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    À Paris, les personnes LGBT inquiètes, en colère, mais pas résignées après la tuerie d'Orlando

    «Il faut lutter contre la méconnaissance et la haine.»

    Il est 8 heures du matin en France lorsqu'Omar Mateen entre dans le Pulse, un club LGBT d'Orlando en Floride, et tue 49 personnes avec un fusil d'assaut. Lorsqu'il apprend la fusillade sur les réseaux sociaux, Gaston s'apprête à se coucher après un long samedi soir de fête. «Je n'ai pas beaucoup dormi», dit-il comme une évidence à BuzzFeed News.

    Gaston est venu, comme une bonne centaine de personnes lesbiennes, gays, bi et trans, au rassemblement organisé dimanche 12 juin à 21 heures en hommage aux victimes d'Orlando par l'Inter-LGBT, place Stravinsky dans le 4e arrondissement de Paris. Dans un silence à peine troublé par les terrasses attenantes qui diffusaient un match de l'Euro, elles sont venues exprimer leur peine et leurs inquiétudes, même si les mots manquaient à beaucoup.

    Le caractère homophobe du massacre est dans tous les esprits. «Après le Bataclan, c'est devenu plus difficile de se retrouver, de se voir priver de certains lieux», constate Gaston. «Mais il s'agit de 50 morts, d'une cinquantaine de blessés. C'est encore plus une raison de se réunir quand c'est un acte clairement homophobe.» «C'est normal d'être présent à ce rassemblement, pour marquer la solidarité avec les Américains massacrés parce qu'ils étaient homos», ajoute Aurélien.


    Irène, venue seule à l'hommage, est triste, mais surtout en colère. «Je suis déçue qu'il y ait peu de monde, dit-elle à BuzzFeed News. Les gens qui sont venus au rassemblement sont des personnes qui sont concernées parce qu'elles sont LGBT. Où sont les autres? Tous les morts ne sont pas égaux et là c'est une évidence. La réaction était considérablement plus forte, plus affichée après les attentats en Belgique.» P., qui n'a pas voulu donner son prénom à BuzzFeed News, se dit «étonnée qu'il n'y ait pas plus de monde. Je me demande si la plupart des personnes considèrent que, puisque l'attentat visait une communauté, leur risque est amoindri.»

    Les associations LGBT préoccupées


    Même si elles ont tenu à se réunir en public quelques heures après la tuerie d'Orlando, les personnes présentes sur la place partagent un sentiment d'insécurité, renforcé consécutivement par les attentats du 13 novembre, qui visaient les Parisiens, et l'attentat dans le club Pulse, qui visait les personnes LGBT. «Pour moi, il y a eu une résonance avec les attentats de novembre», explique Mickaël. «Ça questionne notre sentiment de sécurité.» Un sentiment partagé par Gaston, qui parle lui aussi de «résonance» avec les attentats du 13 novembre.


    Flora Bolter, co-présidente du Centre LGBT Paris-Île de France, était déjà très préoccupée avant l'attentat d'Orlando. «On sait que les personnes LGBT sont des cibles de Daech. Ça nous inquiète, mais ça ne va pas nous empêcher de vivre», dit-elle à BuzzFeed News. «On s'est toujours sentis des cibles», explique Clémence Zamora Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT. «La sécurité des personnes LGBT nous a toujours préoccupés, parce que l'on vit ces agressions au quotidien. Au moment de la Manif pour tous, on a vu des déferlantes de haine avec des agressions verbales, mais aussi physiques», poursuit-elle. «Les attentats nous frappent et nous interpellent, mais partout dans le monde, des gens meurent parce qu'ils sont LGBT. Il faut lutter contre la méconnaissance et la haine.»

    «La meilleure façon de combattre, c'est de nous rendre visibles»

    Les deux responsables associatives estiment, en tout cas à Paris, que la collaboration avec les forces de l'ordre est satisfaisante. «Après les attentats de novembre, on a beaucoup échangé avec les autorités sur la sécurité des événements LGBT. On sent qu'ils sont à notre écoute», explique Flora Bolter. Clémence Zamora Cruz, qui travaille pour l'association organisatrice de la Marche des fiertés, souligne de son côté que l'événement, qui se tient habituellement le dernier samedi de juin, a été décalé au 2 juillet à cause de l'état d'urgence et de l'Euro de football, qui mobilisent déjà les forces de l'ordre. «La meilleure façon de combattre, c'est de nous rendre visibles et de dire qu'on a le droit au respect autant que n'importe qui», conclut-elle.