Aller directement au contenu

    La grosse manip' des élus FN pour embaucher leurs conjoints au parlement européen

    Les députés européens ont l'interdiction d'embaucher leur conjoint comme assistant parlementaire mais le FN a trouvé une petite combine: les faire recruter par un autre eurodéputé du parti.

    À la différence de l'Assemblée nationale ou du Sénat, en France, le parlement européen interdit formellement à un député d'embaucher un «parent proche» (femme, enfant, frère, sœur...) en tant qu'assistant parlementaire. «Les députés ne peuvent pas engager de parents proches comme assistants», rappelle notamment le site de l'administration dans la section «dispositions relatives au personnel»:

    Pour contourner cette règle —tout en restant dans les clous de la légalité— le Front national a donc trouvé une astuce: faire embaucher un proche par un autre député européen du même groupe.

    Au FN, un organigramme familial

    Lorsqu'on regarde de près l'organigramme frontiste du parlement européen, on s'aperçoit que cette manip' a été répétée à plusieurs reprises pour les élus membres du groupe Europe des nations et des libertés (ENL).

    • La députée FN Mylene Troszczynski a fait embaucher son époux Laurent Guiniot en tant qu'assistant parlementaire de la députée FN Joëlle Mélin. En échange, Mylene Troszcynski emploie Grégoire Faugeron qui vient de PACA selon l'Oise Hebdo... la même région où est élue Joëlle Mélin.
    • La députée FN Marie-Christine Arnautu a fait embaucher son époux Philippe Chevrier comme assistant parlementaire de la députée FN Marie-Christine Boutonnet.
    • La députée FN Dominique Bilde a fait embaucher son fils Bruno Bilde par la députée Sophie Montel. Bruno Bilde a démissionné depuis.

    Sollicité par BuzzFeed News, le parlement européen, après avoir «lancé des vérifications», admet que ce procédé «est conforme au règlement». «La règle en vigueur depuis 2009 ne vaut que pour les proches d'un député. Je ne sais pas si c'est un vide réglementaire, mais tant qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts, les eurodéputés qui embauchent un membre de la famille d'un autre député sont dans les clous», ajoute une source au sein du parlement.

    «La vie au Front est faite de gens qui se sont rapprochés»

    Contactée pour qu'elle s'explique sur cette combine, la députée FN Joëlle Mélin, qui a embauché l'époux de sa collègue, s'agace:

    «Je n'ai pas à vous répondre. Si vous voulez que votre profession de journaliste trouve de la hauteur, ne vous lancez pas dans ce genre d'investigation.»

    Et de finalement expliquer:

    «Tout est validé par le parlement. Et c'est parfaitement justifié, car mon assistant parlementaire a toutes les compétences requises. Il faut savoir que c'est très dur de travailler pour le FN, après votre réputation est détruite. Alors quand on a des gens de talent au FN, on les garde, et parfois ce sont des membres de la même famille. La vie au Front est faite de gens qui se sont entraidés, rapprochés...»

    Bruno Bilde, qui a été l'assistant parlementaire d'une collègue de sa propre mère, assume aussi:

    «J'étais au Front national avant ma mère. Je n'ai pas été embauché pour ça et d'ailleurs, cela n'a pas posé de problème pour le parlement.»

    Il précise en outre n'avoir travaillé que quelques mois comme assistant parlementaire avant de démissionner.

    Les Le Pen, spécialistes du genre

    Et cette pratique ne s'est pas limitée à trois eurodéputés frontistes. Comme l'a révélé Le Canard enchaîné ce mercredi, à la demande de Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch avait recruté sa fille Yann Le Pen, la mère de Marion Maréchal-Le Pen, comme assistante parlementaire entre 2009 et 2014. Et ce pour la modique somme de 7000 euros brut par mois.

    En 2013, Mediapart avait révélé une autre combine du FN pour faire embaucher un proche. Marine Le Pen avait embauché son compagnon Louis Aliot comme assistant local à temps partiel. Grassement payé, le vice-président du Front national pouvait compter sur un salaire mensuel de 5006,95 euros brut par mois pour une activité à temps partiel de 17,5 heures par semaine.

    Gérard Onesta, ex-vice-président du parlement européen et l'un des principaux rédacteurs du statut des assistants aujourd'hui en vigueur, est bien conscient de cette manipulation. «On y a pensé lors de la rédaction des règlements et nous avons fait évoluer les textes en exigeant de rendre public le nom des assistants parlementaires», explique-t-il à BuzzFeed News, avant de préciser:

    «Pourquoi? Tout simplement parce que si un député dit à un autre député, j'embauche ta fille, tu embauches mon fils, cela se verra. Nous avons essayé de border au mieux les textes, mais on ne pouvait pas vraiment faire plus.»