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    Violences policières: plusieurs femmes mettent en cause le commissariat de Mantes-la-Jolie

    Info BuzzFeed - Plusieurs femmes, dans des affaires distinctes, assurent qu'elles ont été victimes de violences policières à Mantes-la-Jolie au cours des dernières semaines. Dans deux cas, le procureur de Versailles a été alerté. Dans le 3e, les victimes disent que les policiers ont refusé de prendre leur plainte.

    Deux jeunes filles de 16 et 19 ans, une jeune femme de 23 ans et une autre de 36 ans, assurent auprès de BuzzFeed News qu'elles ont récemment subies des violences de la part des forces de l'ordre à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines. Voici leurs témoignages.

    Marina T. affirme qu'elle a été frappée au visage alors qu'elle était menottée

    Lors d'un contrôle routier lundi 17 juillet à Mantes-la-Jolie, Marina T. a été interpellée pour refus d'obtempérer et rébellion. La femme de 23 ans accuse un policier de lui avoir donné plusieurs coups, dont un au visage.

    «Je n'ai pas compris ce qu'il se passait». Marina T, qui se dit encore choquée et fatiguée, se demande comment «un simple contrôle routier a pu en arriver là». Lundi 17 juillet vers 17h30 à Mantes-la-Jolie, cette jeune femme de 23 ans et deux de ses amis sont interpellés sur une route près du bord de seine parce que leurs ceintures ne sont pas attachées, selon la police.

    «Ils m'ont fait tomber et j'ai reçu un coup de poing au visage»

    «On venait de faire des courses et on rentrait faire des crêpes chez moi», raconte Marina T. à BuzzFeed News. «Les policiers étaient tout de suite très agressifs et nous ont demandé nos papiers», affirme-t-elle. Comme elle n'a pas les siens sur elle, elle aurait demandé aux six agents de la police nationale de l'accompagner chez elle, «à deux minutes de là où on a été arrêtés». Mais les choses se seraient ensuite envenimées, selon ses déclarations:

    «Ils voulaient m'emmener en garde à vue pendant quatre heures ce que j'ai refusé. Je suis partie en direction de chez moi pour leur montrer mes papiers, lorsqu'un policier est venu derrière et m'a menottée. C'était très serré du coup j'ai bougé dans tous les sens. Ils m'ont alors fait tomber à terre et j'ai reçu un coup de poing au visage puis ils m'ont insultée

    Marina T. admet avoir craché sur le policier alors qu'elle était au sol: «J'ai pas compris pourquoi il m'a frappé, c'est pas bien mais j'ai craché sur lui». Elle a ensuite été interpellée et placée en garde à vue pour refus de se soumettre à un contrôle d'identité et rébellion. D'après la plainte que nous avons pu consulter, elle assure que les policiers l'ont ensuite traité de «salope», «connasse», «grosse pute», «mal baisée»... «Si tu étais un homme, on aurait continué à te frapper», aurait aussi lancé l'un des agents, rapporte Marina. «En cellule, je tremblais de partout car le policier qui m'a frappée était encore là», ajoute-t-elle.

    À sa sortie de garde à vue, le lendemain à 11h, Marina T. présentait en effet un hématome avec hémorragie conjonctivale à l'œil droit.

    Et plusieurs ecchymoses et griffures sur le corps.

    Avant de faire constater ses blessures à l'unité médico-judiciaire (UMJ) de Versailles (le rendez-vous est prévu lundi), la victime s'est rendue chez un médecin qui a constaté de nombreuses blessures et a prescrit trois jours d'interruption temporaire de travail (ITT):

    Contactée par BuzzFeed News, un responsable de l'Hôtel de police de Mantes-la-Jolie explique que Marina a été contrôlée car elle n'avait pas sa ceinture attachée. «Ses deux amis étaient par ailleurs en possession de stupéfiants», ajoute le commissariat. Comment expliquent-ils le coup porté au visage et les multiples hématomes porté de Marina T.? «C'était lors de son interpellation puisqu'elle s'est rebellée», avance-t-il sans démentir le ou les coups portés. Pour plus de détails, le policier renvoie vers le parquet de Versailles. Ce dernier, contacté à plusieurs reprises pour savoir si une enquête avait été ouverte n'a pas souhaité nous répondre.

    Deux jours d'ITT pour Tara 16 ans et Mia F. 19 ans

    Tara et Mia F., deux soeurs, attendaient leur train à Mantes-la-Jolie, le 16 juillet dernier, quand des policiers sont arrivés. Selon le témoignage des deux sœurs, les policiers les ont brutalisées et insultées. Leur mère assure qu'ils ont refusé de prendre sa plainte.

    Tara F., 16 ans, sa sœur Mia, 19 ans, et le petit copain de cette dernière rentraient d'un feu d'artifice et attendaient le premier train du matin à la gare de Mantes-la-Jolie le 16 juillet dernier. Il est 5h du matin environ lorsqu'elles aperçoivent un homme qui court sur le parking de la gare, suivi par une voiture de police.

    «Rentrez chez vos mères bandes de putes»

    «Nous attendions sur le banc, lorsque nous avons vu les policiers sortir et tenter d'interpeller l'homme. En courant, cet homme a perdu sa chaussure, puis les policiers l'ont stoppé. Pendant qu'ils le frappaient, mon copain a récupéré sa chaussure pour la lui rendre», raconte Tara F. à BuzzFeed News. D'après elle, les policiers ont immédiatement aspergé l'ami de sa sœur avec du gaz lacrymogène et l'ont interpellé. Elle poursuit:

    «Une autre voiture de police est arrivée et là, ils sont venus vers ma sœur et moi pour nous gazer et nous frapper. Ils sont revenus et l'un des policiers a crié: "Rentrez chez vos mères bandes de putes"»

    La mère des deux filles assure que les policiers de Mantes-la-Jolie ont ensuite refusé de prendre sa plainte contre les agents du même commissariat. «Lorsque je me suis rendue dans leur locaux, ils m'ont bloquée dans le sas d'entrée et sont venus à cinq pour me dire que mes filles avaient empêché une interpellation et qu'ils auraient pu les interpeller pour les placer en garde à vue. Ils m'ont ensuite ordonné de partir», dit-elle à BuzzFeed News.

    Mia et Tara F. ont été examinées à l'hôpital de Mantes-la-Jolie où les médecins ont prescrit deux jours d'ITT à chacune d'elle. D'après les certificats descriptifs de l'hôpital que nous avons pu consulter, «des traumatismes aux deux genoux et une douleur à la région lombaire», ont été constatés pour Tara. Chez Mia, plusieurs hématomes, dont un «au bras droit», et des irritations liées au gaz lacrymogène.

    Le commissariat de police dit ne pas être au courant de cet incident. Le parquet lui, n'a pas non plus souhaité nous répondre sur ce cas.

    Naïma A. accuse les policiers de non-assistance à personne en danger

    Cette femme de 32 ans convoquée pour une audition au commissariat de Mante-la-Jolie a été pris d'une crise de spasmophilie le 16 mai dernier. Elle accuse les policiers d'avoir refusé d'appeler les pompiers et d'avoir tenté de la filmer pour l'humilier. Elle a adressé une lettre au procureur de Versailles.

    Naïma A., 36 ans, est invalide psychologiquement. Elle a été victime d'une erreur médicale lors d'une hospitalisation en 2011. C'est justement en raison du litige qui l'oppose à cet hôpital qu'elle est convoquée au commissariat de Mantes-la-Jolie, le 16 mai dernier. «J'ai été reçue par une officier de police judiciaire qui a été immédiatement agressive», raconte-t-elle à BuzzFeed News. Naïma A. dit avoir voulu présenter ses documents médicaux à l'officier pour la prévenir qu'elle était «très fragile psychologiquement». «Elle ne voulait rien entendre, elle m'a dit «j'en ai rien à foutre, on n'est pas là pour ça», assure-t-elle.

    «Il faut la filmer cette merde»

    La femme, déclarée «invalide psychologiquement» jusqu'en 2024, commence à faire une crise de spasmophilie. Elle demande alors qu'on ouvre la fenêtre et qu'on lui apporte un verre d'eau. Les agents auraient refusé, selon ses dires. Elle raconte la suite dans une lettre adressée le 19 mai dernier au procureur de la République de Versailles:

    «Des collègues de Madame H. (l'officier de police, ndlr) sont entrés dans la pièce mais ne sont pas intervenus pour m'assister. J'ai sollicité, en vain, de l'eau ou un sac pour m'aider à respirer. Personne n'a daigné intervenir pour m'aider. J'ai imploré qu'on fasse intervenir les pompiers pour me transporter à l'hôpital. Cela m'a été refusé.»

    Naïma accuse certains policiers de ce commissariat d'avoir voulu la filmer pour se moquer d'elle. «J'ai entendu une personne dire "il faut la filmer cette merde" pendant que je faisais ma crise», affirme-t-elle. Elle assure que les agents l'ont ensuite expulsée du commissariat.

    Une fois dehors, les pompiers sont alors intervenus et l'ont emmenée à l'hôpital. Elle a ensuite été de nouveau examinée par un médecin qui a constaté le 22 mai 2017, que la femme s'est présentée dans «un état d'anxiété extrême» après sa confrontation avec les policiers. «Cet état de stress aigu vient compliquer un état psychique antérieur déjà fragilisé nécessitant un traitement et un suivi réguliers», conclut le médecin.

    Une fois encore, le parquet de Versailles n'a pas souhaité donner suite à nos sollicitations. Le commissariat de Mantes-la-Jolie lui, dit ne pas être au courant de cet incident.

    En 2014, ce commissariat avait déjà été pointé du doigt. Un brigadier de police de 40 ans comparaissait devant la cour d'assises des Yvelines, pour viol. Il était accusé d'avoir abusé, en 2012 dans l'enceinte de l'hôtel de police, d'une femme de 47 ans, retenue en cellule de dégrisement après son interpellation en état «d'ivresse manifeste sur la voie publique». Il avait été condamné en première instance à 10 ans de prison.

    Sollicitée pour avoir un commentaire sur le commissariat de Mantes-la-Jolie, la mairie de la ville n'a pas encore donné suite.