Aller directement au contenu

    À Malakoff, des poubelles souillent l'hommage à Clarissa Jean-Philippe

    Devant la fresque en hommage à la policière tuée au lendemain de Charlie Hebdo, douze poubelles.

    Le jeudi  8 janvier  2015, au lendemain de l'attaque terroriste contre la rédaction de Charlie Hebdo et à la veille de celle de l’Hyper Cacher, la policière Clarissa Jean-Philippe est tuée à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine. Là où elle s'est écroulée sous les balles d'Amedy Coulibaly, une fresque de l'artiste C215 a été inaugurée deux ans plus tard.

    Un geste opportun, un an après que le journal Le Monde a qualifié Clarissa Jean-Philippe d'«abandonnée de Montrouge», en détaillant comment elle a d'abord été négligée dans les hommages officiels.

    Arnaud Poissonnier, 50 ans, fondateur d'une entreprise sociale, travaille à 500m de là où elle a été tuée. Et quand il passe devant cette fresque, une chose le «dégoûte»: des poubelles sont entreposées juste là. Le 11 janvier, il tweete son indignation:

    L hommage à Clarrissa Jean Philippe par .... les poubelles de Malakoff/Montrouge.. où est donc passé le respect?

    Interrogé quelques jours plus tard par téléphone, il nous explique:

    «Je suis passé plusieurs fois devant, et les poubelles sont toujours là. Je ne sais pas si c'est fait exprès mais ça me dégoûte. Il y a d'autres emplacements possibles pas loin, pourquoi les personnes concernées n'essayent-elles pas de faire autrement? Je me mets à la place de la famille, s'il y avait des poubelles devant la tombe d'un de mes proches, je trouverais ça extrêmement irrespectueux.»

    Sur place, le mercredi 25 janvier, on a constaté qu'il y avait douze poubelles sur le trottoir, juste devant la fresque. Un homme, Michel, qui se recueillait devant les fleurs, nous a lancé: «C'est moche, hein?»

    Les employés du garage attenant nous ont affirmé qu'il n'y avait pas d'autre endroit où laisser leurs bacs à déchets. Ils nous ont aussi rassurés: les poubelles de la discorde ne sont sorties que trois jours par semaine.

    Le gardien de l'immeuble de l'office public de l'habitat de Malakoff situé derrière la fresque nous a précisé aussi que de nombreuses personnes du quartier ont pris l'habitude depuis plusieurs années de venir déposer leurs déchets et encombrants à cet endroit et qu'il doit souvent balayer et nettoyer le trottoir.

    Pourtant, il y a à quelques mètres seulement un espace vide, qui pourrait accueillir au moins une partie des poubelles. De même, un local à poubelles installé dans la cour semble accessible aux véhicules de propreté urbaine.

    On a donc demandé aux élus de la ville de Malakoff si une solution alternative était possible. La conseillère municipale chargée du sujet, Joëlle Larrere, nous a répondu par téléphone:

    «On a conscience du problème, il y a beaucoup d'incivilités concernant les poubelles dans cette rue. Pour l'emplacement, on ne peut pas faire autrement, car il faut qu'il y ait une barrière entre le trottoir et la route.»

    Dans ce cas, il serait peut-être possible de construire une barrière un peu plus loin? L'élue n'a pas apprécié la question:

    «Ce n'est pas un journaliste qui va nous apprendre ce qu'on doit faire. On ne peut pas construire de barrière, c'est une voie départementale. Vous avez peut-être des amis là-bas (au conseil départemental des Hauts-de-Seine, ndlr), vous pouvez leur demander de le faire si vous voulez.»

    Après ça, les choses se sont un peu emballées. Le gardien nous a rappelés quelques minutes plus tard et nous a assuré qu'il s'est fait «engueuler». Puis il a lâché:

    «Je n'oublie jamais un visage, ne revenez pas par ici.»

    Joëlle Larrere, plus aimable, nous a ensuite appris que la municipalité envisage de construire un monument en bois pour accueillir les fleurs. Plus tard, le cabinet de la maire de Malakoff nous a rappelés pour nous indiquer qu'à leur connaissance, aucun administré ne s'est plaint à ce sujet mais qu'une réflexion va être menée.

    Bref, on voulait juste savoir s'il était possible de déplacer douze poubelles de ce trottoir mais ça semble très compliqué. Alors que des alternatives existent.

    Certes, à Malakoff et dans de très nombreuses villes de France, les habitants sont invités à laisser leurs poubelles sur le trottoir, en attendant que les services de propreté les ramassent. Les trottoirs sont encombrés et le passage des piétons, notamment les personnes en situation de handicap et les poussettes, est difficile. À Stockholm, des espaces privés sont conçus aux pieds des immeubles. Dans plusieurs villes françaises, les poubelles sont plutôt installées sur la chaussée, pour faciliter la collecte et ne pas gêner le passage des piétons. Les voitures doivent se garer plus loin ou ont une voie en moins pour circuler. Peut-être qu'on pourrait s'en inspirer pour donner un peu d'air à ce trottoir où l'on rend hommage à Clarissa Jean-Philippe.