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Salut nazi, «extermination» des Arabes: à Lyon, identitaires et frontistes font la fête ensemble

Axel Loustau, Damien Rieu, Frédéric Chatillon. Tous étaient présents à la «soirée des patriotes» du bar identitaire lyonnais La Traboule, en parallèle des Assises du FN.

Vendredi 4 et samedi 5 février au soir, la fine fleur des identitaires lyonnais s'était donné rendez-vous à La Traboule, bar du vieux Lyon connu pour accueillir la jeunesse d'extrême-droite de la ville, sous l'égide de Génération Identitaire (GI). Plusieurs figures du Front National s'y sont montrées. On y a passé la soirée de samedi incognito. Récit.

«Je suis parti dératiser l'Afrique»

Le bar La Traboule est situé en haut d'un escalier, où fument et dissertent une trentaine de jeunes. Devant la porte, trois militants de GI, reconnaissables à leur ciré jaune caractéristique, montent la garde et ouvrent la porte aux arrivants. Il est 23 heures, la soirée commence à peine mais le lieu, ouvert en avril 2011 par les identitaires, est déjà bien rempli. Au fond du bar, une salle voûtée avec baby-foot et stand de goodies. Au milieu des t-shirt siglés Génération Identitaire, une figure bien connue de la fachosphère trône sur les vêtements: Pepe la grenouille.

Près du stand de vêtements, trois sexagénaires discutent. Ils viennent de Paris et ont fait le voyage à Lyon pour assister aux Assises du Front National, comme en témoignent les badges qu'ils portent fièrement autour du cou. Ensemble, ils se remémorent leur jeunesse au GUD, groupe étudiant d'ultra-droite par lequel sont passés plusieurs parlementaires des Républicains notamment. Dans le groupe de trois, un seul n'était pas au GUD –«à cette époque, je suis parti dératiser l'Afrique!», dit-il à ses compagnons. Le trio rigole, puis s'en va se coucher tôt pour ne pas rater la deuxième journée des Assises, et le meeting de Marine Le Pen.

«On ose pas parler d'extermination, alors on dit remigration!»

Parmi les quelque 200 personnes qu'on a dénombrées samedi soir, une vingtaine de femmes au maximum. La moyenne d'âge tourne autour de 25 ans, et les plus jeunes ne dépassent pas les 18 ans. Nous engageons la discussion avec Thomas* et Finn*. Le premier est agent des impôts dans la région lyonnaise, et adhérent du Front national. Le deuxième est Irlandais, mais vit dans le Rhône et étudie en BTS. Entre les deux, le courant passe immédiatement, Thomas en profite pour raconter son quotidien d'inspecteur des impôts:

«Moi je le vois tous les jours. Parmi ceux qui paient le moins d'impôts, il y a des Français bien sûr. Mais bon, la grande majorité, ils ont des noms arabes. C'est pas Emmanuel «Macrouille» qui va nous en débarrasser!»

Finn acquiesce, selon lui la situation «est la même» en Irlande. Il se plaint des «10.000 musulmans qui vivent en Irlande» et engage le dialogue avec Thomas:

– Tout le monde déteste les Arabes. Aujourd'hui, on ose pas parler d'extermination, alors on dit remigration!
– Ah bah pour le coup, Staline n'avait pas que des mauvaises méthodes!

Thomas ponctue sa phrase d'un bref salut nazi. Le geste est furtif, personne ne l'a remarqué. Mais le bras et la main sont bien tendus en l'air. Une heure plus tard, l'inspecteur des impôts fait une révélation à trois camarades qui l'écoutent en fumant une cigarette:

- À la sixième génération j'ai une Juive!

- Ah ouais?

- Putain!

- Il va te demander cinq centimes!

(...)

- Juif européen hein!

- Oui mais du côté de la mère?

- Euh oui c'est du côté maternel.

- Mais tout le temps maternel?

- Tout le temps.

- Ah putain t'es malade alors!

- Au four!

La bande est hilare. Dans son fou rire, Thomas renverse un peu de sa bière. L'un de ses amis réplique du tac au tac:

«Faites gaffe, il va vous demander de l'argent!»

Loustau, Chatillon et Rieu à la fête

C'est aux alentours de minuit que débarquent Frédéric Chatillon et Axel Loustau, tous deux membres de la garde rapprochée de Marine Le Pen mis en examen dans le cadre du financement de la campagne FN de 2012. Ils sont accompagnés de Nicolas Crochet, proche de Chatillon et mis en cause dans le scandale des Panama Papers via la société Riwal, fournisseuse de matériel électoral pour le FN. Ils serrent des mains, discutent, rigolent et boivent des coups. «Ah, ils sont venus!» lance une jeune militante, bière à la main. Ils sont rejoints un peu plus tard par Damien Rieu, ancien leader de GI et aujourd'hui membre de l'équipe de Marion Maréchal-Le Pen. Il sont ici chez eux, à en juger par les poignées de main qui s'enchaînent.

Dans un coin, l'actuel président du mouvement raconte, très excité, que la date de son procès devrait bientôt tomber. Arnaud Delrieux, dont les amis s'étaient juchés sur le toit de la mosquée de Poitiers en 2012, est mis en examen pour «complicité de vols, dégradations et incitation à la haine raciale». Il explique à l'assistance:

«Les parties civiles c'est l'UOIF (Union des Organisations Islamiques de France, ndlr) et le CCIF (Collectif Contre l'Islamophobie en France, ndlr) de Marwan je sais plus quoi! C'est parfait, c'est les fils de France contre les Frères musulmans! C'est une super tribune pour nous!»

Dans le bar, les enceintes diffusent de la musique française. Renaud résonne sur les pierres des murs. L'agent des impôts Thomas, pourtant farouchement «anti-gauchiste», écoute Renaud avec plaisir:

«Renaud, c'est comme Ferrat. Politiquement, c'est impardonnable, mais musicalement c'est magnifique. Comme il y en a qui détestent Céline. Sauf que Céline, il n'y a rien à pardonner.»

Lui et ses amis ne comprennent pas «l'obsession des gauchistes pour le multiculturalisme». L'un des amis de Thomas explique sa pensée, comme une évidence:

«Pour manger un couscous y a pas besoin de cinq millions d'Arabes! T'achètes du poulet, de la semoule et voilà! Comme t'as pas besoin de cinq millions de Japonais chez toi pour manger des sushis. Encore qu'à choisir, je préfère des millions de Japonais. Au moins c'est un grand peuple.»

Contacté par BuzzFeed News, Damien Rieu nous a simplement indiqué ne plus avoir de responsabilités à Génération Identitaire. Sous couvert d'anonymat, une source proche du groupe affirme que de tels comportements ne sont habituellement pas tolérés par GI et qu'ils sont le faits d'éléments extérieurs au groupe. Axel Loustau et Génération Identitaire n'ont pour le moment pas donné suite à nos sollicitations.

Dimanche soir, la direction de la Traboule nous a finalement répondu par écrit:

«Nous condamnons les éventuels comportements provocateurs qui ne font pas partie de la culture des maisons de l'identité et du mouvement identitaire.»

Et ajoute:

«Il est possible que les deux dérapages relevés par votre faux-participant aient échappés à la vigilance l'équipe d'animation de La Traboule, qui n'est malheureusement pas équipée d'un sytème orwellien de surveillance des conversations. Lorsque de tels faits sont relevés, l'exclusion définitive des lieux est systématique. Cela a d'ailleurs été malheureusement le cas pour trois visiteurs extérieurs ce week-end, soit une infime minorité, qui ne saurait donc représenter l'ensemble des participants de la soirée ou de ses organisateurs.»

*Nous avons modifié les prénoms des deux interlocuteurs. Les sons présentés dans la vidéo ont été recueillis grâce à un micro discret.

UPDATE

Ajout de la réaction de la direction de La Traboule.