacté par BuzzFeed News, le Défenseur des droits déclare avoir été saisi sur les conditions de vie au CAO de Jaulges.

    Mise à jour

    Dans un article de l’Yonne Républicaine, le directeur de la Croix-Rouge locale affirme après la publication de notre enquête qu’il y a des «navettes quotidiennes vers Saint-Florentin et Auxerre». Quand nous l’avions interrogé pour notre article, il concédait pourtant que les demandeurs d’asile pouvaient «avoir le sentiment d’être coupés du monde» et qu’ils marchaient pour aller en ville parce que «ça ne leur fait pas peur». Sur place nous avions aussi pu voir la documentation mise à la disposition des migrants –voir la photo ci-dessous– qui affirme qu’il y a trois navette par semaine.

    Également contacté par l’Yonne Républicaine, le maire de Jaulges «s’étonne» et déclare que «Les bâtiments ont été aménagés avec du matériel neuf». Nous ne savons pas à quel matériel il fait référence, mais notre visite avait montré des locaux plutôt vétustes et des cuisines mal équipées.


    *Les prénoms ont été modifiés