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    Médicament anti-VIH: premier cas d'infection d'une personne sous PrEP

    L'homme qui prenait du Truvada, un comprimé permettant d'empêcher une infection par le VIH lors d'un rapport à risque, a tout de même été contaminé. Cela remet-il en cause l'efficacité de ce traitement?

    Pour la première fois, une personne prenant du Truvada —un médicament à prendre quotidiennement pour prévenir une infection par le VIH dans ce qu'on appelle une prophylaxie pré-exposition, ou PrEP —a contracté une souche pharmacorésistante du virus.

    Le cas a été présenté jeudi lors de la conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) de Boston.

    L'efficacité de ce traitement est-elle remise en cause?

    Le patient était un homme homosexuel de 43 ans de Toronto qui suivait le traitement médicamenteux depuis 24 mois sans problèmes antérieurs. Les chercheurs de l'étude ont noté que, selon les dossiers pharmaceutiques et les analyses sanguines, l'homme prenait le médicament correctement au moment où il a contracté le virus.

    D'après plusieurs études (en France et à l'étranger), le Truvada est extrêmement efficace pour prévenir le VIH chez les personnes qui le prennent quotidiennement et lutter contre l'épidémie du sida.

    Depuis quelques semaines en France, les personnes ayant souvent des rapports à risque (sans préservatif), peuvent d'ailleurs se faire prescrire un traitement après consultation à l'hôpital. Si le traitement lui est permis, le patient doit prendre un comprimé quelques heures avant son rapport sexuel non-protégé, puis un autre 24h après. Si son partenaire est contaminé, le patient ne le sera pas dans 86% des cas.

    Mais avec ce patient de Toronto, les scientifiques ont conclu qu'il existe une exception importante, bien que très rare: une personne exposée à une souche virale résistante aux deux médicaments contenus dans le Truvada, le ténofovir et l'emtricitabine.

    Un médicament efficace... à quelques exceptions

    Cet homme de Toronto a eu des relations sexuelles avec une personne porteuse d'un virus résistant aux deux agents composant le Truvada, ainsi qu'à d'autres.

    «Je pense que les preuves que nous avons montrent qu'en général, la PrEP fonctionne très bien», précise à BuzzFeed News Richard Harrigan, directeur des laboratoires de recherche du Centre d'excellence sur le VIH de la Colombie britannique et l'un des chercheurs de l'étude. «Mais il y a toujours des exceptions, et nous devons le garder à l'esprit.»

    Selon Richard Harrigan, le problème apparaît car nous utilisons les mêmes médicaments pour la prévention et pour le traitement:

    «Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de chevauchement entre les médicaments utilisés, mais, pour l'instant, nous n'avons pas grand-chose d'autre dont l'efficacité a été démontrée.»

    L'homme, qui est maintenant séropositif, suit un traitement antirétroviral et sa maladie est sous contrôle.

    «Cela n'affaiblit pas le rôle important que la PrEP peut jouer»

    Harrigan a également mis en garde sur le fait qu'une souche de VIH résistante à un seul des médicaments contenus dans le Truvada pourrait réduire l'efficacité des comprimés. D'après les recherches effectuées par ce groupe, environ 10% de la population séropositive de Colombie britannique est résistante à l'emtricitabine, et environ 1% à 2% ont une résistante au ténofovir.

    «Le problème de résistance a été longuement discuté s'agissant de la PrEP», explique à BuzzFeed News Mitchell Warren, directeur de l'AVAC, un groupe de plaidoyer international pour la prévention du VIH à New York City.

    Mais il a noté, par exemple qu'aucune des 1400 personnes prenant la PrEP dans une étude en cours menée par Kaiser Permanente San Francisco n'a contracté le virus.

    «Je pense qu'il s'agit certainement d'une preuve importante qu'il nous faut comprendre», estime ce directeur. Mais si ce traitement préventif est parfois critiqué pour ses effets secondaires, parce qu'il n'empêche pas d'être contaminé par des IST ou à cause du labo qui le commercialise, Mitchell Warren «ne pense pas que cela affaiblisse le rôle important que la PrEP peut jouer».