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11 choses que vous devriez savoir sur les discriminations que subissent les femmes en prison

Entre les quatre murs de leur cellule, comme dans le reste de la société, les femmes subissent d'importantes discriminations.

La prison n'épargne pas les femmes quand il s'agit de discriminations. Largement minoritaires, on pourrait croire que les détenues bénéficient de meilleures conditions de détention. Sauf que c’est l’inverse. Les femmes en prison sont discriminées de manière importante dans l'exercice de leurs droits fondamentaux.

C'est ce que dénonce depuis des années Adeline Hazan, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). Elle l'a répété lors d’une conférence organisée à Sciences Po le 21 novembre dernier. «On sait qu’il y a beaucoup d’inégalités dans la société, mais il y en a encore plus entre hommes et femmes en prison. Comme ces dernières sont minoritaires, elles sont un peu la dernière roue du carrosse.» Un chiffre à garder en tête : les femmes ne représentent que 3,5 % des détenus en France. Sur 69 307 détenus, 2 407 sont des femmes et 66 900 des hommes.

Voici quelques exemples qui illustrent la condition des femmes en prison :

1.

Il s’agit du centre pénitentiaire de Rennes, qui accueille notamment des détenues condamnées à de longues peines. Mais la plupart du temps, les femmes sont en réalité incarcérées dans des quartiers pour femmes situés dans des établissements pour hommes. «Ces quartiers sont au bout du bout, enclavés, car le règlement précise qu’il ne faut surtout pas que les femmes et les hommes se croisent», décrit la CGLPL.

L’article D248 du code de procédure pénale l'établit : «Les hommes et les femmes sont incarcérés dans des établissements distincts. Lorsque, néanmoins, des quartiers séparés doivent être aménagés dans le même établissement pour recevoir respectivement des hommes et des femmes, toutes dispositions doivent être prises pour qu'il ne puisse y avoir aucune communication entre les uns et les autres.»

Or, c’est précisément cette règle qui est en grande partie responsable des autres discriminations subies par les femmes détenues.

2.

Sur 186 établissements pénitentiaires, seuls 56 ont des quartiers réservés aux femmes. «Par ailleurs, la moitié de ces quartiers sont situés dans le nord de la France, ce qui crée de graves inégalités territoriales», soulève Adeline Hazan, qui signale que le CGLPL a demandé la création d’un centre pénitentiaire dans le Sud.

3.

Cette discrimination est mise en avant par le CGLPL dans un avis du 25 janvier 2016 relatif à la situation des femmes privées de liberté :

«Du fait du nombre réduit de maisons d’arrêt accueillant des femmes et du maillage territorial déséquilibré en matière d’établissements pour peines hébergeant des femmes, ces dernières sont souvent incarcérées dans des établissements éloignés de leurs proches.»

Conséquence directe : les femmes souffrent davantage d’une rupture du lien familial, dû notamment au coût des déplacements pour leurs proches. À l’inverse, «quand un homme est en prison, le lien tient en général beaucoup plus longtemps que quand c’est une femme qui est incarcérée», fait sur ce point remarquer Adeline Hazan.

4.

Puisqu’elles sont peu, les femmes ne devraient donc pas souffrir de la surpopulation carcérale, non ? Dans les faits, elles en sont moins victimes que les hommes, puisque les quartiers pour femmes sont occupés à 95 % au 1er novembre 2017.

Mais ce pourcentage, en apparence correct, cache en fait de fortes disparités : au centre pénitentiaire de Remire-Montjoly en Guyane, le taux d’occupation en quartier femmes est de 193 %. Il est de 163 % à celui de Metz-Queuleu, en Moselle. Côté maisons d’arrêts, le taux d’occupation monte jusqu’à 147 % à Strasbourg et 167 % à Lyon. Autre exemple à Nice, où il est de 141 % : «Elles sont cinq femmes dans une cellule de 11m²», décrit Adeline Hazan.

5.

«Il peut y avoir des surveillantes femmes pour des détenus hommes, mais pas de surveillants hommes pour des détenues femmes. On a demandé au ministère de la Justice que cela change, mais ça a été refusé», met en avant Adeline Hazan. «Les femmes détenues ne sont surveillées que par des personnes de leur sexe», précise à ce propos l’article D248 du code de procédure pénale.

6.

En large supériorité numérique dans des infrastructures conçues d’abord pour eux, les hommes sont prioritaires en ce qui concerne l’accès aux soins. Dans son avis de 2016, le CGLPL observe :

«Ainsi, lors de la visite du centre pénitentiaire sud-francilien de Réau, il a été constaté que l’unité sanitaire était fermée aux hommes le jeudi matin dans le but d’y accueillir des femmes. Si ces dernières peuvent être reçues par une infirmière tous les matins dans la salle de soins du quartier “centre de détention” pour femmes pour la dispensation des traitements et la réalisation de quelques soins et entretiens, il n’en demeure pas moins que les femmes n’ont accès à l’unité sanitaire qu’une demi-journée par semaine.»

Concernant l’accès à des soins plus spécifiques, le CGLPL ajoute :

«Dans les établissements pénitentiaires, l’accès aux soins gynécologiques est extrêmement variable d’un établissement à l’autre, ce qui crée une inégalité importante entre les femmes. Ainsi, dans un établissement du sud de la France pouvant héberger une quarantaine de femmes, un gynécologue est présent chaque jour, alors que, dans un établissement de l’ouest de la France hébergeant le même nombre de femmes, le gynécologue n’est présent qu’une fois par mois.»

7.

Toujours en grande partie à cause du fameux article D248 du code de procédure pénale selon lequel femmes et hommes ne doivent pas être en contact, «les femmes sont discriminées en matière d’activités», explique Adeline Hazan. «Elles ont un accès restreint aux espaces communs, réservés aux détenus masculins.» Cela vaut également pour les salles de culte, présentes dans les établissements pénitentiaires.

Dans son avis de 2016, le CGLPL préconise l’organisation d’activités mixtes :

«Pourtant, une solution est esquissée à l’article 28 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui dispose que “sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements et à titre dérogatoire, des activités peuvent être organisées de façon mixte”, et dont l’objectif est de favoriser le décloisonnement des femmes et permettre leur accès aux activités. D’après les constats effectués par le CGLPL, cette possibilité est faiblement utilisée puisque seuls quelques-uns des établissements visités proposent des activités mixtes telles que l’activité parentalité organisée par le relais enfants parents à la maison d’arrêt de Nice, l’activité chorale au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, l’atelier slam et l’enseignement mixte au centre pénitentiaire de Metz.»

8.

Lorsqu’elles ont accès à des activités, celles-ci sont souvent empreintes de stéréotypes. On trouve ainsi dans les quartiers pour femmes des ateliers «fleurs» ou encore «broderie». C’est également ce que regrette le CGLPL dans son avis :

«Par ailleurs, du fait de leur accès limité (voire totalement inexistant, dans certains établissements) aux espaces communs situés dans les quartiers "hommes" (gymnase, ateliers de production, salle de culte, etc.), les femmes sont principalement cantonnées à des activités d’intérieur au sein des quartiers "femmes", entraînant la reproduction de certains stéréotypes genrés.

Les hommes ont accès à des activités professionnelles de production, pratiquent des sports en extérieur et exercent leur culte de manière collective tandis que les femmes ne peuvent souvent que travailler au service général (c’est-à-dire en cuisine, à la buanderie et plus généralement à l’entretien des locaux), se distraire par des activités d’intérieur (ateliers de broderie, de couture et de peinture sur soie) et pratiquer leur religion de manière individuelle.»

9.

En fait, les femmes sont discriminées pour à peu près tout. Les rares fois où elles ont accès à des locaux ou à des activités, la qualité est loin d’être au rendez-vous :

«De manière générale, lors de ses visites, le CGLPL a constaté que les locaux réservés aux femmes étaient souvent plus réduits que ceux des hommes, les intervenants moins nombreux, et les équipements plus sommaires : bibliothèque moins bien dotée, salle de musculation moins bien équipée, terrain de badminton plutôt que terrain de football, etc.»

10.

La loi est claire à ce sujet : «Tout accouchement ou examen gynécologique doit se dérouler sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire, afin de garantir le droit au respect de la dignité des femmes détenues», définit expressément l’article 52 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. «Or, il y a la plupart du temps au moins une surveillante dans la salle d’accouchement et les détenues sont parfois menottées», fait observer Adeline Hazan.

Dans son avis de 2016, le CGLPL rapporte également :

«Plusieurs femmes détenues ont témoigné des conditions dans lesquelles se sont déroulées leurs extractions médicales en vue de consultations gynécologiques : présence d’un personnel de surveillance féminin et/ou port de moyens de contrainte. Lors d’une visite récente, une femme détenue a indiqué aux contrôleurs avoir accouché en présence d’une surveillante.»

11.

Certains établissements pénitentiaires disposent d'un «quartier nurserie» ou d'un «quartier mères-enfants», dans lesquels les femmes détenues sont autorisées à garder leur nouveau-né avec elles. Cela n’est toutefois possible que jusqu’aux 18 mois du nourrisson, âge au-delà duquel ce dernier doit être accueilli chez son père ou chez ses grands-parents, ou sera placé par l'aide sociale à l'enfance.

Parce que la prison en France est un tabou, un trou médiatique et bien souvent, une honte pour la République, BuzzFeed organise du 11 au 17 décembre une semaine de la prison. >> Retrouvez tous nos articles ici.