Maeril est une illustratrice et directrice artistique, qui vit à Paris.
Cette jeune femme de 23 ans a tiqué sur la phrase «je ne suis pas autiste», répétée à plusieurs reprises par François Fillon lors du JT de France 2, dimanche 5 mars.
Dans la soirée du 5 mars, elle a posté une série de tweets pour répondre au candidat à la présidentielle, expliquant: «Je suis autiste, bien portante, sûrement plus lucide que vous et je vous emmerde.»
«Être autiste ne veut pas dire qu'on est "bête" ou "déconnecté du monde" comme vous avez l'air de le penser», explique-t-elle en s'adressant directement au candidat.
Elle avance qu'en France, «on comprend très mal l'autisme»...
... et précise qu'elle doit financer elle-même ses séances de soutien psychologique.
«Le truc c'est qu'on existe, Francois Fillon. On a autant de valeur et de lucidité que vous, voire plus, encore une fois», conclut-elle.
«C’était un peu un cri du cœur, ça m’a pris par les tripes, raconte-t-elle à BuzzFeed News. Je me suis dit: encore un qui pense que c’est malin d'utiliser "autiste" comme une insulte.»
Elle raconte qu'elle a l'habitude d'entendre les gens utiliser cette expression et qu'elle essaie de leur expliquer en quoi elle est problématique.
«Je peux comprendre que c’est un mot qui traîne dans le langage courant. Pas mal de gens m’ont déjà répondu: "Mais c’est une expression." Mais ce n’est pas un argument. Il y a plein d‘expressions qui sont racistes, sexistes, homophobes… Si ce n’est pas normal de dire ces choses-là, ce n’est pas normal d’utiliser “autiste” comme insulte.
Quand on utilise ainsi ce terme, on lui donne le sens de "bête" et "d’arriéré". Donc il ne faut pas s’étonner si les personnes qui sont les premières concernées vous répondent "bah merci c’est sympa". Le langage évolue et il doit évoluer pour inclure tout le monde.»
Le fait que cette phrase ait été prononcée par un homme politique de premier plan est «encore plus humiliant car c’est sur la place publique et ça légitime l'utilisation de ce genre de terme».
«C’est de moi qu’il s’agit quand j’entend ça; mon existence devient une insulte. Les gens qui défendent l’utilisation de cette expression ne prennent pas en compte le fait que ça puisse heurter et faire se sentir complètement mise à l’écart et caricaturée», décrit-elle.
«On est juste construit différemment», avance-t-elle. Et de raconter son expérience:
«J’ai passé ma vie à me demander ce qui n’allait pas. Pendant longtemps j’ai pensé que tout le monde percevait les choses comme moi et qu’il me "manquait une case". Jusqu’à ce que je me rende compte que non. C’est une question de perception différente.
Il y a certaines choses qui vont être inhibées chez moi: par exemple la compréhension du second degré, la communication non verbale… Je ne savais même pas que ça pouvait être instinctif car ça ne l’a pas été pour moi.»
Elle précise qu’elle a été diagnostiquée il y a deux ans et qu’elle ne prétend pas représenter la perception de toutes les personnes autistes sur le sujet. Elle explique par ailleurs qu'elle a un projet de BD sur le sujet «pour que les enfants qui sont comme moi quand j'étais enfant se sentent moins seuls».