Une vidéo présentée comme le témoignage d'une mère de famille blogueuse est apparue sur Facebook lundi 28 septembre.
Dans cette vidéo, une femme se dit victimes de critiques parce qu'elle a décidé de déscolariser sa fille. Avis négatifs face auxquels elle dit assumer ses choix.
Un point de vue également développé dans un blog mis en ligne début septembre dernier.
Les internautes qui ont vu la vidéo et/ou des posts du blog circuler sur les réseaux sociaux lundi sont, pour beaucoup, scandalisés par les propos qui y sont tenus.
Très vite, pourtant, certains se sont interrogés sur l'authenticité du «témoignage».
Et il s'est très vite avéré que les sceptiques avaient raison, comme l'a noté, agacée, la journaliste Sophie Gourion sur son blog.
Le personnage de cette mère qui déscolarise cette petite fille a en réalité été inventé de toute pièce. Il s'agit d'une ficelle marketing pour soutenir une campagne de l'ONG Plan International, qui milite pour les droits des enfants.
En ligne de mire: sa campagne de communication annuelle pour la journée internationale des filles, le 11 octobre 2015.
Julien Beauhaire, responsable de la communication de Plan International en France, confirme à BuzzFeed France que la campagne a bien été réalisée dans ce cadre:
«On mène une campagne sur l'éducation des filles depuis plusieurs années. Et cela fait partie du volet web de la communication, pour laquelle nous avons fait appel à des prestataires extérieurs.»
Il nous explique par ailleurs que cet aspect de la campagne a été confié à l'agence de communication Buzz Paradise, qui n'a pas répondu à nos sollicitations pour l'heure.
Créer un faux blog ne suffit pas. Encore fallait-il s'assurer un écho en ligne. L'ONG a donc proposé à des blogueurs de les payer pour s'indigner, et des billets de ce type sont apparus:
En échange d'un coup de gueule, une rémunération qui pouvait s'élever à «500 euros», affirme Slate, qui a publié un mail envoyé à un blogueur:
En résumé, Plan a demandé aux blogueurs d'écrire deux billets: le premier pour s'indigner et le deuxième, quelques jours plus tard, pour dévoiler la campagne et sa cause.
Parmi les requêtes de l'agence Buzz Paradise aux blogueurs, on trouve, comme le montre Slate, une invitation à «ne pas faire la promo d'autres ONG».
Interrogée, Plan International a refusé de nous répondre sur ces conditions car elle n'est «pas au courant».
Les blogueurs qui ont accepté de jouer le jeu, n'avaient pas forcément anticipé le malaise. Franck, auteur de Papa Blogueur, nous explique un peu gêné avoir décidé de rajouter la mention «sponsorisé» à son post après publication pour clarifier les choses.
Le problème, c'est qu'ajouter «sponsorisé» ruine l'effet du teasing. Par ailleurs, il est difficile de croire qu'un blogueur est tombé «par hasard» sur un blog s'il a été payé pour écrire dessus.
L'agence de communication insistait même sur ce point dans ces recommandations au blogueur, selon Slate:
Malgré ces contradictions, Julien Beauhaire de l'ONG Plan, qui avait déjà créé un faux site pour dénoncer les mariages d'enfants en 2014, reste convaincu de l'intérêt de ce coup de communication:
«On fait appel à ce dispositif car c'est ce qui nous permet de toucher le maximum de personnes. Toutes les ONG font ça.
C'est bien que les gens soient scandalisés, mais la seule chose qui est scandaleuse c'est qu'une fille sur cinq n'a pas accès à l'école dans le monde aujourd'hui. Le cas de cette mère, ça se passe à l'étranger.»
Selon lui, il est dommage de «jouer les vierges effarouchées pour ce qui est fait sur internet» car la finalité du message justifie les moyens employés.