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François Hollande et le mariage pour tous : «Si j’ai un regret, c’est d’avoir laissé le débat durer trop longtemps»

À l'occasion du 5e anniversaire de l'adoption de la loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, l'ancien chef de l'État revient pour BuzzFeed sur cette loi historique, les débats qu'elle a suscités et son recul sur la PMA.

On a rendez-vous dans ses bureaux de la rue de Rivoli. Un bel appartement baigné de lumière --petites moulures, joli parquet-- avec vue sur tout Paris. François Hollande entre en coup de vent. Il est entouré de gardes du corps, il ne nous a pas vu, il lance à ses assistantes: «Ça sent le pain grillé !»

Dans l'entrée, des employés de Matignon réparent une lampe. Un vélo est garé dans un couloir. Sorti d'on ne sait où, Michel Sapin, passe une tête, sans cravate, sourire bonhomme, les mains dans les poches. On le salue : «On vient parler de la loi sur le mariage pour tous». «Ah ! Au moins une mesure qu’on ne nous dispute pas», lâche-t-il, avant de disparaître. Quelques minutes plus tard, François Hollande arrive pour sa seule interview consacrée aux 5 ans du mariage pour tous.

[L'interview ci-dessous a été relue et amendée sur des points de détails par François Hollande]


BuzzFeed News : En arrivant, nous avons croisé Michel Sapin qui nous a déclaré au sujet du mariage pour tous : «Voici au moins une mesure qu’on ne nous dispute pas.» Vous partagez sa vision des choses ?

François Hollande : C’est une réforme dont on a beaucoup discuté, et je n’ai jamais considéré qu’il serait simple de la faire adopter. Je savais en 2012 qu’il y avait des individus, des groupes qui refusaient l’idée du mariage pour des couples homosexuels et encore davantage l’adoption. Je savais donc qu’il faudrait nécessairement convaincre.

«Cinq ans après, qui remet en cause le mariage pour tous et l’adoption pour les couples homos ?»

Ce fut une bataille parlementaire, une bataille médiatique et politique d’envergure. Ce qui est intéressant dans une réforme, ce ne sont pas tant les conditions qui ont présidé à son adoption que son caractère irréversible. Un grand acte de transformation ne se juge pas à ce qu’il a provoqué comme fracas, mais à ce qu’il suscite ensuite comme consensus. Et aujourd’hui, cinq ans après, qui remet véritablement en cause le mariage pour tous et l’adoption pour les couples homosexuels ?

Le 23 avril 2013, il y a tout juste 5 ans, le mariage pour tous était adopté à l’Assemblée. Connaissez-vous dans votre entourage des couples homosexuels qui se sont mariés ? Avez-vous assisté à un mariage ?

Oui, j’ai autour de moi des couples homosexuels, hétérosexuels, dont certains sont mariés, d’autres pas. J’ai même assisté à un mariage posthume entre deux hommes, le policier Xavier Jugelé qui avait été tué sur les Champs-Élysées et son conjoint qui avait prononcé ce discours admirable et émouvant dans la cour de la préfecture de police. J’avais signé un décret qui permettait de les unir.

Dans votre ouvrage Les Leçons du pouvoir (Stock, 2018), vous racontez cette anecdote au sujet d’un contrôleur de la SNCF : «Il y a quelques semaines, alors que je descends d’un train, j’entends un contrôleur sur le quai me lancer un sonore "Merci Hollande". Je me retourne, il me montre son alliance. Nous parlons : il vient de se marier avec son compagnon et me témoigne sa gratitude.» Vous avez souvent des signes de reconnaissance de ce type ?

Oui, beaucoup. De la reconnaissance de la part de ceux qui se sont mariés ou qui ne se sont pas mariés d’ailleurs, mais qui ont eu cette fierté après tant de périodes difficiles, de discriminations, voire même d'agressions. Il était temps que la République les regarde pour ce qu’ils sont, des femmes et des hommes qui peuvent vivre leur amour non seulement librement, mais officiellement.

Lorsque vous repensez à tout ce qui s’est passé il y a cinq ans au moment de l’adoption de la loi, quelle est la première image qui vous vient à l’esprit ?

Le premier couple qui s'est marié. C’est cette image-là que je revois. Et puis il y a les larmes de Christiane Taubira [la ministre de la Justice de l'époque] à l’Assemblée nationale, entourée de députés qui savaient à quel point ce moment était historique.

«Au Parlement, il y a eu des manœuvres d’obstruction qui ont tendu les relations dans le pays plutôt que de les apaiser.»

Justement, retournons cinq ans en arrière. Le pays est divisé et les slogans très durs de La Manif pour tous s’affichent au grand jour. Est-ce que vous avez tout fait pour dévitaliser le camp réactionnaire ? Est-ce qu’il n’y a pas eu pour vous un intérêt politique à cliver, à avoir une opposition puissante pour mieux rassembler les forces de gauche autour de vous ?

Non, il n’y avait pas de calcul politique de ma part. Je prônais l'apaisement, la réconciliation et l’unité. C’était ma responsabilité en tant que président de la République. J’ai même dialogué avec des représentants de La Manif pour tous (LMPT) qui sont venus à l'Élysée. Je rappelle cette rencontre dans mon livre lorsque Frigide Barjot [l'une des meneuses de LMPT] et deux autres personnes sont venues pour me demander de retirer le texte ou de concéder un compromis. Mais lequel ? Faire un demi-mariage ou une demi-adoption !

Et si j’ai parfois eu un regret, c’est d’avoir laissé le débat durer trop longtemps, presque un an. Autant il était légitime dans la société d’entendre toutes les sensibilités, autant au Parlement il y a eu des manœuvres d’obstruction et de retardement qui ont tendu les relations dans le pays plutôt que de les apaiser.

En novembre 2012, alors que le projet de loi devait être examiné par le Parlement deux mois après, vous invoquez une «liberté de conscience» pour les maires qui refuseraient de célébrer des mariages entre personnes du même sexe. Vous avez par la suite retiré cette expression après le tollé suscité. Reconnaissez-vous aujourd’hui avoir été trop timoré ?

L’expression n’était pas heureuse, mais il s’agissait de dire que si un maire ne veut pas lui-même célébrer un mariage, il doit demander à un conseiller municipal ou un délégué de le faire à sa place. Nul n’obligeait un maire en tant que tel, en tant que personne, à le faire. Mais il était néanmoins obligé de prévoir l’organisation du mariage. La formule n’était pas la bonne, mais l’idée était bien celle-là.

Yohann Roszéwitch, ancien président de SOS-Homophobie, souhaitait vous poser cette question : «Face à la libération de la parole homophobe, ne regrettez-vous pas de ne pas avoir soutenu plus fortement la loi, publiquement, par un discours fort comme vous l’aviez fait à la fin de votre quinquennat face aux associations LGBT ?»

Comme chef de l’État je n’étais pas présent pendant le débat parlementaire, ce qui est d’ailleurs un des problèmes de nos institutions. Le président de la République n'est pas le chef de la majorité au sein de l’Assemblée nationale. C’était donc au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et à la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, de mener le débat et de défendre le texte.

Mais tout au long de cette période, je n’ai cessé de rappeler quel était l’esprit de la loi, une loi qui n'enlève aucun droit à personne tout en accordant une liberté nouvelle à d’autres. Une loi qui ne prive personne d’une situation acquise, mais qui élargit à tous cette possibilité du mariage et de l’adoption. Et j’insiste bien sur les deux parce qu’une partie de la droite est encore aujourd’hui réservée sur la question de l’adoption.

Concernant les discours, j’en ai prononcé beaucoup, et pas seulement en recevant les associations LGBT. Le jour où la loi a été votée et adoptée, j’ai exprimé très officiellement la fierté que nous pouvions tous ressentir de vivre une étape nouvelle de la conquête des droits.

Mais est-ce qu’il ne manquait pas un discours de cette sorte, plus tôt, pour faire avancer les choses un peu plus vite ?

Non, face aux blocages mes efforts de convictions pesaient peu, et ce n’est pas avec un discours de plus que j’aurais ramené sur ma position ceux qui défilaient pour LMPT. Aucun argument alors ne pouvait emporter leur adhésion. C’est la loi de la République qui a arrêté ce mouvement. Ça ne veut pas dire que les convictions ont été effacées, mais c’est le progrès qui a prévalu.

«Christiane Taubira ne s’était pas particulièrement avancée sur la question du mariage avant d’entrer au gouvernement.» 

Avec cette loi, Christiane Taubira est devenue une icône de la gauche. Mais on oublie trop vite Dominique Bertinotti qui a été l’une des premières à porter ce projet et qui a même cosigné la loi. N’est-elle pas la grande oubliée de cette histoire ? Pourquoi ne pas l’avoir mentionnée dans votre livre ?

Christiane Taubira ne s’était pas particulièrement avancée sur la question du mariage avant d’entrer au gouvernement. Elle y était favorable, tout en sachant que dans les départements d’outre-mer, cette question était âprement débattue. Elle s’en est saisie parce que c’était une réforme du code civil et qu’en tant que garde des Sceaux, elle en avait la responsabilité. Ensuite, elle s’est elle-même pleinement investie avec Dominique Bertinotti, ministre des Familles qui l’a accompagnée tout au long du débat.

Christiane Taubira a été admirable de courage et de force de conviction. Elle a pris énormément de coups. Elle a subi le racisme et le sexisme. N’oublions pas qu’elle était assimilée dans certaines publications à des caricatures odieuses. Il faut se rendre compte de ce qu’a été l’agressivité des opposants au mariage.

Elle a été suffisamment soutenue à ce moment-là ?

Jamais assez par le pays. Mais toujours par le gouvernement et la majorité de l’époque. Je n’ai pas manqué à chaque fois de dénoncer la gravité des actes qui étaient commis à son encontre, et demandé que ces agissements soient punis par la loi.

Vous arrive-t-il de la revoir ?

Je l’ai revue plusieurs fois, notamment au théâtre. Elle ne jouait pas mais elle aurait pu (rires). Elle a récité des textes au Festival d’Avignon. C’est une personnalité rare qui montre que politique et culture sont intimement liés.

«Je n’ai pas compris pourquoi [Macron] avait utilisé cette formule. Il n’y a pas de famille homosexuelle, il y a des couples.»

Votre successeur, Emmanuel Macron, a salué il y a quelques jours devant la Conférence des évêques de France les «associations catholiques et les prêtres» qui «accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles». Sa formulation a choqué les associations LGBT.
Est-ce qu’elle vous a choqué, vous ?

Qu’il y ait des associations catholiques qui fassent un travail social et humain, c'est incontestable. Mais je n’ai pas compris pourquoi il avait utilisé cette formule. Il n’y a pas de famille homosexuelle, il y a des couples. Je pense que c’était une erreur d’expression parce que lui-même s’est engagé sur la procréation médicalement assistée (PMA). Et je ne doute pas qu’il mènera cette réforme.

Pendant votre campagne présidentielle, vous vous étiez engagé dans des interviews à ouvrir la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes seules. Et finalement vous avez reculé. Pourquoi ? Par peur «d’alimenter la propagande des opposants au mariage pour tous», comme vous l’écrivez ? Par manque de courage ? Ou parce que, plus simplement, ce n’est pas vraiment au cœur de vos convictions ?

Il y avait déjà une opposition forte au mariage et à l’adoption, et se propageait l’idée que nous préparions la gestation pour autrui (GPA). Je voyais bien qu’on voulait confondre une réforme du code civil avec l’évolution nécessaire des lois bioéthiques. Il ne pouvait pas y avoir deux textes en discussion en même temps, l'un sur le droit, et un autre sur la procréation. J’ai préféré demander un avis au Comité national d’éthique qui, avec retard, l’a donné.

Mais j’ai regretté qu’on ne puisse pas, à la fin du quinquennat, aller dans cette direction parce que ce qui se passe aujourd’hui est une hypocrisie. Bien sûr, des couples de lesbiennes peuvent avoir des enfants, sauf qu’elles sont obligées d’aller en Belgique ou en Espagne, dans des conditions qui ne pas sont respectueuses et qui se révèlent onéreuses. Car si notre droit reconnaît ses enfants, on ne permet pas qu’ils puissent être conçus en France.

La PMA ? « j’aurais dû aussi franchir cette étape »

De plus en plus de femmes ont recours à la PMA...

Exactement. Quand j’ai rencontré des femmes qui m’ont d’abord remercié pour le mariage et l’adoption, mais qui m’ont dit qu’elles avaient trouvé une réponse hors de France, je me suis dit que j’aurais dû aussi franchir cette étape.

Qu’est-ce que vous souhaitez dire aux femmes qui tous les jours, parce que vous n’avez pas été au bout de votre promesse, doivent aller en Belgique ou en Espagne pour avoir recours à la PMA ?

Que c’est inéluctable, et que si elles n’ont pas eu cette facilité, elles doivent se battre pour que les générations suivantes puissent l’avoir.

Dans la seconde moitié de votre quinquennat, il y avait un rapport de force entre certains membres du gouvernement, comme la ministre des Familles et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, qui étaient favorable à la PMA, et d'autres, comme le Premier ministre, Manuel Valls, qui étaient contre. Cette décision de ne pas faire la PMA, c’est aussi une conséquence de l'arrivée de Manuel Valls à Matignon ?

Non, pas du tout. Ce sujet n’avait pas été évoqué. Avec Jean-Marc Ayrault, nous avions convenu ensemble de nous arrêter-là parce que je ne voulais pas de nouveau offrir à tous ceux qui nous avaient combattus sur le mariage l’occasion de repartir dans la rue. Je l’ai fait dans le souci de reprendre notre souffle, et je crois que nous en avions besoin.

On pense que les choses se font toutes seules et que le président de la
République trouvera bien la manière de respecter son engagement. Mais c’est
oublier que toute bataille démocratique suppose de la mobilisation citoyenne, et
je veux rendre hommage à toutes les associations qui, depuis des années, se sont
battues pour les droits des homosexuels. Parce que s’il n’y avait pas eu cet
engagement, il n’y aurait pas eu la loi sur le pacs, puis sur le mariage pour
tous. Parce qu’une fois que le combat a été remporté, on imagine que le progrès
s’est produit mécaniquement. Or, il a fallu que des militants se mettent en
mouvement.

Lors de son discours d’investiture en 2013, l'ancien président américain Barack Obama avait appelé à défendre les droits des homosexuels. En France, les droits des LGBT sont quasi-absents des grands discours présidentiels, pourquoi ne pas en avoir prononcé un, alors même que le mariage pour tous a libéré une parole homophobe ?

Il y a de grands discours qui ne donnent pas nécessairement des actes forts. Est-ce que le mariage homosexuel a été décidé pour l’ensemble des États-Unis ? Non. [En juin 2015, la Cour suprême américaine a légalisé le mariage homosexuel, dans tous les États.]

Est-ce qu’il y a eu des lois pour protéger les homosexuels des discriminations comme en France ? Non. Attention à toujours exalter de belles formules qui font plaisir au moment où on les entend, et dont les traductions, ensuite, peuvent se perdre en chemin.

Je rappelle ce que j’ai fait pour les personnes transgenres comme sur les
droits sociaux des jeunes homosexuels discriminés et rejetés par leurs
familles. Ça fait partie de ce que nous devons faire, étape par étape, sans
pour autant le produire par des éclats de voix.

Des couples de lesbiennes ou des femmes seules se rendent à l’étranger pour la PMA, des couples homosexuels vont aux États-Unis pour avoir recours à la GPA. On a l’impression que la France craint le changement. Comment expliquez-vous tant de retard et de latence ?

Je suis heureux que vous ayez cette vision-là de la France, mais notre société n’est pas aussi homogène que vous le laissez penser. Elle peut être divisée et elle l’a été, elle l'est encore, facturée et taraudée par des thèses qui sont celles de l'extrême droite ou des milieux traditionalistes. C’est vrai qu’il y a une avant-garde qui, quelque fois, va plus vite que les représentants de la nation. Mais il faut être conscient que la France a été l’un des premiers pays au monde à adopter une loi sur le mariage et l‘adoption, et que ce n’a pas été si simple à obtenir. Il y a une partie de la société qui va vite, une autre qui peut hélas régresser, et c’est le rôle de la politique de faire apparaître que le progrès se fait par étape. Car sur ces sujets-là, il n’y a que des avancées.

«La prochaine évolution, sera tout ce qui se rapportera à la liberté et à la dignité des femmes, la PMA»

La procréation va être de plus en plus dissociée du couple et de l'acte sexuel. Est-ce que les politiques parlent suffisamment de ces changements aux Français ?

Les Français s’y intéressent beaucoup, car c’est un sujet personnel. La procréation, la volonté de faire des enfants ou d’en adopter, le souci de constituer une famille... Toutes ces questions sont très présentes dans les discussions entre individus ou au sein des familles. Les lois de bioéthique sont faites précisément pour ouvrir de larges débats.

Je l’ai fait, par exemple, sur le droit de mourir dans la dignité. Et sur la question de la PMA qui ne doit pas être confondue avec la GPA. Là, il y a des sujets lourds, car il s’agit du droit de l’enfant que j’ai veillé à faire reconnaître. La justice a autorisé que les enfants nés avec une GPA puissent être admis non seulement sur le territoire mais inscrits sur l’état civil des parents.

Êtes-vous toujours opposé à la GPA aujourd’hui ?

J’y suis opposé pour des raisons qui tiennent à la question de la mère porteuse, à la marchandisation des corps.

Vous n’avez aucun doute sur sur cette question ?

Non.

Dans votre ouvrage, vous écrivez au sujet du mariage pour tous que ce «serait, en quelque sorte, l’équivalent de l’abolition de la peine de mort»...

J’avais fait cette référence lors d’une rencontre avec des journalistes de Libération qui me demandaient, avant la présidentielle de 2012, ce qu’allait être la grande réforme de société de mon quinquennat. Je leur réponds donc le mariage pour tous et l’adoption.

Et je sens une forme d’ironie. Pourtant je savais bien que nous allions vers une confrontation beaucoup plus lourde que pour l’abolition de la peine de mort, avec des sensibilités beaucoup plus affirmées, avec le poids des religions, avec l’instrumentalisation des convictions et de la foi, avec les peurs dans certains quartiers, avec la confusion avec la prétendue théorie du genre, etc.

Aujourd’hui, on pense que c’était très simple de parvenir à ce résultat. Mais la peine de mort est encore appliquée aux États-Unis et dans bon nombre de pays. Nous avons toujours une mémoire un peu fragile. Nous ne nous rendons jamais compte que toute évolution a été en définitive une forme de révolution.

Vous mettez ces deux lois sur le même plan ?

Elles sont de nature différente. Mais elles montrent combien il est possible de faire avancer la conscience humaine. Ce n’est pas sur ce sujet que les Français me jugeront. Il y a d’autres questions qui, pour beaucoup, étaient essentielles, comme l’emploi, le pouvoir d’achat, la capacité de vivre ensemble. Et puis nous avons été confrontés aux attentats. Je pense que cette réforme sera reconnue comme une grande loi de la République. Je ne veux pas qu’on la rapporte seulement à un quinquennat. C’était la victoire de tous ceux qui hier, très minoritaires, avaient porté cette espérance.

Après les congés payés, l’abolition de la peine de mort, le mariage pour tous, quelle sera la prochaine grande avancée de gauche qu’il faudra prendre dans le pays ?

La possibilité de mettre fin à ses jours de manière accompagnée lorsqu’une fatalité pèse à cause d’une maladie incurable ou d’une douleur insupportable. Je veux rappeler aussi le droit à l’oubli qu’il était très important d’introduire pour les personnes qui avaient été victime du cancer ou qui portent le VIH. Je pense que la prochaine évolution, sera tout ce qui se rapportera à la liberté et à la dignité des femmes, et notamment la PMA.