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    Yassine Belattar : «Même Éric Zemmour connaît mieux le Coran que moi»

    Ses adversaires ne le lâchent plus, et lui entend bien rendre les coups. Yassine Belattar, qui se défend d'être un «islamiste» répond aux questions de BuzzFeed News dans ses locaux, à Paris.

    Son nom revient partout, tout le temps. «Islamiste» pour les uns, humoriste pour les autres, Yassine Belattar est sous le feu des projecteurs, qui ne lui veulent pas que du bien. Nommé par Emmanuel Macron au Conseil présidentiel des villes, l'animateur des «30 Glorieuses», sur Radio Nova, a même suscité l'ire de Manuel Valls, qui voit dans cette nomination «une faute, un signe de faiblesse». Un «signe» envoyé à qui ? Le député de l'Essonne n'a pas souhaité nous répondre. Pour avoir fait un discours devant le Comité contre l'islamophobie en France (CCIF) en 2015, le Printemps républicain l’accuse d’avoir un «fort penchant communautariste».

    Pourtant, l'Élysée y tient. L'entourage du président de la République semble n'accorder aucune importance à la polémique qui entoure sa nomination, et la réponse à nos questions est laconique : «Son parcours est représentatif de celles et ceux qui ont travaillé pour s'en sortir. C'est une voix parmi d'autres, et cette nomination ne fait pas de lui un porte-parole.» «On ne veut plus que je parle», estime de son côté Yassine Belattar qui nous a reçus pendant deux heures dans ses bureaux du 9e arrondissement de Paris, d'où l'on aperçoit le Moulin-Rouge, «un bout d'histoire» comme il l'appelle. Avant un rendez-vous avec l'agent d'un grand footballeur français, il évoque la gauche, le communautarisme, les banlieues, le Bondy Blog ou encore l'islamisme. Entretien.

    Vous dites qu'«on» ne veut plus que vous parliez. C'est qui «on» ?

    J’ai beaucoup de mal à le définir, mais j’arrive à cristalliser des haines de la part de gens qui ne se parlaient pas pendant des années. C’est toujours impressionnant quand c’est Manuel Valls. Même le Front national (FN) n’est pas aussi violent que ça avec moi. C’est bizarre d’accoler mon nom à «islamiste». Qu'on me frappe au-dessus de la ceinture. Qu'on m’attaque sur ma défense du cosmopolitisme. Dans mon travail depuis 15 ans, je n’ai jamais été dans le prosélytisme. J’ai eu trois enfants avec deux femmes hors mariage. Je ne suis pas le meilleur des musulmans. Ce n’est pas ça qui m’habite. J’ai des convictions religieuses, mais il y a une forte dose de francité dans ma vie, si tant est que c’est être français que de se métisser. Ça fait 15 ans que je milite et moi-même je suis incapable de donner une définition au fait d'«être français». Je ne vois pas pourquoi certains Français seraient plus légitimes que d’autres. Et ça, notre génération l’a très vite compris.

    Qu'est-ce qui coince aujourd'hui entre le Printemps républicain et vous ?

    Je n’ai pas vu arriver le tsunami de la laïcité. Le problème se pose comme ça : on a des discussions super ouvertes à gauche, mais il y a une ligne de fracture, c’est la laïcité. C’est une ligne de fracture qui s’est invitée dans le pays à la demande du Printemps républicain. Tu peux parler avec quelqu’un de gauche, t’es d’accord avec lui à 95 %. Et à un moment, arrive la laïcité, et le ton change. Alors que moi je m’en fous. Je défends toutes les femmes, qu’elles soient voilées ou non. Avec le Printemps républicain, on ne ressent sa francité que lorsqu'il y a un attentat et que des français de confession musulmane sont tués comme à La Belle Équipe ou à Nice. C'est horrible. Si ça se trouve, je me ferais tuer par un mec de l'État islamique et c'est à ce moment-là qu'on se dira : «Ah en fait, c'était pas un islamiste.»

    «Quoi que tu fasses, il y a les Frères musulmans derrière.»

    Comment s'est crispé le débat selon vous ?

    D'abord, il y a eu l’affaire Meklat [Mehdi Meklat, chroniqueur et écrivain mis en cause pour des tweets à caractère antisémite ou sexiste, NDLR]. Là, on sent vraiment la puissance du Printemps républicain. Ce qu’a fait Mehdi, c’est de la merde. Mais toute cette organisation pour éliminer quelqu’un, ça rappelle Les Oiseaux d’Hitchcock. Tu débats avec quelqu’un, puis tu t’en vas, et quand tu reviens, y a 500 oiseaux qui t’attendent. Ils sont là pour t’éliminer, pas pour débattre. Je ne défends pas Mehdi. Mais ce qui est intéressant, c’est ce que ça provoque chez eux. Ils créent une sémantique liée à l’affaire, en parlant de «Mekhlatosphère». Ils essentialisent le débat. Ensuite, il y a le conflit entre Riss et Plenel. Et l’implosion, c’est quand je vais sur franceinfo.

    La force du Printemps républicain, c’est qu’ils arrivent à créer des tempos. Quand ils disent «maintenant on parle laïcité», tout le monde parle laïcité. Et Manuel Valls enchaîne les plateaux. À ce moment-là, on entend «Yassine Belattar soutient Plenel». On entend aussi «Plenel est le troisième frère Kouachi». C’est violent. Et au même moment, je passe chez David Pujadas, dans une séquence qui a beaucoup tourné. Et là, ça ne passe pas. Dans leur logiciel, il est inadmissible que Belattar s’en prenne à Pujadas, parce que Pujadas, c’est le bar de Sevran. J’enchaîne avec «L’Émission politique», et je remets Bernard Kouchner en place parce qu’il me tutoie. Sauf que Kouchner, c’est une vache sacrée. Et là tout le monde me tombe dessus.

    Des échanges entre vous et le président du Printemps républicain, Amine El-Khatmi, ont été publiés. On voit tout de même que vous tenez des propos violents et insultants à son égard, comment justifiez-vous cela ?

    Ce qu'Amine El Khatmi a coupé, c'est qu'il m'avait envoyé «pauvre type, tu es un Mehdi Meklat sans audience», et j'ai surréagi. Je le regrette. Dès qu'il y a une insulte, il y a un regret. J'ai le sang chaud, je me calme. Je regrette, car en plus il utilise ça contre moi aujourd'hui.

    «Je sais que je ne suis pas islamiste, et moi j'ai les preuves»

    Marianne vous a aussi accusé, à tort, de ne pas respecter les deuils consécutifs aux attentats contre Charlie Hebdo et à Nice...

    Et je suis obligé de m’asseoir pour réaliser ce que je suis en train de lire. Mais à ce moment-là, beaucoup de gens se disent que ce n'est pas normal. Sauf que mes détracteurs ont un seul leitmotiv : la vérité ne sert à rien, il faut être cru. Et ils continuent de taper. Le problème, c'est que dans certains quartiers, je suis un interlocuteur. Et les jeunes se posent la question : «C’est aussi facile de démonter quelqu’un comme ça ?» Pour eux, c’est «le système» qui m'attaque. On a beau leur expliquer que c’est pas "le système", ils n’y croient pas. Il faut tout reprendre à zéro. Mais maintenant, il y a une nouveauté, j’ai des fans de Dieudonné qui viennent à mes spectacles. Eux, ils ne viennent pas pour rigoler. Dieudonné m’envoie des gens à lui pour qu’on se rencontre. Mais je passe entre les gouttes, je ne réponds pas. Ça fait partie des contraintes. Je n'ai rien à dire à la bande de Dieudonné.

    Et puis en décembre, il y a l’affaire Mennel. Ils ont un avis à chaque fois que l’islam ou la laïcité entrent en jeu. Ils arrivent à tout racialiser. Mais je trouve fou qu’à chaque fois, on dise que derrière, il y a les Frères musulmans. C’est à mourir de rire. Mennel, elle a 20 ans et elle chante. Elle fait des tweets, et on nous explique que derrière elle, il y a les Frères musulmans. C’est génial comme parade. Quoi que tu fasses, il y a les Frères musulmans derrière.

    Vous avez été qualifié d'islamiste par l'avocat et chroniqueur Gilles-William Goldnadel, vous allez répondre ?

    Oui je vais porter plainte contre Valeurs actuelles qui me surnomme le «Dieudonné de Macron», et contre Gilles-William Goldnadel et «Les Grandes Gueules» de RMC. S'il faut que ça aille loin, ça ira très loin. Car je sais que je ne suis pas islamiste, et moi j'ai les preuves. Le but de ces gens-là, c'est de semer le doute à mon égard. Ils pensent que ça prendra bien à un moment. Sauf qu'en attendant ce moment qui ne viendra pas, je reçois insultes et menaces. Par ailleurs, Gilles-William Goldnadel tient régulièrement des propos diffamatoires ou extrémistes. Combien a-t-il d'heures de visibilité entre le Figaro Vox, «Les Terriens du dimanche», «Les Grande Gueules» et Valeurs actuelles ? J'imagine David Thomson [journaliste de RFI spécialisé dans les questions de djihadisme, NDLR] installé aux États-Unis, qui a dû voir qu'on avait qualifié Yassine Belattar «d'islamiste». Il a dû bien rire. Et lui, j'avoue que s'il dit que je suis un islamiste, alors là je serais mal à l'aise.

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    Extrait de l'émission / Via youtube.com

    Et du coup, quel est votre rapport à l'Islam ?

    Mais moi l’islam, je m’en fous ! Je suis croyant, mais ça n’a jamais été mon prisme. Même Éric Zemmour connaît mieux le Coran que moi. Depuis toujours on me dit qu'«il faut être français et musulman». Quand j’étais petit mon père me disait : «Commence pas à emmerder les gens avec ta religion. T’es musulman, mais fais pas chier les gens avec ça.»

    Et ce gala du CCIF que vous avez animé en mai 2015, vous le regrettez ?

    Ceux qui m'attaquent ont toujours l’impression qu’ils découvrent l’eau chaude en disant que j’ai fait le dîner du CCIF. Mais moi j’ai publié mon discours lors du dîner du CCIF. Je travaillais à BeurFM et ils nous avaient demandé un partenariat que la radio a accepté. Dès le début de la cérémonie, j'ai dit que j'étais-là en tant que républicain et pas en tant que musulman.

    Vous faisiez aussi gagner des places pour un dîner avec Tariq Ramadan...

    S'agissant de lui, je ne pouvais pas savoir ce qui arriverait par la suite. C'est un peu comme reprocher aux gens d'avoir été pris en photo avec Dieudonné il y a 15 ans. Au moment où je participe à ce dîner, c'est une icône du monde musulman. Mais moi, je n'ai rien à voir avec lui. Et je n'ai d'ailleurs jamais été membre du CCIF, contrairement à ce qui a été dit sur BFM-TV. Je n'avais pas de contact avec eux et on s'est disputés après ce dîner. Ils ne m'ont même pas invité l'année suivante. En plus, pardon de dire ça, mais le CCIF ne pèse pas vraiment. Qui leur donne de l'importance ? Le poids qu'il a est celui que veulent bien lui donner ses détracteurs. Mon père, si je lui parle du CCIF, il croit que c'est la caisse d'allocations des familles d'Île-de-France.

    «Quand je vois Mehdi Meklat, j'ai envie de lui dire, "viens chez moi à Sevran avec ta casquette et tes ourlets et parle-leur au lieu de faire la caillera dans le 3e."»


    On parle beaucoup de communautarisme religieux en banlieue, vous l'avez observé vous-même ?

    Il y a un échec quelque part pour que des mecs avec qui on a grandi s’engagent en Syrie. C’est ma vraie culpabilité, à vie. Mais je ne crois pas que la "communautarisation" vienne de la banlieue. Le souci, c’est qu’à chaque fois, ils arrivent à trouver un mec qui va dire «moi, j’aime Mohamed Merah». Mais moi ce mec-là, si je le croise, je lui en mets une dans la gueule. Quand je vois Mehdi Meklat, j'ai envie de lui dire «viens chez moi à Sevran avec ta casquette et tes ourlets et parle-leur au lieu de faire la caillera dans le 3e [arrondissement]». Ceux qui se sont constitués en communautés, ce ne sont pas les gens de ma génération. Ça vient des jeunes, comme le Bondy Blog. Et ce n'est pas à cause de l’islam.

    Vous pensez que le Bondy Blog s’est communautarisé ?

    Tu peux pas dire, sous prétexte qu’un type est blanc, qu'il parle forcément mal de la banlieue. C’est très injuste. C’est ça, le communautarisme. Pour moi, plus on parle de la banlieue, mieux c’est. Je suis pas dans un phénomène de hiérarchisation des souffrances. J’ai vu la création du Bondy Blog, c’était pas ça le discours. Le but, c’était de prendre des jeunes de banlieue, de les former, et de les placer dans des rédactions classiques. Mais à un moment, ils ont durci le ton, ils restent trop vindicatifs. Et pour moi, c’est une erreur.

    Vous avez rencontré l'équipe d'Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle. Quel discours avez-vous porté à propos des banlieues ?

    Pour moi, cette campagne était déterminante. Il fallait arrêter de parler au «jeune de banlieue», comme si l’habitant de banlieue était éternellement jeune et saillant. Il y a aussi des quinquas et des sexagénaires en banlieue. On parle pas de la même manière à un mec de 60 ans ou a un mec de 20. Je leur ai expliqué qu’il fallait parler aux parents. Les parents sont les mêmes partout. Même les pires délinquants sont parents, et ils forcent leurs enfants à travailler à l’école. C’est la seule situation où les chiens font des chats. À l’époque, nos parents espéraient qu’on ait le bac. Aujourd’hui, mes gamins ils veulent faire Sciences Po.

    L’équipe de Macron m'a demandé s’il fallait parler de religion à propos des banlieues. J'ai dit non. On s’en fout de la religion en banlieue. Pour dire quoi ? «Vous savez toutes les religions aiment les hommes» ? Super, sauf que le problème c’est ce que les hommes font de la religion. Ça n’a pas changé avec l'État islamique. Donc je dis à Macron : ne cherche pas à aider «la banlieue». C’est impossible, on peut pas les aider un par un. Mais il faut favoriser la philanthropie. Prendre des mecs de banlieue qui sont devenus riches par l’entreprenariat, et les pousser à réinvestir en banlieue.

    Parce qu’aujourd’hui, on ne peut plus dire «la France elle m’aime pas». Moi je réponds : la France elle t’aime pas parce qu’il est 15 heures et que t’es en jogging. Si tu t’y mets un peu… J’ai la légitimité pour le dire parce que j’en viens, mais je suis conscient que, malheureusement, si un Blanc dit ça, on va le traiter de raciste. Il y a beaucoup plus de belles histoires en banlieue que de moches. Si on prend les bavures policières : y en a de moins en moins. Il y en a encore, mais moins. Il y a plein de bons flics, on expose que les mecs problématiques.

    «Aujourd’hui, on ne peut plus dire "la France elle m’aime pas". Moi je réponds : la France elle t’aime pas parce qu’il est 15 heures et que t’es en jogging.»

    En 2008, vous tourniez dans le clip de «Banlieusards», de Kery James, qui incitait les jeunes de banlieue à s'en sortir eux-mêmes. Qu’est-ce qui a changé en 10 ans ?

    Chez les gens des banlieue, il y a beaucoup de fatalisme. Je suis un militant pré-émeutes de 2005. Après les émeutes, un vrai ADN politique s’est construit en banlieue. Mine de rien, Nicolas Sarkozy nous a beaucoup aidés : il a cristallisé tout ce qu’on voulait combattre. Et c’est pas de la faute des Blancs si le mouvement des banlieues a périclité. C’est parce que ce combat a été miné par des guerres d’égo comme on n’en avait jamais vu. T'arrivais dans une réunion, le mec qui parlait avant t’avais défoncé. Une surenchère qui a fait que tout s’est affaissé. Aujourd’hui, certains ont pris le maquis numérique. Ils ont 30 000 followers sur Twitter, ils se prennent pour Che Guevara. Mais c’est pas dit que s’ils organisaient une manifestation, 30 000 personnes viendraient. Moi je ne défendrai jamais les musulmans, je défendrai toujours les banlieusards. Blancs, Arabes, Noirs : ceux que je défends, ce sont les pauvres. Et dans le clip de Kery James, il y avait de tout.

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    Quels sont aujourd'hui les causes du communautarisme ?

    Il y a plein de facteurs. Par exemple, comme on n’avait pas accès aux one-man show, on a créé le BEP humour : le stand-up. Dans le stand-up, t’as presque que des Noirs ou des Arabes. Et puis t’as Uber. Quand tu prends un Uber et que le chauffeur est blanc, t’es surpris. C’est un réflexe raciste involontaire, mais c’est horrible. Uber a communautarisé. L’ubérisation a été très vite la bouée de sauvetage des banlieusards, ce qui est très injuste. Uber, c’est de l’entrisme américain. Aujourd’hui, aucun homme politique n’a le pouvoir de contrôler Uber qui ne paie pas un centime d’impôts en France. On a fait entrer un outil qu’on ne maîtrise absolument pas.

    Qu’est-ce qui a changé avec La République en marche (LREM) ?

    Déjà quelque chose d'énorme: on va bientôt parler du PS au passé. Comme nos parents nous parlaient des Verts en football : «Mais tu sais avant Saint-Étienne ils avaient une bonne équipe !». Le PS a complètement périclité. Je ne suis pas adhérent à LREM, j'assume d'être dans l'opposition. Mais aujourd’hui il y a quelque chose qui a changé : les mecs connaissent NTM. Avant, quand tu parlais du rap, on te répondait que c’était trop violent, pas assez bien. Aujourd’hui, les mecs de LREM vont tous aux concerts de NTM. Avant, un mec comme Kery James, on pouvait pas le recevoir. Aujourd’hui ils écoutent tous ses albums. Et ça joue en banlieue. Quand Macron est arrivé, les jeunes se sont dit : «Ça fait 30 ans qu’on est obligé de voter à gauche pour des communistes, on change, nous aussi on veut en profiter.» Ce qui sauvera les quartiers, je pense, c’est la privatisation. L’argent public ne sert à rien, on ne sait pas leur donner. Cette notion de dépendance de l’État, elle est révoquée dans les quartiers. Mais il faut le faire bien. Moi je prends position contre le Qatar qui s’immisce en banlieue. Imagine la France entrer dans des quartiers en Espagne, et donner aux habitants de l’argent : tu crées une guerre civile ! Chez nous la banlieue, c’est une porte de saloon, n’importe qui peut entrer et injecter de l’argent. Si on laisse l’opportunité au Qatar de mettre la main sur les banlieues, c’est la même chose que l'exportation du wahhabbisme [un courant fondamentaliste de l'islam] que l'on reproche aux Saoudiens.

    «Je sais que si j'ouvrais moins ma gueule, ça me servirait davantage pour ma carrière artistique»

    Cela doit faire une heure que nous discutons et vous avez presque exclusivement parlé de politique. C'est rare pour un comédien. Est ce que vous ne payez pas aussi cela ?

    Je viens d'une tradition d'humoristes qui s'engagent. Je suis en effet plus remarqué que d'autres humoristes qui ne s'engagent pas. J'aimerai beaucoup partager ce combat avec Jean Dujardin ou Jamel Debbouze. Je suis né à une époque que j'aurais voulu connaître. Tous les mecs que je kiffe viennent de là. Desproges, Coluche... Je prétends pas être leur descendant, mais en tout cas à cette époque, c'était normal de s'engager. Après, s'agissant de la politique, oui je reconnais aimer ça, mais de manière privée.

    Mais vous réagissez sur toutes les actualités : les attentats, les crimes, à la manière d'hommes ou de femmes politiques. N'êtes-vous pas pris dans le piège de vos détracteurs, contraint à tweeter pour leur prouver quelque chose ? Où vous victimiser ?

    Non, je ne pense pas. Et d'ailleurs, je ne suis pas le représentant des musulmans. Mais oui je tweete sur l'actualité, je réagis beaucoup, pour montrer aussi aux jeunes de quartiers que ce genre de choses nous intéresse. Je sais aussi que si j'ouvrais moins ma gueule, ça me servirait davantage pour ma carrière artistique. Mais ce n'est pas ma vision des choses. Par exemple, je viens d'embaucher Théo pour qu'il travaille dans ma société. Mon but, c'est que Théo [jeune d’Aulnay grièvement blessé lors de son interpellation par la police en février 2017] devienne Monsieur Luhaka. Ce mec est digne, et je veux que dans quelques années, des gens lui disent : «Je vous connais, mais je ne sais plus d'où».

    Vous pourriez un jour vous présenter à une élection ?

    Me présenter, non, mais je crois de plus en plus en la création d'une force politique indépendante. Il est hors de question que je continue de vivre dans un pays où on peut traiter quelqu'un d'islamiste sans qu'il y ait des conséquences. C'est horrible de devoir prouver que j'aime vraiment mon pays. Alors que je suis l'équivalent d'un Texan américain, mais c'est juste que ça ferait beauf de mettre sur ma fenêtre un drapeau de la France. Mais pour en revenir à la force politique, elle ne serait pas liée à la couleur de peau et ne serait pas communautariste.