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    On vous explique ce qui se passe au Brésil en ce moment

    La présidente Dilma Rousseff a été suspendue de ses fonctions jeudi. On vous prévient c'est compliqué, mais on a essayé de faire simple.

    La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a été écartée du pouvoir jeudi 12 mai par les sénateurs brésiliens.

    #Brésil : le Sénat suspend le mandat de Dilma Rousseff https://t.co/DsiUoQqLN8

    Elle est écartée pendant un maximum de 180 jours jusqu'au vote qui décidera d'une éventuelle destitution définitive. Elle sera remplacée par son vice-président Michel Temer.

    Mais pour comprendre comment on est arrivé là, il faut récapituler tout ce qui s'est passé au Brésil ces dernières années.

    Voici Dilma Rousseff. En 2011, elle est devenue officiellement la première femme présidente du Brésil.

    Pour se faire élire, elle a pu bénéficier de l'immense popularité de son prédécesseur, Luís Inácio da Silva (alias Lula) qui a activement participé à sa campagne électorale. Elle a été élue assez facilement.

    Lula a dirigé le Brésil de 2003 à 2011. Membre du Parti des travailleurs comme Dilma Rousseff, ce métallurgiste de profession a connu une immense popularité durant ses deux mandats grâce notamment aux programmes sociaux qui ont permis de sortir de nombreux Brésiliens de la pauvreté.

    Lors de sa campagne électorale, Dilma Rousseff (qui a notamment été ministre de l'Énergie sous la présidence de Lula) s'est alors engagée à poursuivre l'action de son prédécesseur.

    Son début de mandat se passait plutôt bien, d'autant que le Brésil se préparait à accueillir la Coupe du monde de 2014 et les JO de 2016. Le Brésil avait le vent en poupe. Mais en 2011 les choses ont commencé à bien se corser.

    D'abord, il y a eu les scandales liés à des affaires de corruption. En l'espace de quelques mois en 2011, les ministres de l'Agriculture, des Transports, du Tourisme et des Sports ont démissionné.

    Ensuite, c'est à une véritable fronde que Dilma Rousseff est confrontée en 2013. Les manifestants qui descendent par centaines de milliers dans le pays protestent contre l'augmentation du coût de la vie et la facture de la Coupe du monde.

    Tout ça sur fond d'une économie qui se détériore et d'une croissance qui ralentit. Le Brésil qui avait en 2010 une croissance de 7,5% a fini l'année 2014 sur une croissance à 0,1%.

    Et ce n'est rien encore à côté du scandale Petrobras qui a éclaté en mars 2014, une gigantesque affaire de corruption au cœur de laquelle s'est retrouvée engluée la compagnie nationale d'hydrocarbures brésilienne, première entreprise du pays.

    (ET EN PLUS LE BRÉSIL NE S'EST MÊME PAS QUALIFIÉ POUR LA FINALE DE LA COUPE DU MONDE DISPUTÉE DANS SON PAYS. PIRE ENCORE LA SELEÇÃO S'EST PRIS 7-1 PAR L'ALLEMAGNE.)

    Dans ce climat délétère, Dilma Rousseff a tout de même réussi à se faire élire en octobre 2014 pour un second mandat à la tête du pays. Mais de justesse. Avec 51,52% des suffrages, il s'agit du résultat le plus serré depuis 1989.

    Mais les choses ont empiré pour elle. D'abord, la situation économique s'est aggravée d'autant que l'affaire Petrobras a impliqué des cadres de grandes entreprises. En août 2015, des milliers de Brésiliens ont réclamé la démission de Rousseff.

    En octobre 2015, c'est l'ex-président Lula qui a été entaché par le scandale Petrobras. La Cour suprême du Brésil a autorisé la police à l'interroger car «il aurait pu obtenir des avantages» de ce réseau de corruption.

    En parallèle, une enquête préliminaire sur des irrégularités présumées dans la campagne électorale victorieuse de Dilma Rousseff en 2014, a été ouverte par la police fédérale brésilienne.

    L'opposition de droite a aussi accusé la présidente d'avoir falsifié les comptes de l'État en 2014 et 2015 pour donner une image plus optimiste de l'économie brésilienne dans le but de se faire réélire.

    En conséquence, début décembre, une procédure de destitution a été lancée contre elle par des juristes, validée ensuite par le président de la Chambre des députés. Tandis que sa cote de popularité ne dépassait pas les 10%.

    Comme l'explique France 24, cette procédure de destitution «voit s'affronter les défenseurs des acquis du Lulisme et l'establishment conservateur brésilien qui, après avoir perdu quatre élections présidentielles successives, veut récupérer le pouvoir à tout prix.»

    À noter aussi que parmi les députés qui ont voté la destitution de la présidente, certains seraient eux-mêmes «poursuivis pour des crimes de corruption», selon Frédéric Louault, spécialiste du Brésil, interrogé par France Info.

    Tout s'est accéléré en 2016. Dilma Rousseff a nommé en mars Lula au poste de ministre d'État et chef de cabinet du président. Mais sa nomination a été suspendue par la justice car l'ex-chef de l'État est impliqué dans l'affaire Petrobras.

    Et comme si ça ne suffisait pas, le virus Zika s'est propagé très rapidement au Brésil où depuis 2015, il a touché plus d'un million et demi de Brésiliens.

    Dilma Rousseff était plus que jamais dans le collimateur de la justice et du peuple brésilien. Le processus de destitution s'est poursuivi jusqu'au dimanche 17 avril où les députés ont voté en faveur de la destitution de la présidente.

    Il ne restait plus qu'au Sénat d'approuver ce vote vers le 11 mai. Comme l'a expliqué Europe 1, «soit les sénateurs votent contre et la procédure est enterrée, soit ils votent pour et Dilma Rousseff est écartée du pouvoir pendant 180 jours, en attendant un vote définitif du Sénat».

    C'est donc ce qui est arrivé jeudi 12 mai avec le vote des sénateurs brésiliens qui ont suspendu Dilma Rousseff de ses fonctions. Le jugement final des sénateurs sera connu d'ici 6 mois.

    Le vice-président Michel Temer remplace ainsi Dilma Rousseff. Une aubaine pour celui que Libération qualifie de meilleur ennemi de Dilma Rousseff et qui était «officiellement contre l'impeachment, mais officieusement à la manœuvre pour préparer «"le jour d'après".»