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    La standardiste du MoDem, payée à mi-temps par Bruxelles, ne «travaillait que pour le parti»

    La standardiste du MoDem Sophie Bessa était rémunérée à temps partiel comme assistante parlementaire de l'eurodéputé Nathalie Griesbeck. Mais les anciens élus et cadres du parti interrogés par BuzzFeed assurent qu'elle n'était que standardiste. Les avocats du MoDem n'ont trouvé aucun élément pour prouver son deuxième job.

    Une enquête de franceinfo, puis une autre de Libération, mettent en évidence ce qui semble être un «système» de financement des salariés du MoDem par ses parlementaires européens. Le parti, en difficulté financière à l'époque, est en effet soupçonné d'avoir demandé à ses eurodéputés de prendre en charge une partie de la rémunération de ses employés. Entre une dizaine et une quinzaine d'assistants parlementaires sont concernés.

    «Il est impossible qu'elle ait véritablement été assistante parlementaire»

    Parmi ces cas, l'un attire particulièrement l'attention. Sophie Bessa, standardiste du MoDem, était officiellement l'assistante parlementaire à mi-temps de la députée MoDem du Grand Est, Nathalie Griesbeck, de 2009 à 2014. D'après les contrats que nous avons pu consulter, Sophie Bessa a été embauchée en 2001 par l'UDF et a partagé son travail entre le parti et le cabinet de Nathalie Griesbeck entre le 1er novembre 2009 et le 31 octobre 2014. Officiellement, elle était censée effectuer 73 heures par mois pour le Parlement européen et 67,50 heures pour le MoDem. Comme pour tous les autres assistants épinglés, un avenant au contrat de travail du parti avait été signé pour qu'elle soit détachée auprès de Nathalie Griesbeck.

    BuzzFeed News a pu interroger deux anciens employés du MoDem, qui travaillaient au siège du parti en même temps que Madame Bessa et aucun des deux ne l'a jamais vue faire autre chose que de l'accueil téléphonique et courrier pour le parti de Bayrou.

    «J'ai appris qu'elle avait été assistante grâce à l'enquête de franceinfo», assure un ancien salarié du MoDem que BuzzFeed News a rencontré et qui souhaite rester anonyme. Et d'ajouter:

    «Je l'ai toujours côtoyée seulement comme standardiste du MoDem. Elle n'a pas de diplôme particulier. Elle était à l'accueil, ouvrait la porte, prenait les appels et distribuait le courrier (...) D'après moi, il est impossible qu'elle ait été véritablement assistante parlementaire.»

    Un autre élu confirme

    Un élu du MoDem, qui a été salarié du parti, et qui côtoyait Sophie Bessa au siège, nous confirme aussi qu'elle n'a «toujours travaillé que pour le parti». Lui aussi a découvert son deuxième emploi d'assistante parlementaire via la presse. Il juge que ce cas est bien plus problématique que celui qui concerne les autres salariés du MoDem:

    «Dans cette histoire, certains (assistants parlementaires) sont objectivement dans la zone grise parce que lorsque vous êtes attaché de presse pour le parti et que vous placez des députés européens pour des émissions de télé, est-ce que vous le faites pour le parti ou pour le parlementaire européen? Vous êtes dans la zone grise. Alors qu'effectivement pour le standard, c'est plus compliqué à justifier...»

    En effet, certains assistants parlementaires avaient des fonctions similaires pour le parti et pour Bruxelles, ce qui rend la matérialisation de leur travail plus compliqué. En revanche, comme c'était le cas pour le garde du corps de Marine Le Pen, embauché lui aussi comme assistant parlementaire, il paraît difficile de justifier cette fonction pour une standardiste.

    Les avocats du MoDem ne produisent aucune preuve

    Nous avons rencontré les avocats du MoDem, Me Teitgen et Me Viottolo, qui nous ont assuré qu'ils étaient en mesure de montrer que tous les salariés du mouvement embauchés à temps partiels pour un eurodéputé travaillaient effectivement en partie pour le Parlement européen.

    Pour certains d'entre eux (comme Charles Coudoré, assistant de Robert Rochefort, par exemple), les avocats ont pu nous produire des dizaines de documents montrant qu'ils ont effectivement travaillé en tant que détaché pour un élu européen. Des fiches techniques ou des notes sur des thématiques européennes, des mails évoquant l'organisation de réunions à Bruxelles ou Strasbourg...

    Mais dans le cas de Sophie Bessa, les conseils du MoDem n'ont rien pu nous montrer. Interrogé sur l'absence de tout document permettant de justifier le travail parlementaire de la standardiste, Me Teitgen se défend:

    «Le problème que j'ai, c'est que Sophie Bessa était l'attachée parlementaire de Nathalie Griesbeck et que ces documents sont chez elle. Et Nathalie Griesbeck n'a pas d'avocat, vous voyez. Donc je peux pas vous en dire plus.»

    Contactée, Nathalie Griesbeck n'a pas souhaité nous répondre. Quant à Sophie Bessa, nous n'avons pu la joindre par téléphone qu'une seule fois mais elle a très vite décidé de nous raccrocher au nez. Elle a ensuite filtré tous nos appels et n'a pas réagi à nos SMS.

    Auprès de franceinfo, Nathalie Griesbeck a justifié ce détachement en assurant qu’elle «avait besoin de quelqu’un pour lui prendre des contacts et gérer ses rendez-vous lorsqu’elle venait à Paris» et qu'elle «ne s’occupait pas du fond des dossiers». Plusieurs témoins qui ont souhaité garder l’anonymat ont aussi «mis en cause cette version» auprès de la radio.

    Sollicité, le service presse du Modem n'a pas donné suite.