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    Ces témoignages de collaboratrices d'élus montrent le sexisme en politique

    «On a le sentiment d’être réduites en permanence à notre physique, d’être de la chair fraîche», explique à BuzzFeed News une membre du collectif «Chair collaboratrice».

    Un site intitulé «Chair collaboratrice» a été mis en ligne ce lundi 17 octobre, dans le but de dénoncer le sexisme en politique et le harcèlement dont peuvent être victimes les collaboratrices d'élus.

    Le site a été lancé par un collectif d'une dizaine de collaboratrices d'élus, de «tous bords politiques confondus» précisent les femmes à l'origine de l'initiative à BuzzFeed News.

    facebook.com

    On y trouve de nombreux témoignages anonymes de collaboratrices travaillant à l'Assemblée, au Sénat, dans des ministères ou des collectivités territoriales. Comme celui-ci:

    Ou ceux-ci:

    Vous pouvez lire tous les témoignages déjà publiés sur le site. Ils sont publiés anonymement, pour que les victimes n'aient pas à s’inquiéter de conséquences négatives pour elles. Toute femme travaillant en politique qui a été victime ou témoin de sexisme peut envoyer son texte au collectif ici.

    Julie Rosenkranz, une des membres du collectif, explique à BuzzFeed News qu'elles ont décidé de lancer cette initiative après l'affaire Baupin:

    «On s’attendait à ce que le milieu politique soit un peu choqué de ce qu’il s’était passé. Mais finalement, cette affaire a amusé énormément de monde, à tel point que c’est devenu une sorte de "blague" de dire à une collaboratrice: "Attention je vais te baupiner."

    En en discutant ensemble, on s’est vite rendues compte qu’on avait toutes eu à vivre le sexisme dans notre travail, en politique. On a donc décidé de lancer un site basé sur des témoignages.»

    «Les anecdotes ont deux objectifs», nous explique Mathilde Julié-Viot, une autre membre du collectif. «D’une part, ça permet de libérer la parole d’autres femmes qui vont avoir envie de partager elles aussi leur vécu.»

    Mais cela permet aussi de montrer «l’existence d’un système généralisé où le sexisme fait complètement partie des coutumes, au point où l’on ne s’en rend plus compte», détaille-t-elle.

    «Quotidiennement, des remarques fusent sur le physique et des invitations graveleuses sont lancées. J’ai toujours trouvé ça lourd, mais je n’osais pas trop en parler... À la longue c’est vraiment pesant, ça nuit complètement à la qualité du travail et au moral.»

    Elles expliquent avoir choisi ce nom à cause des «ma chère collaboratrice», voire des «ma chère petite» qu'elles entendent souvent. «Et par ailleurs, on a le sentiment d’être réduites en permanence à notre physique, d’être de la chair fraîche», décrit Julie Rosenkranz.

    Dans la nuit de dimanche à lundi, le collectif a projeté un de leurs dessins sur la façade de l'Assemblée nationale.

    «C’est une manière d’extérioriser de façon imagée le phénomène, avance Mathilde Julié-Viot. On veut donner à voir ce qui se passe dans les murs.»

    Elles ont également publié une tribune dans Le Monde.

    Elles y évoquent l’affaire Baupin, l’affaire Tron, l’affaire DSK, ou encore les révélations de BuzzFeed News sur le ministre Jean-Michel Baylet. «Le monde politique s’insurge contre l’un de ses membres qui aurait simplement "dérapé"», décrivent-elles. Et de préciser:

    «Ces affaires sont des cas extrêmes de harcèlement ou d’agression sexuelle, mais les propos et agissements sexistes sont le quotidien des femmes en politique, qu’elles soient élues ou collaboratrices.»

    Certains témoignages ont été mis en images par la dessinatrice Emma.

    Elle explique avoir accepté de participer à l'initiative après avoir discuté avec les membres du collectif du «sexisme ordinaire à l'Assemblée».

    «Ce sexisme ordinaire ne m'a pas surprise, mais ce que je ne savais pas, c'est qu'elles étaient si précaires et dépendantes de leurs députés. Forcément, ça aggrave la situation.

    Le sexisme et le harcèlement au travail, c'est le sujet qui m'a fait devenir féministe car j'ai subi tout ça de plein fouet dans mon précédent boulot, avec ma grossesse. Du coup, j'étais super enthousiaste pour participer.»

    Le site sera régulièrement mis à jour avec de nouveaux témoignages. Vous pouvez également suivre le collectif sur Facebook et Twitter.