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    Meurtre d'Alexia Daval : quand tout à coup, CNews se demande s'il «y avait une relation adultère»

    «Pourquoi l’a-t-il tuée ? Est-ce un crime passionnel ? Y'avait-il une relation adultère ? Je n’en sais rien», s'est interrogé l’ancien député Georges Fenech, désormais consultant pour CNews.

    Jonathann Daval est passé aux aveux. Il a avoué mardi le meurtre de son épouse, Alexia, retrouvée morte dans un bois en Haute-Saône en octobre 2017. Jonathann Daval a été mis en examen mardi pour «meurtre sur conjoint». Le corps d'Alexia, partiellement brûlé, avait été retrouvé dissimulé sous des branchages à quelques kilomètres du domicile du couple. L'autopsie a révélé que la jeune femme avait été victime de violences, de coups et avait été asphyxiée.

    Ces informations ont été largement commentées sur les plateaux des chaînes d'information, et notamment sur BFM-TV et CNews tout au long de la soirée mardi. Notre récit de la soirée montre à quel point les chaînes d’infos ont toujours du mal à traiter les féminicides.


    18 h 30 sur BFM-TV : « C'est à peine compréhensible »

    18 h 21 - BFM-TV passe en mode édition spéciale, quelques minutes après la conférence de presse de l'avocat de Jonathann Daval, qui a révélé le passage aux aveux de son client. Autour du présentateur Olivier Truchot, on retrouve notamment Dominique Rizet, consultant police justice de BFM-TV et Gérard Lopez, psychiatre et président de l’Institut de victimologie.

    18 h 30 - Olivier Truchot interroge Gérard Lopez sur les apparitions publiques de Jonathann Daval. «On a en mémoire ces images d'un Jonathann Daval ému, en larmes, participant à une marche blanche, participant aux obsèques auprès de ses beaux-parents, donc des parents de sa compagne Alexia Daval, en soutien. C'est à peine compréhensible», dit le journaliste de BFM-TV.

    Gérard Lopez prend la parole et admet ne pas avoir fait l'objet d'une réquisition du procureur de la République pour interroger l'époux de la victime. Il livre tout de même ses hypothèses sur le profil de Jonathann Daval, en se fondant sur «ce qu'il a cru comprendre en lisant la presse» :

    «Il y avait un rapport dominant/dominé dans ce couple, et (...) c’était Madame qui dominait. (...) Il est probable qu’il [soit] abandonnique, qu’il [ait] absolument besoin de quelqu'un pour tenir debout.»

    Gérard Lopez parle ensuite «de crime passionnel». Une expression couramment utilisée par la justice, la police et la presse française qui contribue à banaliser et excuser les violences faites aux femmes.

    Un consultant «sur les questions terroristes» sur CNews

    À la même heure, sur CNews, l’ex-député des Républicains Georges Fenech est interrogé sur le plateau de l'émission «Les Voix de l'info» animé par Sonia Mabrouk. Il est présenté comme «consultant sur les questions terroristes», mais il est en plateau pour évoquer le meurtre d’Alexia Daval. Il déclare :

    «Pourquoi l’a-t-il tuée ? Est-ce un crime passionnel ? Y'avait-il une relation adultère ? Je n’en sais rien. Donc tout ça, va falloir que ça sorte la vérité.»

    À 19 heures, c'est l'éditorialiste Ruth Elkrief qui prend les rênes de BFM-TV avec Dominique Rizet. Autour d'eux, le criminologue Alain Bauer, la magistrate honoraire Michèle Bernard-Requin, et l'avocate Delphine Meillet. Ensemble, ils spéculent sur les motivations du tueur ou sur l'issue de l'affaire. Alors que Delphine Meillet rappelle le nombre de femmes tuées par leur conjoint et parle des violence faites aux femmes, le consultant Dominique Rizet intervient.

    «Pour l’instant, il ne faut pas aller trop vite en besogne. Jonathann Daval, c’est peut-être quelqu’un… Oui, il avoue avoir tué sa femme, mais peut-être qu’il ne l’a jamais frappée, il n’a peut-être jamais porté la main sur elle», tient-il à préciser pour contester l'idée qu'il s'agirait de violences conjugales. Ruth Elkrief acquiesce :

    - Ruth Elkrief : Bien sûr, bien sûr.

    - Dominique Rizet : Il ne lui a peut-être jamais donné une gifle. Moi je pose la question, est ce qu’on est dans une affaire de violence faite aux femmes ? On est dans une affaire d’un homme qui tue sa femme, d’un conjoint qui tue son conjoint, voilà.

    - Ruth Elkrief : Bien sûr, bien sûr.

    - Delphine Meillet : Il suffit d’une grande violence qui donne la mort pour que ce soit de la violence. Il n’y a pas besoin nécessairement de violences répétées précédemment.

    - Dominique Rizet : Peut-être que c’est quelqu’un qui jusqu’ici n’avait jamais fait ça. Donc on est peut-être dans tout autre chose.

    - Ruth Elkrief : Tout à fait.

    Violence conjugale ou «frustration très grande», interroge BFM-TV

    19 h 26 - Ruth Elkrief s'interroge. Après avoir écouté la défense de l’avocat de Jonathann Daval, elle demande :

    «Est ce que c’est un cas de violences conjugales qui hélas aboutit au drame ou un meurtre de fait parce que c’est une frustration très grande qui dure pendant des années, évidemment c’est aussi la suite, c’est aussi le procès qui pourra le déterminer.»

    Deux minutes plus tard, Dominique Rizet affirme qu'il aimerait bien être l'avocat de Jonathann Daval :

    «Moi, si j’étais un avocat pénaliste, j’aimerais être l’avocat de Jonathann Daval. Parce qu’il y a dans cette affaire le meurtre d’Alexia, terrible, il y a la famille d’Alexia qui jusqu’au bout lui a fait confiance. Ça veut dire qu’il y a un homme qui, comme l’a dit l’avocat tout à l’heure, reste terriblement humain, qui dans un geste qu’il devra expliquer, a donné la mort à Alexia, sa compagne avec laquelle il faisait du marathon, qui était la femme de sa vie.

    Donc, il va y avoir derrière cela quelqu’un de terriblement humain qu’il va falloir défendre, dont il va falloir parler. On l’a vu, on a vu cet homme. On va même revoir ces images qui vont peser contre lui, mais voilà c’est le mari d’Alexia Daval qui, jusqu’au bout, a eu la confiance de sa famille.»

    19 h 40 - Du côté de CNews, Laurence Ferrari prend le relais de Sonia Mabrouk avec l'émission «Punchline». Georges Fenech est toujours présent sur le plateau, mais il est cette fois-ci présenté comme «spécialiste des affaires judiciaires CNews»... Il reprend l'expression de «crime passionnel».

    19 h 51 - Sur BFM, pour bien insister, Ruth Elkrief répète que même s'il s'agit d'un homme qui vient d'avouer avoir tué sa femme, rien ne dit qu'il s'agit de «violence faite aux femmes» : «Encore une fois dans cette affaire, on verra si c’est à classer dans cette catégorie [de violences faites aux femmes], on n'a pas d’information sur les actes précédents, mais c’est aussi objectivement un conjoint qui a tué sa femme et qui aurait dissimulé, qui a avoué ce soir...»

    20 heures - Dix minutes plus tard, on évoque cet «homme dévasté, rongé par le remord», qui a finalement avoué avoir tué sa femme.

    Sur France 2, “c’est un homme dévasté, rongé par le remords qui est passé aux aveux”.

    La secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes a réagi dans les médias et sur Twitter à cette affaire et fustigé le rôle des médias dans le traitement de la défense de l'époux de Alexia Daval :

    « Je ne rentre pas dans cette affaire judiciaire, je lutte contre la banalisation des violences conjugales: ça suff… https://t.co/qnUmddQLE5