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    Dialogue social : comment le gouvernement a tenté de zapper les droits des femmes

    Selon des associations féministes, le projet de loi du ministre du Travail supprime de nombreux acquis en matière d'égalité professionnelle. Après le lancement d'une campagne et d'une pétition ce lundi, le gouvernement a finalement revu sa copie.

    «L'égalité professionnelle est plus que jamais une des priorités de Najat Vallaud-Belkacem», écrivait le site du ministère du Droit des Femmes en avril 2013.

    Deux ans après, de nombreuses associations doutent que ce soit le cas pour le ministre du Travail François Rebsamen.

    Dans les colonnes du Parisien, Yvette Roudy, la première ministre des Droits de la femme, dénonce des reculs en matière d'égalité professionnelle hommes-femmes dans le projet de loi sur le dialogue social. Elle ajoute:

    C'est tellement énorme qu'on dirait presque un canular.

    Une pétition qui appelle François Rebsamen à ne «pas supprimer l’égalité professionnelle» a même été lancée ce lundi.

    Elle est signée par des responsables d'associations féministes (MachoLand, Osez le Féminisme, La Barbe, le Planning familial, Femmes solidaires...). Mais dans les détails, que reprochent-elles à ce projet de loi ?

    Le texte qui doit être débattu à l'Assemblée nationale fin mai prévoit notamment la suppression du «rapport de situation comparée» (RSC), institué en 1983 et qui oblige les entreprises à établir un diagnostic de l'égalité (sur la base des salaires, accès à la formation, déroulement de carrière...).

    Et les conséquences ne sont pas négligeables. Sur le site sosegalitepro.fr lancé pour relayer cette campagne, un tableau comparatif montre les acquis qui pourraient être abandonnés si le projet de loi était voté en l'état.

    * A la place du RSC supprimé, les entreprises de plus de 300 salarié-e-s devront tout de même donner des informations statistiques au Comité d'entreprise sur la situation des femmes et des hommes dans l'entreprise. Sauf que la loi ne définit plus les thèmes abordés (embauche, temps partiel formation, carrière, mixité…). Les objectifs ne seront plus mentionnés.

    * Avant, les entreprises de plus de 50 salarié-e-s étaient obligées de négocier chaque année un accord spécifique en faveur de l'égalité professionnelle. Avec le projet de loi de François Rebsamen, cette négociation sera noyée dans d'autres accords sans que la loi n'oblige l'employeur à réduire les inégalités.

    * Jusqu'à aujourd'hui, la «Commission égalité professionnelle» pour les entreprises de plus de 200 salarié-e-s était obligatoire. Elle sera tout simplement suprimée.

    * Enfin, interrogée par BuzzFeed, l'avocate Caroline De Haas, à l'origine de cette campagne, déplore une quatrième conséquence encore plus grave. Selon elle, les entreprises pourraient ne plus être sanctionnées:

    Depuis 2012, un décret prévoit de sanctionner les entreprises qui n'engageaient pas de négociation sur l'égalité professionnelle (48 d'entre-elles ont déjà été sanctionnées depuis). Même si ces sanctions sont toujours maintenues, comme la négociation sur l'égalité professionnelle disparaît, il n'y aura certainement plus de sanction.

    D'ailleurs, dans un courrier que Le Parisien a pu consulter et que nous nous sommes procurés, la présidente du Haut conseil à l'égalite entre les femmes et les hommes (HCE) Danielle Bousquet fait part au ministre du Travail de ses «vives inquiétudes et interrogations».

    Un autre rapport du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), qui a notamment sondé la CGT et FO et que nous avons aussi pu obtenir, parle d'une «suppression inadmissible». «Enlever cet instrument reviendrait à demander à un médecin de soigner son patient sans aucune consultation!», peut-on lire.

    Thierry Mandon, le secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification, a bien tenté de se montrer rassurant ce lundi sur I>Télé:

    Si c'est le cas, j'imagine que les parlementaires vont corriger cela, car je ne vois pas une seconde que ce soit l'intention de François Rebsamen. (…) La simplification, ce n'est pas des droits en moins, c'est l'inverse.

    Caroline De Haas n'est pas si confiante. Selon l'avocate, Matignon ferait en effet «pression sur le ministère du Travail pour ne pas céder aux demandes des féministes». Contactés par BuzzFeed France, ni le cabinet de François Rebsamen, ni Matignon n'ont donné suite.

    Mais Pascale Boistard, la secrétaire d'Etat chargée des Droits des femmes, a annoncé qu'un amendement du gouvernement sera déposé pour que le projet de loi comporte finalement des éléments des rapports de situation comparée (RCS). Un communiqué a été publié en fin d'après-midi ce lundi pour le confirmer.

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