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    Uber: des données internes offrent un aperçu des plaintes pour agression sexuelle

    Mise à jour: Uber rétracte une partie de ses explications sur les milliers de plaintes trouvées avec le mot «viol» dans les documents obtenus par BuzzFeed.

    Selon les données fournies par Uber à BuzzFeed News, l'entreprise a reçu cinq allégations de viol et «moins de» 170 allégations d'agression sexuelle directement liées à un voyage à bord d'un Uber, ceci parmi tous les tickets entrants de la base de données de son service client entre décembre 2012 et août 2015.

    Uber a transmis ces chiffres pour réfuter les informations des captures d'écran obtenues par BuzzFeed News, qui donnent des chiffres beaucoup plus importants. Les images, qui ont été transmises à BuzzFeed News par un ancien représentant du service client d'Uber puis confirmées par de multiples autres parties, montrent des recherches d'information menées sur la plate-forme de service client Zendesk d'Uber, de décembre 2012 à août 2015. Les recherches montrent des plaintes envoyées et reçues dans le monde, par les groupes de service client États-Unis, West Coast CommOps (côte Ouest américaine), DC Client Support (Washington D.C.), NYC Support (New York), LA Driver Support (Los Angeles), Manila UberSupport (Manille aux Philippines), et Afrique subsaharienne. Plusieurs tickets individuels qui apparaissent sur les captures d'écran ont également été confirmés.

    Quand Uber a eu vent de l'enquête menée par BuzzFeed News, l'entreprise est entrée en contact avec des représentants du service client qui avaient fait des recherches dans la base de données Zendesk avec les mots viol et agression sexuelle. Uber cherche apparemment à savoir qui a divulgué l'information.

    Sur l'une des captures d'écran, une recherche avec les mots «agression sexuelle» (sexual assault) obtient comme résultat 6160 tickets du service client d'Uber. Une recherche avec le mot «viol» (rape) ressort 5827 tickets individuels. D'autres variations de ces mots engrangent également de nombreux résultats. Le mot «attaqué-e» (assaulted) obtient 3524 tickets, tandis que «agressé-e sexuellement» (sexually assaulted) en obtient 382.



    Uber maintient que les données montrées sur ces images ne sont pas une représentation juste des plaintes pour agressions adressées via sa plate-forme. Bien que l'entreprise nous ait dit ne pas pouvoir fournir immédiatement des statistiques internes sur le nombre de plaintes pour viol et agression sexuelle sur sa plate-forme, les équipes chargées des données, de la sécurité et des affaires juridiques d'Uber ont conclu, après une analyse de 24 heures, que le total de tickets au sujet de viols obtenu par BuzzFeed News est «largement exagéré».

    Les représentants d'Uber ont dit à BuzzFeed News que parmi les milliers de tickets obtenus avec le mot-clé viol, cinq d'entre eux remplissent les critères d'Uber pour en faire des incidents liés à un voyage, et Uber a refusé d'approfondir sur ces critères ou d'expliquer ses méthodologies (notons que ces incidents sont ceux figurant dans leur système de service client et non un décompte de tous les incidents. Le nombre n'est pas exhaustif). L'entreprise a avancé plusieurs hypothèses pour justifier qu'une recherche avec ce mot obtienne 5827 tickets d'assistance.

    MISE À JOUR

    Dans un premier temps, les représentants d'Uber ont suggéré que si une adresse mail ou le nom d’un passager ou d’un chauffeur contenait le mot «rape» (viol en anglais), comme «Don Draper», ils apparaîtraient dans les résultats de la recherche. Mais Zendesk, plateforme utilisée pour le service client qu'on peut voir sur les captures d'écran obtenues par BuzzFeed, a dit à Uber qu'on ne pourrait pas tomber sur «Don Draper» en cherchant «rape» –mais qu'on pouvait trouver des gens dont le nom commence par les lettres «rape».

    «Nous nous excusons auprès de Zendesk d'avoir utilisé un example imparfait (et fictif) qui ne représente pas correctement leur fonction recherche», ont écrit les représentants d'Uber. «Cela n'a pas d'effet sur notre analyse des chiffres globaux, qui a été basée sur une revue manuelle de ces tickets plutôt que sur une simple recherche de mots-clés».


    Les responsables ont également suggéré que des erreurs de frappe pour le mot «rate» (tarif en anglais, N.D.T) ainsi que des expressions comme «vous avez violé mon portefeuille» («you raped my wallet») donnaient des résultats faussement concluants sur ceux vus dans les captures d'écran.

    Cependant, les captures d'écran obtenues par BuzzFeed News montrent neuf tickets de plainte avec le mot «rape» dans l'objet du message. Les neuf résultats sur la capture d'écran ne semblent pas être le fruit d'une erreur de frappe, ils ne semblent pas dus au nom du chauffeur ou du passager, ni à des mails avec une séquence de lettres formant le mot «rape».

    Uber a affirmé à plusieurs reprises que le nombre important de requêtes vues sur les captures d'écran est exagéré. Toutefois, Uber a décliné la requête de BuzzFeed News d'avoir un accès direct aux données, ou de voir ses procédures pour analyser ces données. Lorsqu'on leur a demandé des données anonymes supplémentaires sur les cinq tickets de plainte pour viol que le service dit avoir reçu entre décembre 2012 et août 2015, Uber a refusé de fournir plus d'informations.

    Uber a également réfuté les captures d'écran montrant les 6160 tickets d'assistance client obtenus avec la recherche «agression sexuelle». Les porte-paroles d'Uber ont déclaré à BuzzFeed News qu'il y avait moins de 170 tickets avec des déclarations d'agression sexuelle. Ces porte-paroles ont suggéré que les milliers de tickets ressortis par le biais de cette recherche ont pu l'être à cause de «rapports faits par des passagers déclarant des agressions sexuelles commises dans d'autres services de transport, des discussions à propos des agressions sexuelles aux informations et des rapports sur des passagers montés à bord de voitures qui n'étaient pas des véhicules Uber et ont alors subi des agressions sexuelles».

    Les captures d'écran obtenues par BuzzFeed News montrent au moins neuf tickets de plainte avec pour objet de mail «agression sexuelle» et au moins neuf résultats sur 382 avec des objets de mail comme «agressée sexuellement», y compris «un chauffeur uber m'a agressée sexuellement», «agressée sexuellement par un chauffeur Uber à SF», «un chauffeur Uber a agressé ma copine sexuellement» et «ma fille agressée sexuellement par un chauffeur».

    Des porte-paroles d'Uber ont déclaré à BuzzFeed News que dans le cas d'une déclaration de viol ou d'agression, les représentants du service client doivent joindre la personne qui a fait la déclaration et faire remonter le cas aux représentants de la loi le cas échéant. Les représentants de l'entreprise ont aussi expliqué qu'Uber désactive temporairement le chauffeur partenaire ou le passager pendant l'enquête et que la technologie d'Uber fait parvenir aux passagers la plaque d'immatriculation, le constructeur et la couleur de la voiture, ainsi que la photo du chauffeur et son nom.

    Des captures d'écran supplémentaires fournies à BuzzFeed News montrent en détail les instructions qu'ont les équipes de gestion des incidents pour traiter les tickets d'assistance client, variant en sévérité du niveau 1 au niveau 4. Tout contact sexuel non consenti (ou tentative d'en commettre) relève du niveau 3 et est censé déclencher une enquête interne. Selon la documentation interne d'Uber, si une enquête sur un contact sexuel non consenti ne se montre pas concluante, un chauffeur reçoit un «Avertissement final». Le conducteur ou la conductrice sera seulement désactivé-e si l'enquête aboutit à des résultats concluants, ou s'il ou elle reçoit un deuxième avertissement non concluant.

    Les captures d'écran de la section «Support Logic and Escalations» d'Uber dans Zendesk montrent aussi que les représentants du service client qui s'occupent de cas de contact sexuel non consenti devraient prendre en compte les intérêts de la police et des médias lorsqu'ils décident de remonter des cas à leurs supérieurs hiérarchiques. «Déterminez l'intérêt pour la police et les médias et demandez à la Comm/ELTR de surveiller si le risque est confirmé», peut-on lire sur une capture d'écran.

    Dans une autre capture d'écran de service client concernant l'usage confirmé d'alcool ou de drogues par un chauffeur, les instructions indiquent que «si le passager ne veut pas faire remonter à la police ou aux médias, appliquez le système de sanction, envoyez un avertissement et réglez la situation sans faire remonter le problème.»

    Alors que le volume de résultats pour les tickets concernant les viols et les agressions sexuelles dans les captures d'écran ci-dessus diffère grandement des chiffres transmis par Uber à BuzzFeed News pour les réfuter, le volume important de requêtes avec ces deux mots-clés donne à réfléchir sur un problème de taille auquel font face les représentants du service client qui ont déjà du mal à gérer la myriade de litiges des chauffeurs et des passagers. Pour faire simple: la quantité monstre de ces tickets complique la tâche de distinguer les exagérations ou les tentatives de fausses remontées des requêtes légitimes et vraiment urgentes.

    Un porte-parole d'Uber a déclaré à BuzzFeed News: «Nous faisons tout pour fournir un moyen de transport dans lequel tout le monde peut avoir confiance et notre technologie nous permet de nous concentrer sur la sécurité avant, pendant et après chaque voyage. Rien qu'un seul incident de cette nature en est un de trop.»

    Peu de temps après la publication de cet article en anglais, Uber a répondu à BuzzFeed News. Vous pouvez lire la réponse en entier ici.

    Contactez Johana Bhuiyan (bbmj1022@gmail) ou Charlie Warzel (charlie.warzel@buzzfeed.com) si vous disposez d'informations supplémentaires à propos de cette affaire en cours.