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    Plongée dans la vie des femmes et des veuves de l'État islamique

    «Même les fillettes vont au lit avec une arme.» Mariages arrangés, esclaves et enfants activistes: des photos postées sur les comptes Twitter de femmes disant appartenir à l'État islamique (EI) donnent un aperçu du monde des femmes djihadistes.

    Même si Twitter essaie de supprimer les comptes associés à l'EI, des femmes affirmant être membres de l'organisation continuent à utiliser la plate-forme comme un moyen de recrutement et de soutien du groupe, offrant aux étrangers avec un aperçu unique de la vie quotidienne des femmes djihadistes.

    Six mois après sa première enquête, BuzzFeed News s'intéresse à nouveau aux femmes qui se rendent en Syrie pour rejoindre l'État islamique. Certaines sont de jeunes mères, beaucoup sont veuves et d'autres sont mortes.

    Les femmes affirmant être des membres de l'État islamique utilisent Twitter pour poster des photos d'elles.

    Ou des photos de leurs repas.

    Ou de leurs animaux de compagnie.

    Beaucoup de ces images semblent vouloir convaincre de la «normalité» et de la «liberté» de la vie dans le territoire contrôlé par l'EI.

    «Je n'ai jamais eu mon permis en Angleterre, je l'ai raté plein de fois haha, mais ici voilà ce que je conduis :p Vous êtes jalouses les saoudiennes?»

    Des images de tout, depuis les friandises occidentales disponibles dans Shaam jusqu'au shopping.

    «Je viens de rentrer d'une virée shopping avec les filles dans un souk pour femmes. On ne se refait pas, même sous l'Etat islamique»

    Mais les tweets de ces comptes donnent aussi un aperçu des difficultés et des dangers de la vie dans le territoire contrôlé par l'EI.

    «Déjà trois bombes en une heure. Faut être des chiens pour bombarder des gens à 9h du matin. Je hais l'Amérique.»

    «Deuxième jour sans électricité, l'hiver arrive. On sait que le djihad est difficile, mais la récompense le rend plus facile. Les Etats-Unis et leurs alliés ne peuvent pas nous déprimer.»

    «Je rentrais chez moi et une bombe a explosé quelques mètres derrière moi. Les bombes ça fait du bruit, c'est tout ce que j'ai à dire.»

    Et la dure réalité, pour certains, de la vie sous l'Etat islamique.

    «Ma bonne (mon esclave) m'a appris à faire du pain syrien, aujourd'hui j'en ai enfin fait toute seule :)»

    «Une amie infirmière m'a dit qu'elle a traité beaucoup de femmes yezidis. Les mecs les amènent pour vérifier qu'elles sont en bonne santé. Beaucoup se sont converties à l'islam.»

    «D'autres ont conservé leur foi. Les mecs leur ont aussi acheté des vêtements. Justice dans l'islam. Même les esclaves ont des droits!»

    Quand des hommes et des femmes vont dans les territoires contrôlés par l'État islamique, ils abandonnent joyeusement leur nationalité pour devenir des «vrais membres» de l'organisation.

    «Le gouvernement britannique est marrant je reviens pas chez toi sale société sans valeurs morales, vous êtes que des sauvages et vous avez besoin de l'islam pour vous libérer.»

    Les femmes qui ont été encouragées à quitter leur maison et à partir en Syrie, envoient parfois des messages à la famille qu'elles ont laissée derrière elle.

    «Maman promis je ne t'ai pas abandonnée j'ai juste sacrifié la chose la plus chère à mon coeur pour Allah.»

    Les membres de l'EI se parlent comme s'ils étaient les membres d'une même famille – ukhtis pour sœurs et akhis pour frères.

    La fraternité (ou Akhawat) entre les membres de l'EI et les «recrues» débute en ligne et se renforce lorsque les nouvelles arrivent en Syrie.

    Ces relations sont photographiées et partagées.

    Parfois, ces comptes peuvent rester ouverts après la mort de quelqu'un. C'est apparemment le cas de celui de @PearlOfIslam1.

    Le compte, qui a commencé à tweeter en décembre et n'a rien posté depuis le 10 février, aurait été créé par une femme kurde arrivée en Syrie en janvier.

    En mars, les comptes de femmes connues pour appartenir à l'EI ont tweeté des messages suggérant que @PearlofIslam1 était morte.

    D'autres comptes appartenant visiblement à des femmes ayant rejoint l'EI restent également silencieux, comme celui appartenant à «Umm Nosaybah», qui n'a rien posté depuis novembre.

    Le dernier tweet de «Umm Nosaybah», posté le 10 novembre, disait que sa famille lui manquait.

    Contrairement à beaucoup d'autres comptes de femmes de l'EI, avant le silence, les messages de «Umm Nosaybah» étaient moins positifs sur la vie dans le territoire contrôlé par l'organisation.

    Elle a tweeté des messages sur la perte de son frère, un combattant «martyrisé», et puis sur les problèmes que sa mort a entraîné pour elle, une femme sans famille en Syrie.

    Son mahram ou tuteur parti, les tweets du compte indiquent qu'elle a peut-être été forcée à un mariage arrangé.

    Le 17 mars, Umm Nosaybah a répondu à BuzzFeed News sur Twitter, et a posté plusieurs statuts sur sa vie et son statut marital.

    Selon les tweets de comptes de l'EI, le mariage est une exigence essentielle pour les femmes qui se joignent à l'organisation.

    «Les soeurs qui songent à venir ici et à ne pas se marier, au nom d'Allah je n'ai jamais connu une seule soeur célibataire, sauf si elle allait se marier dans peu de temps.»

    Ces tweets indiquent que les mariages sont arrangés.

    Malgré le fait qu'elles aient peu ou pas leur mot à dire sur leur mariage, les femmes de l'EI publient souvent des tweets qui expliquent les avantages qu'il y a à épouser un guerrier.

    Certaines membres de l'EI arrivent en Syrie déjà mariées, souvent avec des enfants. Cette femme affirme qu'elle et sa famille ont quitté la Suède pour vivre sous l'autorité de l'EI.

    Elle a tweeté plusieurs photos de quelqu'un qui serait sa fille née en Suède et scolarisée à Racca.

    Elle a également posté des messages sur ses efforts pour apprendre l'arabe.

    Un autre compte, semblant appartenir à une femme du Royaume-Uni qui a déménagé en Syrie avec son mari et ses enfants, tweete aussi des photos de leur nouvelle vie dans le territoire contrôlé par l'EI.

    «La kalash de mon mari, ma kalash et celle de mon fils.»

    «Même ma petite fille dort avec son flingue.»

    Les jeunes mères affichent des images de leurs enfants avec des armes – dont certains semblent être des jouets.

    Une des principales missions des femmes de l'EI, en particulier les nouvelles épouses de combattants, est de tomber enceinte et d'élever une nouvelle génération de militants.

    Cela semble faire partie de la stratégie de recrutement.

    Certains couples ayant des enfants disent qu'ils sont partis en Syrie ensemble.

    D'autres disent que leur mariage a été arrangé à leur arrivée.

    Un homme qui prétend être un combattant de l'EI a publié cette image de nouveau-né, avec la légende: «Le petit terroriste #Hammam est né dans le pays du califat, je demande à Dieu Tout-Puissant de faire de lui un des soldats du Califat.»

    À cause des dangers que courent les combattants de l'EI –et le fait que beaucoup d'hommes se portent volontaires pour des missions meurtrières– beaucoup de ces enfants ont perdu ou perdront leur père, selon les messages de partisans de l'EI sur Twitter.

    Certains ne connaîtront jamais leur père.

    Pour les membres de l'EI, devenir un Shahid ou un martyr, est le but ultime. Par conséquent, la mort est célébrée, pas pleurée.

    Beaucoup de femmes de l'EI sont veuves et élèvent leurs enfants seules.

    Beaucoup de ces femmes semblent aspirer à devenir femme et mère d'un «martyr».

    Lorsque le mari d'une femme meurt au combat, les autres femmes – celles qui ont aussi perdu leurs maris et celles qui sont mariées – envoient des messages de consolation.

    Des messages de célébration sont également postés, le «martyre» étant l'objectif de tous les guerriers.

    Parmi les veuves de l'EI, certaines sont des occidentales qui ont quitté leur famille pour aller en Syrie et épouser un djihadiste. Le mari de Khadijah Dare, une citoyenne britannique devenue une star de la propagande, est mort en décembre.

    Deux sœurs, Salma et Zahra Halane, 16 ans, qui s'étaient enfuies de leur famille à Manchester en juillet, sont également devenues veuves, selon Twitter.

    Les veuves de l'EI utilisent Twitter pour soutenir le groupe à différentes occasions.

    Elles l'utilisent pour vanter les avantages d'être veuve dans l'EI.

    Depuis que les membres de l'EI utilisent les réseaux sociaux en masse, il est possible de suivre une relation du mariage au «martyre». C'est le cas avec les comptes d'«Umm Abdullatif» et de son mari décédé «Abu Abdullatif».

    Les médias australiens ont identifié le couple comme Zehra Duman, 21 ans, et Mahmoud Abdullatif, 23 ans.

    Ils ont tous les deux (séparément) quitté leur maison et leur famille à Melbourne pour se rendre en Syrie; Abdullatif en juillet et Duman en novembre.

    Ils se sont mariés en décembre.

    Abdullatif a été tué au combat le 17 janvier, selon plusieurs comptes Twitter désormais suspendus. Duman a posté une image de son époux le lendemain.

    Elle a également envoyé un message sur son compte Twitter (qui n'a pas été suspendu).

    Avant que son compte ne soit suspendu, Duman l'utilisait pour publier des photos et des souvenirs de son mari.

    Au lieu d'être en deuil, Duman a utilisé son compte pour expliquer pourquoi elle était heureuse de la mort de son mari.

    Comment elle espérait le même «honneur.»

    Comme les comptes des autres femmes, elle espère une «belle mort» pour elle et tous les partisans de l'EI.