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    Propos de Jean-François Jalkh sur les chambres à gaz: la chercheuse qui l'a interrogé confirme

    BuzzFeed News a pu parler à la chercheuse qui a interrogé Jean-François Jalkh sur les chambres à gaz. Elle confirme que cet historique du FN a bien tenu les propos qui lui sont prêtés sur le Zyklon B et le «sérieux» des travaux négationnistes. Elle détient les cassettes. Jalkh a été obligé d'abandonner la présidence du parti.

    Marine Le Pen a décidé lundi soir de se mettre en congé de la présidence du FN, une décision symbolique qui vise à s'éloigner du parti pour mieux «rencontrer le peuple». Conformément à l'article 16 des statuts du FN, les clés du parti ont été transmises au premier vice-président du FN, l’eurodéputé Jean-François Jalkh. Pour quelques jours. Car vendredi, le vice-président du Front national Louis Aliot a annoncé que M. Jalkh lachait les rênes du parti. C'est Steve Briois, maire d'Hénin-Beaumont et vice-président du FN qui prend la tête du FN.

    Jean-François Jalkh est un vieux de la vieille qui a rejoint la boutique dès sa création, en 1974. Le journaliste de La Croix Laurent de Boissieu a ressorti des propos sur «les chambres à gaz», le «sérieux et la rigueur» de certains travaux révisionnistes ou négationnistes que Jean-François Jalkh a tenus lors d'un entretien de thèse avec une doctorante en 2000. Ces propos ont été utilisés par cette même doctorante dans un article qu'elle a publié en 2005 dans la revue de chercheurs de l'Institut universitaire de France Le Temps des savoirs. Dans l'extrait, M. Jalkh reprend certaines théories de Robert Faurisson, négationniste multi-condamné. Voici notamment ce qu'il dit:

    «Le problème des chambres à gaz, mais moi je dis qu'on doit pouvoir discuter même de ce problème. [...] Il se fait que j'ai été amené à lire, par exemple, des ouvrages de gens qui sont des négationnistes ou des révisionnistes. [...] Même un type comme Faurisson, il dit: Moi je vous demande, je pose un certain nombre de questions sur le plan technique. [...] Sur l'utilisation d'un gaz par exemple, qu'on appelle le Zyklon B, moi je considère que d'un point de vu technique, il est impossible, je dis bien impossible de l'utiliser dans des [...] exterminations de masse.»

    La revue Le Temps des savoirs précise que les propos ont été tenus en 2000. Mais le nouveau président du FN a immédiatement démenti avoir tenu ces propos auprès du journaliste de La Croix. Sur son blog, Laurent de Boissieu précise: «Jean-François Jalkh a démenti auprès de moi avoir à la fois tenu de tels propos et répondu aux questions de Magali Boumaza», la doctorante qui l'interrogeait à l'époque.

    Sur BFMTV mercredi matin, le directeur de campagne de Marine Le Pen, David Rachline, a été interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur les déclarations passées de «Jean-François Jalkh qui est aujourd'hui le patron du FN». Le dirigeant frontiste a immédiatement pris sa défense:

    «C'est un homme qui n'a jamais été mis en cause depuis 30 ans. Il a démenti évidemment les propos qu'on lui prête. Il le conteste. Il a déposé une plainte. Parce que cette affaire est évidemment montée de toute pièce. [...] C'est une atteinte à son honneur que de faire croire le contraire.»

    L'interlocutrice de Jalkh confirme tout

    Pourtant, selon le témoignage recueilli par BuzzFeed News, Jean-François Jalkh a bien prononcé ces phrases et il n'y a aucune ambiguïté sur ce qu'il a voulu dire. Nous avons contacté Magali Boumaza, la doctorante qui avait interrogé M. Jalkh, dans le cadre de la thèse qu'elle écrivait sur le FN. Elle confirme tous les propos qui ont été tenus à l'époque. Elle explique qu'elle s'est entretenue avec Jean-François Jalkh pendant trois heures, au siège du FN, et assure qu'elle détient tous les enregistrements audio des entretiens qu'elle a menés avec lui:

    «Ces propos ont été tenus en 2000. M. Jalkh m'avait à l'époque reçue au Paquebot (le nom de l'ancien siège du FN, ndlr). La rencontre a duré trois heures, et sur ces trois heures, il y a eu cette sortie révisionniste qui a duré deux ou trois minutes tout au plus. Les propos ont été retranscrits tels qu'ils ont été prononcés.»

    Magali Boumaza est aujourd'hui docteure en Sciences politiques, elle travaille à l'université de Galatasaray à Istanbul. Nous lui avons parlé au téléphone.

    «Je suis très tranquille, j'ai les enregistrements audio et la retranscription complète de l'entretien. Rien n'a été falsifié, je confirme les propos tels qu'ils ont été retranscrits», assure-t-elle.

    Contactés par BuzzFeed, Jean-François Jalkh, le directeur de campagne de Marine Le Pen David Rachline, le vice-président du FN Florian Philippot, et le service de presse du parti n'ont pas donné suite.

    Ce n'est pas la seule affaire qui a ressurgi du passé de Jean-François Jalkh. Le Parisien du 26 avril rappelait qu'il était également mis en examen pour «escroqueries, abus de confiance et acceptation par un parti politique d'un financement provenant d'une personne morale» dans l'affaire Riwal. Accusation que Jean-François Jalkh réfute, affirmant n'avoir eu «à aucun moment une intention frauduleuse». Par ailleurs, un entrefilet du Monde, daté de 1991, racontait comment Jean-François Jalkh avait assisté à la commémoration de la mort du Maréchal Pétain. Une présence que l'intéressé nie aujourd'hui par l'intermédiaire de David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen, 26 ans après.

    Interrogé sur les propos de Jean-François Jalkh sur France Inter jeudi matin, Florian Philippot persiste et signe dans la défense du nouveau président du FN:

    - Florian Philippot: Vous savez qu’il a démenti tout cela. Moi je le connais bien c’est un honnête homme. C’est assez amusant d’ailleurs de sortir des choses qui auraient 17 ans alors que cet homme a passé beaucoup d’élections, a été élu premier vice-président, et que rien jamais ne lui a été reproché. Enfin tout cela ça fait partie des polémiques de campagne.

    - Patrick Cohen: La doctorante qui a recueilli ses propos affirme avoir les enregistrements audio et la retranscription complète de l’entretien…

    - FP: Oui mais d’ailleurs, même la retranscription, on y comprend rien. Parce qu’il cite des choses qui sont pas de lui.

    - PC: Si ces propos sont publics et confirmés, est-ce que la présidence de Jean-François Jalkh pourrait être remise en cause ?

    - FP: S’il y avait des propos problématiques, bien sûr. Sauf que même les propos qu’on voit, on y comprend rien. Ce n’est même pas des choses qu’il dit lui, c’est des choses qu’il cite, et d’ailleurs il s’en détache. Tout ça, ça fait partie des polémiques de campagne un peu basses, voilà.

    - PC: Ça fait plutôt partie de l’histoire du Front National.

    - FP: Non, je crois que ça fait partie des polémiques de campagne un peu basses où on se permet de diffamer parce qu’on est à 10 jours d’une élection. Ceci dit, les Français sont habitués à tout ça.

    Auprès du Monde, Jean-François Jalkh a finalement répondu à la polémique affirmant n'avoir «aucun souvenir de ça»:

    « Peut-être que j’ai donné une interview mais ce ne sont pas mes sujets de prédilection. Il est possible que j’ai vu ces gens-là le 14 avril 2000, mais les étudiants qui arrivent pour parler de Zyklon B, je les vois venir. Je ne suis pas un débutant au FN, j’y suis depuis 1974 : je mets quiconque au défi de dire m’avoir entendu tenir des propos sur ces sujets-là. »

    MISE À JOUR

    Ajout des réponses de Florian Philippot à France Inter le 27 avril.