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    Accusation de violences: la députée Attard charge le ministre Baylet

    La députée Isabelle Attard a interrogé Jean-Michel Baylet ce mardi à l'Assemblée après nos révélations selon lesquelles l'actuel ministre avait été visé par une plainte pour violences en 2002. L'affaire avait été soldée par une transaction secrète.


    Mise à jour: Contactés, l'Élysée et Matignon ne «souhaitent pas réagir à ces accusations». Le cabinet de Jean-Michel Baylet et celui du ministre du droit des Femmes, Laurence Rossignol, n'ont pas encore donné suite.


    En mars dernier, nous rapportions qu'en 2002, l'actuel ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales avait été accusé par son assistante parlementaire, Bernadette Bergon, de l’avoir frappée et forcée à démissionner. D’après les informations révélées par BuzzFeed News, le sénateur a passé à l’époque une transaction secrète avec la victime pour éviter toutes suites.

    C'est ce sujet que la députée écolo Isabelle Attard a souhaité aborder lors des débats sur le projet de loi de développement et de protection des territoires de montagne, porté par Jean-Michel Baylet.

    «Comment osez-vous vous présenter à l’Assemblée?»

    «Monsieur le ministre, le président de la République a dit vouloir un gouvernement exemplaire, et que "la lutte contre les violences faites aux femmes est une exigence." Et pourtant, le 11 février 2002, monsieur le ministre, vous étiez encore sénateur du Tarn-et-Garonne, quand votre collaboratrice parlementaire (Bernadette Bergon, ndlr) a porté plainte contre vous à la gendarmerie de Toulouse», a-t-elle lancé dans l'hémicycle avant de rappeler les faits déclarés par la victime.

    «Voici ce qu'elle a déclaré: elle était à votre domicile, lorsque vous l'avez "frappée, au visage, à plusieurs reprises", monsieur le ministre. Vous avez enfermé votre collaboratrice chez vous, et vous l'avez "contrainte, sous la menace de nouveaux coups, à rédiger sous [votre] dictée une lettre de démission", monsieur le ministre. Vous avez chassé votre collaboratrice de chez vous, en pleine nuit, "entièrement dévêtue et pieds nus", monsieur le ministre.»

    Pendant son intervention, le micro d'Isabelle Attard a été coupé et la présidente de séance lui a rappelé qu'elle était hors-sujet, la députée a alors dit qu'elle parlerait «sans micro» s'il le fallait et que «d'autres députés avaient fait des hors sujets». Son micro a ensuite été rallumé.

    La députée du Calvados, qui est également l'une des plaignantes dans l'affaire Baupin, a aussi rappelé que Jean-Michel Baylet n'avait pas souhaité répondre à nos questions avant ou après publication de l'article, et qu'il n'avait pas porté plainte en diffamation contre BuzzFeed News.

    «Vous étiez patron de presse, vous connaissez le délai de trois mois pour les attaquer en diffamation. Vous avez choisi le silence, face à ces informations qui dérangent. Aucun innocent n'aurait choisi de se taire. Par votre silence, vous reconnaissez être l'auteur de violences graves commises sur votre collaboratrice, monsieur le ministre. Certes vous ne serez jamais condamné, puisque vous avez acheté le silence de votre victime.»

    La députée a ensuite ajouté:

    «Je rappelle les mots du président de la République: "La lutte contre les violences faites aux femmes est une exigence. Je souhaite un État exemplaire."»

    Son micro a alors été coupé, elle avait prévu de conclure ainsi:

    «Ma question est simple: monsieur le ministre Jean-Michel Baylet, comment osez-vous vous présenter à l’Assemblée nationale, sans être submergé par la honte?»

    Jean-Michel Baylet a décidé de répondre, disant:

    «On peut tout romancer mais il y a eu une instruction judiciaire dans cette affaire et elle a été classée sans suite [...] le procureur de la république n’aurait jamais classé si les choses s’étaient déroulés comme vous l’avez dit.»

    Sauf que la réponse du ministre est partielle puisqu'il n'aborde pas la transaction secrète que nous avions révélée. Nous avons également fourni la preuve que Jean-Michel Baylet n'a jamais contesté ces accusations, ni à l'époque ni après la publication de notre article. Contactée par BuzzFeed News, la victime, Bernadette Bergon, n'a jamais infirmé les faits, mais a dit ne pas pouvoir s'exprimer sur ce sujet.

    Non, #Baylet n'a jamais démenti les faits de violences. Voici l'extrait d'un arrêt de 2008 qui le prouve.… https://t.co/PHVL5B2j5O


    Juste après son intervention, Isabelle Attard a expliqué sa démarche à la presse: «L’hypocrisie doit cesser lorsqu’on parle d’État exemplaire, ce sont les mots du président de la République, lorsqu’on dit que la lutte contre les violences faites aux femmes est une exigence. Dans ces cas-là, on agit. On agit en ne nommant pas des ministres qui n’ont rien à faire dans l’hémicycle. Jean-Michel Baylet n’aurait jamais dû être ministre.»

    «Entièrement dévêtue»

    Les faits remontent à la soirée du samedi 9 février 2002. Jean-Michel Baylet est alors sénateur du Tarn-et-Garonne, et Bernadette Bergon est son assistante parlementaire depuis 1998. Ce soir-là, elle le rejoint dans sa maison de Valence d’Agen, dont il a été maire pendant 24 ans.

    Le patron des Radicaux de gauche l'aurait alors contrainte «sous la menace de nouveaux coups, à rédiger sous sa dictée une lettre de démission». «Il m’a porté des coups essentiellement au visage», précisait-t-elle lors d’une audition dans le cadre de l’enquête préliminaire en février 2002.

    Selon le PV de son audition que nous avons pu nous procurer, l’actuel ministre lui aurait ensuite demandé de quitter les lieux, alors qu’elle était «entièrement dévêtue et pieds nus». «Il m’a uniquement rendu mes lunettes de vue et la clé de chez mes parents», ajoutait la victime.

    Un silence grâce à une transaction secrète

    Finalement, cette affaire sera classée sans suite par le parquet de Montauban. Alors qu’il pouvait continuer à instruire l’affaire malgré le retrait de la plainte et la transaction, a-t-il reçu des pressions politiques?

    Comment, alors, expliquer que cette affaire n’ait pas eu plus de retentissement? Comme nous le révélions, Jean-Michel Baylet avait, après les faits, passé une transaction secrète avec Bernadette Bergon.

    Si la consigne de François Hollande interdit à toute personne mise en examen d’entrer ou de rester au gouvernement, qu’en est-t-il pour ceux qui ont passé une transaction après avoir été accusés de violences? Sollicités à plusieurs reprises, ni l'Elysée ni Matignon n'avaient souhaité nous répondre sur le sujet. Le cabinet de Jean-Michel Baylet n'avait lui non plus jamais donné suite.

    Correction: Le parquet de Montauban avait classé l'affaire à l'époque. Une première version de l'article évoquait le parquet de Toulouse