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    Spy, Vice Versa, Mustang: trois films qu'il faut aller voir à la place de Jurassic World

    Rares sont les films qui comprennent avec autant de justesse ce que c'est que grandir et être une femme.

    Spy de Paul Feig

    Après sa performance culte dans Mes Meilleures Amies, Melissa McCarthy est longtemps restée cantonnée au même rôle: celui d'une femme légèrement bête et vulgaire mais incroyablement sûre d'elle, tout ça malgré sa gaucherie et son physique imposant. Que ce soit dans Arnaque à la carte, Les Flingueuses ou ses apparitions répétées dans l'émission Saturday Night Live, la blague était toujours la même: avoir confiance en soi, être belle ou raffinée alors qu'on est grosse, cela relève du déni, et c'est donc forcément comique. Heureusement, le réalisateur Paul Feig est assez intelligent pour comprendre tout le génie et la valeur de son actrice fétiche, et lui permet enfin de changer (un peu) de registre. Résultat: Spy est l'un des films les plus hilarants qu'on ait vu cette année, une succession jubilatoire de scènes d'action et de répliques instantanément cultes. Mais c'est aussi un film au féminisme absolument jouissif qui déjoue habilement tous les clichés du genre.

    Dans cette parodie rocambolesque de films d'espions, Melissa McCarthy joue une analyste de la CIA effacée et peu confiante en elle. Elle craque sur son collègue, le fringant Bradley Fine (Jude Law) qu'elle assiste par oreillette dans ses missions, même s'il la rabaisse constamment. Car malheureusement, Bradley voit Susan comme Hollywood voit toutes les femmes grosses de 40 ans: faibles, peu raffinées et légèrement pathétiques. Même Susan, à force d'être perçue comme telle, a fini par adhérer au rôle qu'on lui colle, et se croit beaucoup plus insignifiante qu'elle ne l'est en réalité.

    Mais lorsqu'on lui propose de partir en mission de repérage, sur le terrain, une autre facette de sa personnalité se réveille: casse-cou, pleine de répartie, et beaucoup (beaucoup beaucoup) plus douée qu'on ne le croyait en techniques de combat. Paul Feig continue de jouer sur le physique de Melissa McCarthy, mais la blague n'est plus la même. Alors que Susan ne se voit attribuer que des rôles de femme à chat et de «tante homophobe» en t-shirt moche, elle sait parfaitement -et le public avec elle- qu'elle vaut mieux que ça. Ultime revanche d'une femme constamment sous-estimée, Spy offre enfin à Melissa McCarthy le rôle qu'elle était faite pour jouer - et prouve à Hollywood que les cascades en hélicoptère aux quatre coins du monde ne sont pas réservées qu'aux mâles lisses et bodybuildés. Jason Statham, le beau mâle en question, est ici relégué au rôle de side-kick comique, dans une surenchère d'arrogance et de confiance en soi complètement démesurée, malgré son incompétence flagrante. Ça ne vous rappelle rien?

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    Vice Versa de Pete Docter

    Peu de films récents ont compris avec autant de justesse le bouleversement majeur de l'adolescence, cette étape de vie déroutante que nous avons tous traversé avec plus ou moins de facilité. Une grande partie de l'action de Vice Versa se déroule dans l'esprit d'une enfant de 11 ans, déboussolée après avoir dû déménager et quitter tous ses amis. Dans la tête de Riley, cinq émotions, Joie, Colère, Dégoût, Peur et Tristesse, guident les réactions et les émotions de la jeune fille à l'aide de manettes et de boutons. Mais lorsque le déménagement provoque chez Riley des bouleversements émotionnels jusqu'alors inédits, c'est la panique à bord. Le concept, inspiré par le passage à l'adolescence de la propre fille de Pete Docter, est ingénieux, et étonamment ambitieux et complexe pour un film familial.

    Car Vice Versa n'est pas seulement une comédie parfaitement réussie, parsemée de blagues mordantes sur la nature humaine – comme cet agent d'entretien du cerveau de Riley qui confond toujours les cartons «faits» et «opinions». C'est aussi une analyse fascinante du fonctionnement de nos émotions, et un regard remarquablement juste sur l'angoisse profonde et solitaire que peut ressentir une enfant lorsqu'elle grandit.

    La leçon du film, qui veut que pour être heureux-se, il faut d'abord s'autoriser à être triste, est si bouleversante de simplicité qu'on imaginerait volontiers le film enseigné dans les écoles. Une chose est sûre, Vice Versa frappe juste et fort, et vous laissera sans doute en larmes.

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    Mustang de Deniz Gamze Ergüven

    Grandir, quand on est une femme, c'est aussi s'exposer pour la première fois au regard moralisateur d'une certaine société, et chercher les moyens par lesquels s'en affranchir.

    Après le succès retentissant du mal-nommé Mad Max (dominé par des personnages féminins badass), cette semaine marque la sortie d'un autre film acclamé à Cannes: Mustang, émouvante ode à l'émancipation féminine. On y suit les mésaventures de cinq sœurs turques, prisonnières de la maison de leurs grands-parents afin de préserver leur virginité. Elles sont jeunes, intrépides et sublimes, et leurs jambes et mèches de cheveux interminables, féminité exacerbée, représentent tout ce que la société dans laquelle elles évoluent tente de dompter. Chacune à leur façon, elles vont se révolter contre les règles archaïques qu'on tente de leur imposer.

    Si le film a rapidement hérité du surnom de «Virgin Suicides turc», sa dimension politique et très actuelle le sépare assez facilement de celui de Sofia Coppola. Mais malgré la noirceur du propos, il s'émane de Mustang une immense fraîcheur, et un désir de liberté contagieux. À travers ce conte doux-amer, Deniz Gamze Ergüven nous rappelle qu'on a beau être en 2015, de nombreux progrès sont encore à faire en matière de mœurs.

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