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    Non, Béziers n'a pas «gagné» son procès sur son affiche anti-réfugiés

    Sur son compte Twitter, la ville de Béziers se félicite d'avoir gagné «son procès contre deux associations pro-islamistes». C'est faux.

    L'affiche avait fait polémique. Elle montrait des réfugiés approchant de la cathédrale de Béziers, barrés de la mention «Ils arrivent».

    Dans un message posté sur Twitter, la municipalité s'est félicitée d'avoir «gagné» son procès devant le TA de Montpellier.

    La Ville de #Béziers gagne son procès contre deux associations pro-islamistes. Communiqué de presse : https://t.co/9fHfQwyty1

    Deux associations, « Esprit libre » et « Cultures solidaires », ont attaqué devant le tribunal de Montpellier cette affiche, ainsi que plusieurs articles parus dans le très idéologique Journal de Béziers, le bulletin municipal dirigé par Robert Ménard. Ces associations jugeaient que les affiches et les articles attaqués menaçaient «le maintien de l'ordre public». Dans une décision rendue le 24 octobre le Tribunal administratif (TA) de Montpellier déboute les associations de leurs demandes. Sans toutefois donner raison à Robert Ménard.

    Les affiches retirées avant le passage au TA

    Le TA de Montpellier ne peut juger les affiches installées par le maire, et pour cause: elles sont toutes été retirées au moment où les juges rendent leur décision. Comme l'explique auprès de BuzzFeed Bismatoj, juriste spécialisé dans le droit administratif et qui a rappelé à l'ordre la ville de Béziers sur Twitter:

    «Le juge a été saisi d'une demande pour obtenir le retrait des affiches. Il a donc tout simplement constaté que comme elles étaient déjà enlevées, il n'avait plus besoin d'examiner leur légalité pour savoir s'il devait ordonner le retrait ou pas.»

    Il s'agit du deuxième paragraphe de la décision rendue par les juges de Montpellier:

    Un point que note la ville de Béziers dans l'«article» publié sur son site internet.

    Le TA condamne le journal, mais se déclare incompétent

    En revanche, la mairie de Béziers passe très rapidement sur le cas du journal municipal que les deux associations voulaient que le tribunal examine. Elles demandaient le retrait d'articles évoquant l'affiche incriminée, ainsi que plusieurs parutions relatives au référendum que veut imposer Robert Ménard sur l'arrivée dans la ville de plusieurs réfugiés en provenance de Calais.

    Sur ce point, les juges administratifs refusent de statuer, se déclarant incompétents pour juger cette partie de l'affaire, comme l'explique Bismatoj:

    «Le tribunal reconnaît qu'il y a une illégalité compte tenu du principe de neutralité du service public, mais que celle-ci ne permet pas d'obtenir le retrait dans une procédure de référé qui nécessite un certain degré d'illégalité et d'urgence.»

    En effet, le TA de Montpellier reconnaît expressément que «la publication de ces articles dans le bulletin municipal excède la vocation dévolue à un tel bulletin par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et méconnaît le principe de neutralité du service public.» En clair, les articles attaqués n'ont pas leur place dans un journal municipal, mais il n'y a pas urgence à les faire retirer.

    Pour conclure sa décision, les juges administratifs estiment que le Journal de Béziers tombe sous le coup de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et qu'à ce titre, les associations qui attaquent la mairie doivent saisir un tribunal civil, et non administratif.

    Le tribunal reconnaît par ailleurs que le projet de référendum du maire biterrois est par ailleurs totalement illégal, mais encore une fois, qu'il n'est pas compétent pour juger les articles qui l'évoquent. La mairie de Béziers n'a pas «gagné son procès», elle a seulement profité de deux erreurs de droit. Les associations ont annoncé leur volonté de saisir le Conseil d'État.