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    Accusé d'agression sexuelle, Frédéric Haziza va réintégrer la rédaction de LCP

    Info BuzzFeed - Alors qu'une enquête préliminaire est toujours ouverte, le présentateur accusé par plusieurs salariées d'avoir eu des comportements déplacés sera réintégré, a annoncé la direction jeudi soir.

    Mise à jour le 8 janvier 2018: Frédéric Haziza fera son retour jeudi 11 janvier sur l'antenne de LCP, rapporte l'Express. Les journalistes de la chaîne ont eux, majoritairement voté une motion de défiance contre la présidente Marie-Eve Malouines.


    Frédéric Haziza était suspendu depuis le 21 novembre et les révélations de BuzzFeed News. Cela faisait suite à la plainte d'une journaliste de La Chaîne parlementaire, Astrid de Villaines, pour une agression sexuelle qui se serait produite en 2014, et dont deux salariés avaient été témoins. Plusieurs collègues de ce présentateur phare l'ont par ailleurs accusé d'avoir eu les «mains baladeuses» et ont raconté des scènes qui se finissaient en pelotage de seins ou de mollets.

    Malgré l'ouverture d'une enquête préliminaire menée par la brigade de répression de la délinquance après la plainte, Marie-Ève Malouines, la présidente de LCP, a annoncé jeudi soir à l'ensemble des salariés vouloir réintégrer le journaliste. Dans un mail que nous avons pu consulter, elle précise :

    «La direction constate qu’en l’état, juridiquement rien ne s’oppose au retour de Frédéric Haziza dans l’entreprise. Afin de garantir des conditions de travail sereines pour la journaliste qui a porté plainte, pour le journaliste qu’elle accuse, ainsi que pour l’ensemble des personnels de l’entreprise, la direction étudie avec l’avocate de LCP les mesures d’accompagnement appropriées dans le respect des règles de droit.»

    La patronne de la chaîne, qui avait déjà longuement hésité à suspendre l'animateur, a pris cette décision après avoir consulté les conclusions d'une enquête interne confiée à Philippe Le Bellec, un intervenant extérieur agréé par le ministère du travail. Celui-ci a recueilli les témoignages de 44 salariés de la chaîne et remis son rapport lundi 18 décembre à la direction et aux membres du CHSCT.

    La patronne de LCP oublie une partie de l'enquête interne

    Dans son mail, Marie-Ève Malouines cite non pas le rapport complet, mais sa synthèse, pour justifier la réintégration du présentateur :

    «Concernant Frédéric Haziza, qui est dispensé d’activité depuis le 21 novembre dernier, jusqu’à la conclusion de cette enquête interne, Mr Le Bellec ne relève aucun témoignage d’agression sexuelle, mais des actes inappropriés dits «potache» ou «lourdingues», avant la sanction décidée par l’entreprise en 2014, suite à un fait qui motive la récente plainte d’une salariée. Cet expert ne relève pas de comportement inapproprié depuis 2014.»

    Mais Marie-Ève Malouines passe sous silence une autre partie des conclusions de l'expert. D'après la-dite synthèse, que nous avons pu obtenir, Philippe Le Bellec évoque avant 2014 d'autres victimes du comportement déplacé de Frédéric Haziza :

    «Si les salariés en CDI trouvaient ces attitudes souvent pénibles mais pouvaient réagir, même physiquement et parfois de façon vigoureuse, certaines salariées en CDD étaient beaucoup plus impactées : sentiment de mal-être, d’évitement de la personne en cause, d’inquiétude, compte tenu du rôle, de l’aura du présentateur et de son pouvoir réel ou supposé.»

    «Ce salarié a attisé un fort ressentiment à son égard qui est patent aujourd’hui. Cela d’autant plus que sa personnalité suscite des appréciations contrastées : appréciation de son professionnalisme par certains, rejet par d’autres en raison d’une attitude jugée méprisante», peut-on également lire dans ce résumé.

    «Les faits sont prescrits, et il ne peut pas y avoir deux fois une sanction pour les mêmes faits», a répété Marie-Ève Malouines lors d'une réunion organisée mercredi selon des salariés présents, faisant référence à l'avertissement que Frédéric Haziza avait reçu après les faits de 2014, et au fait qu'un employeur ne peut pas sanctionner deux fois une même faute.

    «La SDJ de LCP s’indigne de cette décision»

    Rapidement toutefois, de nombreux salariés de LCP ont contesté cette synthèse. Mardi, la Société des journalistes (SDJ) a, à l'unanimité, dénoncé un résumé «lapidaire qui ne reflète pas le malaise profond ressenti par la rédaction». Selon la SDJ, le document est écrit «à la va-vite» et n'évoque «pas une seule fois la notion de souffrance au travail, dont beaucoup de salariés ont pourtant fait état lors de leur entretien». Elle dénonce aussi le fait de ne pas pouvoir avoir accès à la totalité de ce rapport, mais à sa seule synthèse.

    Ce vendredi, la SDJ a publié un deuxième communiqué pour s'opposer à la décision de Marie-Ève Malouines :

    «La SDJ de LCP-AN s’indigne de cette décision qui s’appuie sur un rapport d’enquête interne, dont la synthèse -seul document communiqué aux salariés - est contestée par une partie du personnel. Une enquête judiciaire pour agression sexuelle sur l’une de nos collègues est en cours contre Fréderic Haziza. La SDJ réaffirme son refus du retour de Fréderic Haziza à l’antenne et dans l’enceinte de l’entreprise jusqu’à ce que la justice se prononce.»

    De nouvelles accusations contre Haziza après l'enquête interne

    Certains salariés expliquent par ailleurs avoir dénoncé des cas de harcèlement moral et sexuel de la part de Frédéric Haziza après 2014 et ne pas retrouver leur témoignage dans le document. «À la lecture de cette synthèse, beaucoup de gens ont été surpris. On a l'impression que tout ça a été rédigé en faveur de la direction», regrette une journaliste de la chaîne qui réfléchit à faire un contre-rapport avec cette fois-ci «tous les témoignages accusant Frédéric Haziza».

    «Comment cet intervenant peut affirmer que Frédéric Haziza a cessé d'avoir un comportement problématique après 2014 alors même qu'un salarié a dit l'inverse lors de son entretien avec le médiateur ?», s'interroge un autre salarié de LCP.

    Contacté par BuzzFeed News, Philippe Le Bellec n'a pas souhaité s'exprimer et a immédiatement mis fin à notre conversation en raccrochant.

    La rédaction de LCP réfléchit à faire grève

    Un conseil d'administration extraordinaire s'est tenu jeudi en présence de la direction de LCP et des députés membres du conseil d'administration. Selon deux députés présents à cette réunion, Marie-Eve Malouines n'avait pas encore annoncé la réintégration de Frédéric Haziza mais avait précisé «que cette décision lui appartenait et qu'elle en assumerait la responsabilité». Elle a toutefois annoncé qu'un nouveau conseil d'administration aurait lieu en janvier et qu'elle y annoncerait des mesures générales pour améliorer l'ambiance de la chaîne.

    «Ce n'est plus du malaise que nous ressentons, mais du dégoût. 44 salariés ont souhaité voir ce médiateur pour dénoncer une situation gravissime, et on fait comme si cela n'existait pas», déplore un salarié. D'après nos informations, le vote d'une grève et d'une motion de défiance sont à l'étude pour la rentrée.

    «Quelqu'un qui est lourd, on le remet à sa place, éventuellement on lui met une claque»

    Sollicitée, la patronne de la chaîne n'a pas donné suite. Jointe par l'AFP, l'avocate de Frédéric Haziza se déclare, elle, «scandalisée par le fait que des journalistes bafouent à ce point la présomption d'innocence». Me Jacqueline Laffont ajoute :

    «Cette enquête porte sur un fait contesté par Frédéric Haziza, porté à la connaissance de la chaîne en novembre 2014.»

    Et d'ajouter:

    «Un expert indépendant a conclu à des blagues lourdingues. [...] Tout n'est pas pénal. Quelqu'un qui est lourd, on le remet à sa place, éventuellement on lui met une claque.»

    En réalité, l'enquête a été élargie et a même mis en lumière de nouvelles accusations.

    Mise à jour le 22/12: ajout des déclarations de l'avocate de Frédéric Haziza