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    «Ces remarques au Grand Journal, c'est de la transphobie ordinaire»

    Lors de la première de l'émission de Canal+, plusieurs remarques déplacées ont été lancées sur la transidentité de la nouvelle chroniqueuse Brigitte Boréale.

    Brigitte Boréale (à gauche sur la photo) fait partie des nouvelles recrues du Grand Journal. Journaliste sportive, elle a notamment travaillé pour Pink TV, Libération, L’Équipe ou encore France 3.

    Sa fille Morgane Enselme avait participé à Secret Story en 2011, sur TF1. Son secret était: «Mon père s’appelle Brigitte» et Brigitte Boréale était apparue dans l'émission de télé-réalité.

    Lors de la première de la saison, le lundi 5 septembre, plusieurs remarques ont été lancées sur le plateau, évoquant sa transidentité.

    Ainsi, alors qu'il évoque la masturbation masculine, l'humoriste Lamine Lezghad lance:

    «Nous, les mecs, quand on est stressés, une petite euh... ça détend. Hein, Brigitte?»

    Un peu plus tard c'est la nouvelle «Miss Météo», Ornella Fleury, qui l'interpelle ainsi:

    «Bonsoir monsieur-dame, enfin Brigitte». Avant d'ajouter: «Brigitte, on te connaît très peu, et du coup je trouve ça un peu excitant, ça me donne envie que vous et moi on fasse un plan à trois».

    Brigitte Boréale a alors répondu sur le ton de la plaisanterie: «Je suis ouverte à toutes les propositions, j'ai refusé André mais toi oui.»

    Sur Twitter, de nombreux internautes se sont émus de ces remarques transphobes.

    «À chaque fois qu'une personne trans est visibilisée dans une émission de divertissement, faut toujours que ça tourne à la démonstration de la transphobie la plus crade», a tweeté cette personne.

    Un peu avant l'émission, la fille de Brigitte Boréale avait félicité Canal+ «qui joue la carte LGBTQ pour de vrai».

    Bravo et merci @canalplus qui joue la carte #LGBTQ pour de vrai dans le #GrandJournal 🙏 #rentréecanal ❤️

    Contactée par BuzzFeed News, elle explique que la remarque d'Ornella Fleury ne l'a pas choquée «car je sais que mon père et elle s'entendent hyper bien. C'était une vanne gentille. Ils ont répété leurs chroniques avant, donc il n'y avait vraiment pas de problème.»

    Si les associations pour les droits des personnes trans que nous avons contactées se félicitent de la présence de la journaliste sur le plateau, elles regrettent cependant les propos tenus à l'antenne.

    «C'est évidemment positif d'embaucher une personne trans, mais pas pour se moquer d'elle», regrette Sun Hee Yoon, la présidente de l'association Acthé. «Ils veulent peut-être avoir l'air progressistes, mais alors il faut qu'ils le soient vraiment.»

    «Ce sont des gens qui reproduisent des stéréotypes et le problème c'est qu'ils les transmettent ainsi au public», détaille-t-elle.

    «Banaliser cet humour qui n'en est pas est très gênant car ça favorise les insultes et donc la discrimination. Le public peut se dire: "Je l'ai entendu à la télé donc je peux le répéter."

    Là, il s'agit d'une émission télé, donc ça fait le buzz. Mais c'est le genre de remarques quotidiennes que peuvent entendre les personnes trans. Cette séquence est gênante pour les personnes trans qui regardent l'émission et peut les renvoyer à ces moments pénibles qu'elles ont probablement déjà vécus.»

    Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT, estime aussi que «ces remarques, c'est tout simplement de la transphobie ordinaire».

    «On retrouve ici ce qu'on appelle le cissexisme. Quand quelqu'un se sent en accord avec l'identité de genre qui lui a été assigné à la naissance, contrairement à une personne trans, on parle d'identité cisgenre.

    Le cissexisme, c'est l'idée que l'identité cisgenre est supérieure aux autres identités. Donc ça veut dire que les autres identités, on peut s'en moquer, ça fait rigoler tout le monde.»

    «C'est le genre de choses que l'on retrouve très souvent à la télévision, où les personnes trans sont vues comme exotiques», décrit la responsable de la délégation trans de l'Inter-LGBT.

    «On se permet des choses qu'on ne se permettrait pas avec d'autres personnes. On pose plein de questions qui n'ont aucun rapport avec le vécu professionnel de la personne, des questions sur son passé, sur son intimité...

    Comme quand la Miss Météo propose un plan à trois à Brigitte Boréale. Je pense que si un homme avait fait cette remarque à une femme cisgenre, ça aurait fait bien plus réagir. Là, aucune voix ne s'élève sur le plateau.»

    L'AJL, l'association des journalistes LGBT -dont l'auteure de ces lignes a fait partie à sa création- a publié un communiqué dans lequel elle déplore que personne autour de la table n'ait «réagi aux propos de Lamine Lezghad et Ornella Fleury».

    Facebook: ajlgbt

    Elle indique sur Facebook avoir saisi le CSA.

    Le mardi 6 septembre au soir, lors du Grand Journal, Brigitte Boréale est revenue sur la polémique en disant que «ce n'était pas de la transphobie».

    Transphobie ? Brigitte Boréale répond à @ornellafleury. Et c'est touchant. > https://t.co/HBmYtzkhR6

    «Je voulais dire merci à tous ceux qui ont voulu prendre ma défense hier soir, c'est très gentil mais cool les amis», a-t-elle indiqué. Avant de revenir sur la remarque d'Ornella Fleury:

    «C'était de la vanne entre amis, c'était pas de la transphobie. La transphobie, je sais ce que c'est. Quand on crache sur mon passage dans la rue ou quand on me traite de sale travelo dans le métro, ça c'est de la transphobie. Même si on réussit à se blinder avec le temps, c'est dans ces moments-là qu'on aimerait avoir un peu plus de soutien ou de témoignages de sympathie.»

    Son intervention semble cependant ne pas avoir convaincu tout le monde.

    Nous avons contacté Brigitte Boréale pour avoir son point de vue, mais nous n'avons pas eu de retour pour l'instant. Nous mettrons à jour cet article en cas de réponse.

    MISE À JOUR

    Ajout de la déclaration de Brigitte Boréale le 6 septembre et des réactions sur Twitter.