Aller directement au contenu

    Sur iTELE, une journaliste nie en direct le nombre de viols par an en France

    «Les chiffres sont gonflés», a affirmé Hélène Pilichowski. iTÉLÉ plaide la «connerie».

    La scène se déroule le lundi 23 janvier dans L'heure des pros, l'émission animée tous les matins sur iTELE par Pascal Praud et qui a pour but de décrypter l'actualité. Autour de la table se trouvent notamment Caroline de Haas, militante féministe, Hélène Pilichowski, journaliste, et Jacques Séguela, publicitaire. S'engage alors une discussion sur le nombre de viols en France chaque année, discussion au cours de laquelle Hélène Pillichowski va purement et simplement nier la réalité de ce phénomène.

    Alors que la discussion évoque le cas d'un professeur d'université sanctionné pour une remarque sexiste pendant un cours, Hélène Pilichowski prend la parole:

    «Il faut bien évidemment condamner cet enseignant qui a fait preuve d’une vulgarité absolument insupportable et puis… Mais en même temps se méfier du déferlement médiatique et des réseaux sociaux qui tout de suite vous disent que toutes les femmes sont violées en France toutes les secondes ou à peu près… Ce qui moi…»

    Elle est immédiatement reprise par Caroline de Haas, qui lui cite les statistiques du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH):

    «Non c’est toutes les sept minutes.»

    Les chiffres qu'évoque Caroline de Haas sont disponibles sur le site du HCEFH et concerne la période 2010-2012 au cours de laquelle 83.000 femmes par an ont déclaré avoir été victimes d'un viol ou d'une tentative de viol. Soit une agression sexuelle toutes les sept minutes environ. Hélène Pilichowski tente alors d'expliquer que ces chiffres sont faux:

    Hélène Pilichowski: Oui enfin bon ce qui à mon avis est totalement excessif bien évidemment
    Caroline de Haas: C’est le ministère de l’Intérieur...
    Pascal Praud: Pourquoi vous dites que c’est excessif?
    Hélène Pilichowski: Mais parce que les chiffres sont gonflés!

    Caroline de Haas tente alors de rappeler à Hélène Pilichowski que ces chiffres émanent directement d'organismes tels que le ministère de l'Intérieur ou l'INSEE. Hélène Pilichowski dévie sur le harcèlement sexuel:

    Caroline de Haas: C’est le ministère de l’Intérieur et l’INSEE qui font des enquêtes!
    Hélène Pilichowski: Mais ça dépend où est-ce qu’on met… Le harcèlement c’est quoi… Ça dépend où on met la barre!
    Caroline de Haas: Non on parle de viol! On parle d’une pénétration sans consentement!
    Hélène Pilichowski: Toutes les sept minutes en France?
    Caroline de Haas: Oui, toutes les sept minutes.
    Hélène Pilichowski: Eh bah moi je dis que c’est faux.

    «C'est pareil» avec la pollution

    Toujours pas convaincue, Hélène Pilichowski se voit alors opposer par Caroline de Haas une réalité brutale: la militante féministe a elle-même été victime de viol, comme elle l'avait notamment expliqué à L'Obs en 2012:

    Caroline de Haas: Eh bah demandez autour de vous!
    Hélène Pilichowski: Je demanderai.
    Caroline de Haas: Rien que sur le plateau là y en a au moins une qui a été victime de viol.
    Hélène Pilichowski: Ah bon bah très bien, peut-être.
    Caroline de Haas: Bah oui c’est moi!

    Pascal Praud intervient pour demander des explications à Hélène Pilichowski. La journaliste, visiblement acculée, prend la tangente et évoque... la pollution atmosphérique à Paris:

    Pascal Praud: Je comprends pas Hélène pourquoi vous contestez ces chiffres qui sont des chiffres du ministère?
    Hélène Pilichowski: Parce que je trouve que c’est excessif. Comme quand on vous dit qu’il y a des morts par la pollution… 40.000 morts par la pollution [NDLR: 48.000 en réalité en France selon les derniers chiffres d'une étude publiée en juin 2016], tous les gens se disent «je vais descendre dans la rue et je vais mourir si je respire un peu l’air de Paris», c’est pareil. On exagère les chiffres!

    Jointe par BuzzFeed News ce mardi, Caroline de Haas juge la séquence «hallucinante»:

    «C'est pareil à chaque fois. On méconnaît l'ampleur des violences. On a toutes et tous une femme dans notre famille qui est ou a été victime de violences, et on ne le sait pas. Mais quand vous en parlez aux gens, quand vous montrez les chiffres aux gens qui ne le savent pas, leur mécanisme de défense c'est de tout nier en bloc. Quand vous mettez la réalité en face des yeux de ces gens, ils nient.»

    Pour rappel, le Code pénal définit ainsi le viol:

    Le HCEFH rappelle également que «16% des femmes et 5% des hommes déclarent avoir subi des viols ou des tentatives de viols au cours de leur vie.»

    Contactée par BuzzFeed News, Hélène Pilichowski n'a pour le moment pas donné suite à nos sollicitations. Le service presse d'iTELE ne nous a pas répondu. Mais un cadre de la rédaction qui a souhaité rester anonyme nous dit:

    «Hélène Pilichowski a dit une connerie, mais les autres invités ont tout de suite réagi. Cette émission a le défaut de sa qualité, c'est qu'elle fait réagir. Pascal (Praud) est dans son rôle d'agitateur et d'empêcheur de tourner en rond. Elle dit des conneries, c'est déjà arrivé à d'autres. Si on lui avait laissé une chronique sans contre-argument, j'aurais un problème. Elle est là parce qu'elle exprime une opinion qui malheureusement existe».

    Assurant qu'iTÉLÉ n'est «pas là pour blesser ou insulter des gens», ce cadre nous a également assuré que si Hélène Pilichowski adoptait à nouveau ce genre de comportement à l'antenne, «il y aurait des sanctions».

    Un membre de la rédaction nous dit par ailleurs:

    «On l'appelle parce qu'on sait qu'elle va dire des conneries. Mieux vaut un bad buzz que pas de buzz du tout.»