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Affaire du maillot de bain à Reims: «Cela n'avait rien à voir avec la morale ou la religion»

D'après le journal local l'Union, une fille a été «lynchée» par cinq autres personnes parce qu'elle était en maillot de bain dans un parc public à Reims. Une personne présente au moment des faits conteste cette version auprès de BuzzFeed France.

Ajout du témoignage vidéo de la mise en cause principale de l'affaire (en fin d'article).

Dans un article publié samedi, le quotidien local l'Union de Reims (Marne) révèle que le mercredi précédent, une jeune femme de 21 ans a été «lynchée» par cinq autres, âgées de 16 à 24 ans dans le parc Léo-Lagrange à Reims. La raison? Elle bronzait en maillot de bain.

L'Union est catégorique, la morale est la cause de ce déferlement de violence:

«Voir cette femme qui bronze au soleil, allongée dans l'herbe, semble contraire à sa morale et sa conception des bonnes mœurs car elle vient lui reprocher sa tenue légère jugée indécente en pareil endroit. Effarée par un tel discours aux relents de police religieuse, la jeune femme se rebiffe en rétorquant qu'on n'a pas à lui dicter sa façon de se vêtir. Une altercation éclate».

Ce dimanche, de nombreux politiques se sont indignés, surtout ceux du FN qui ont mis en cause, plus ou moins explicitement, l'islam sans connaître ni l'identité des agresseurs, ni les réels motifs de cette altercation.

SOS racisme a même organisé une manifestation (une dizaine de personnes seulement y ont participé):

Le maire LR de Reims Arnaud Robinet avait appelé «à ne pas tomber dans un amalgame» en attendant les résultats de l'enquête. La direction départementale de la sécurité avait réfuté le motif religieux. Cela n'a pourtant pas empêché certains de s'emballer en spéculant sur l'histoire.

Le maire FN du 7e secteur de Marseille:

Contrairement à cette version initiale, deux témoins affirment à BuzzFeed France que la raison n'était «ni religieuse, ni morale». Nesrine, la principale personne mise en cause a également livré plus de précisions sur sa page Facebook. «Je n'ai fait que séparer et c'est moi qui me suis fait agresser», explique cette jeune femme, réfutant les accusations d'agression à caractère religieux.

Contactée par BuzzFeed France, une quatrième personne, Anna (le prénom a été modifié), aussi présente lors de l'altercation, témoigne:

«J'étais en effet avec trois amies et ma petite sœur mercredi vers 16h30, quand nous sommes allées au parc Léo Lagrange. Nous sommes passées devant trois filles en maillot de bain et j'ai juste dit à ma copine que si c'était moi, je n'oserais pas me mettre dans cette tenue sachant que même à la piscine je ne le fais pas. Mais j'ai dit ça car je suis complexée, absolument pas pour des questions religieuses ou morales. Je suis musulmane oui, mais tolérante».

Anna, 19 ans, a passé 24h en garde à vue après l'altercation et est convoquée en octobre prochain pour passer devant un juge. Toutefois, elle assure que l'altercation «n'était pas un lynchage»:

«Lorsque l'une des trois filles m'a entendue parler, elle m'a interpellée pour me dire qu'"avec mon physique, elle comprenait que je n'ose pas me mettre en maillot". Elle a également dit que j'étais grosse. Je suis allée vers elle pour lui donner une gifle, puis elle s'est battue avec mon amie. À partir de là, j'ai tout fait pour les séparer. Elles se sont battues seulement toutes les deux, avant que des témoins puis un policier en civil ne s'interposent.»

D'après Anna, la victime a bien eu 4 jours d'ITT, mais son amie Nesrine, a également reçu un arrêt de travail de 10 jours (3 jours selon le parquet). Un comité de soutien doit publier un démenti rapidement pour contester la version initiale du quotidien l'Union.

La justice semble en tout cas crédibiliser cette version ce dimanche.

Le parquet de Reims affirme que «ni la victime ni les auteures des coups n'ont fait état, lors des auditions, d'un mobile religieux ou d'un mobile moral qui aurait déclenché l'altercation». «Les mises en cause sont renvoyées devant le tribunal correctionnel en septembre uniquement pour des violences en réunion», précise le parquet à l'Union.

Par ailleurs, Anna affirme que son amie qui s'est battue avec la fille en maillot de bain a été agressée samedi par plusieurs personnes après la diffusion de cette histoire. Très troublée, elle ajoute:

«Les journalistes ne se rendent pas comptent de ce qu'ils font. Oui, elles n'auraient pas dû se battre, mais eux, auraient dû vérifier les informations. Depuis qu'ils ont laissé entendre que notre motif était religieux, c'est horrible. Ma famille ne veut plus me parler. Je dois dormir chez ma tante là. Je lis tous ces commentaires racistes sur nous. Franchement, nous sommes faibles, moi je suis faible, j'ai des idées noires.»

Interrogé ce lundi, le parquet de Reims affirme que le policier en civil qui a séparé les jeunes filles lors de l'altercation a «confirmé ne pas avoir entendu de références à la morale ou à la religion». La vice-procureure ajoute:

«Il s'agit bien de violences en réunion et rien de plus. Les cinq filles portaient en outre des tenues habituelles et non pas liées à une quelconque religion. La fille en maillot de bain assure que la bagarre s'est déclenchée lorsque l'une des filles a lancé "rhabillez-vous, c'est pas l'été". L'une des mises en cause dit au contraire que c'est une insulte sur son physique qui a marqué le point de départ des violences».

Le parquet ajoute que «c'est lorsque la fille en maillot de bain a pris le dessus sur l'autre fille que le groupe entier est intervenu». Si la victime a eu 4 jours d'incapacité totale de travail, l'une des mises en cause en a également eu 3.

En plus de donner sa version des faits, elle ajoute en larmes:

«Je suis la première à aller bronzer en maillot de bain (...) je ne suis pas une terroriste».

Dans une seconde vidéo, elle dénonce «ces politiques qui nous salissent» et ajoute «qu'il y a une mineure dans l'histoire (qui) essaie de mettre fin à sa vie».

BuzzFeed France s'est procuré une vidéo présentée comme ayant été filmée le jour de de l'altercation de mercredi dernier. Deux témoins et l'une des filles mises en cause assurent qu'elle est authentique. Selon eux, «la bagarre principale avait déjà eu lieu, c'était à la fin, mais ils continuaient à se disputer et à être séparées par d'autres personnes».

Voir cette vidéo sur YouTube

BuzzFeed France / Via Youtube

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