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    Non, une jupe «trop longue» n'est pas une atteinte à la laïcité

    Sarah 15 ans, n'a pas été admise dans son collège des Ardennes à deux reprises à cause de sa tenue vestimentaire, selon L'Ardennais. Ce n'est pas la première fois que la loi de 2004 est interprétée de manière abusive.

    Sarah, 15 ans, s'est vue refuser l'accès à son collège vu le «caractère religieux manifeste» de sa longue jupe noire.

    Le journal L'Ardennais raconte ce mardi que cette élève du collège Léo-Lagrange, à Charleville-Mézières (Ardennes), a été renvoyée deux fois chez elle les 16 et 25 avril derniers. Motif: sa tenue ne respecterait pas la loi sur la laïcité à l'école, selon la principale de l'établissement, Maryse Dubois.

    L'adolescente porte le voile «depuis un an», précise le journal. Mais elle explique à L'Ardennais accepter de l'enlever pour aller au collège, comme le veut la loi sur la laïcité à l'école de 2004. Elle et sa famille ne comprennent en revanche pas la décision de l'établissement de refuser une tenue achetée «chez Kiabi, pour deux euros».

    Vous estimerez, en l'argumentant, le degré d'ostentation de ces jupes. Vous avez 2h. #JePorteMaJupeCommeJeVeux

    Cette robe est un signe religieux, juge la principale de l'établissement.

    Elle écrit, dans un courrier envoyé le 24 avril dernier aux parents de Sarah cité par le journal local, qu'il s'agit d'une «jupe dont le caractère religieux est manifeste». Elle demande donc de «faire rectifier la tenue vestimentaire de la jeune fille si vous souhaitez qu'elle poursuive sa scolarité au collège».

    Le Directeur académique Patrice Dutot est du même avis. Il estime dans L'Ardennais que ces longues jupes représentent un «coup de canif dans la laïcité» et plaide pour la «nécessité de se vêtir de manière neutre». Il affirme par ailleurs avoir eu connaissance d'autres cas de ce type.

    Nous avons en effet retrouvé traces de cas où des jupes ont été jugées religieuses parce que trop longues ces dernières années, notamment à Montpellier, dans le Val-d'Oise ou en Seine-Saint-Denis.

    Contactés par BuzzFeed France, le rectorat de Reims et le collège concerné n'ont pas donné suite à nos sollicitations pour l'heure.

    Dans un communiqué publié ce jeudi soir, le rectorat de Reims indique qu'«aucun élève n'a été exclu» –sans préciser si des élèves ont été renvoyés chez eux pour se changer, comme l'affirme L'Ardennais pour le cas de Sarah. Le courrier envoyé à la famille relèverait d'une «invitation au dialogue», précise-t-on.

    S'agit-il d'une interprétation valide de la loi sur la laïcité?

    Nicolas Cadène est rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre. Contacté par BuzzFeed France, il remet cette situation en perspective. «Ce que dit la loi de 2004 c'est que les signes et tenues qui sont portés pour revendiquer une appartenance religieuse sont interdits, rappelle-t-il. On pense évidemment au voile, à la kippa, à une grande croix, à un turban sikh ou une tenue de moine bouddhiste énumère-t-il. Une jupe noire ne contrevient donc pas à la loi à priori.»

    Il ne faut pas entrer dans un tel débat, sinon on entre dans une forme de police vestimentaire. Soit c'est clairement religieux, soit ça ne l'est pas et il faut alors se concentrer sur les comportements de l'élève. La vraie question c'est de savoir si cela perturbe les enseignements ou non. Par exemple si l'élève accepte de porter une tenue appropriée pour faire du sport ou pour suivre certains enseignements de chimie ou de SVT. Ou s'il refuse de suivre certains enseignements à cause de son appartenance religieuse.

    Une simple jupe longue ne suffit donc pas, à elle seule, à justifier une interdiction d'entrer dans son collège, selon Nicolas Cadène.

    Ce dernier conseille aux parents d'élèves qui se sentiraient victimes d'une injustice dans une situation de se tourner vers les délégués des parents d'élèves et, si les discussions n'aboutissent pas, vers le référent laïcité de l'académie ou vers le rectorat.

    Cette histoire a fait réagir de nombreux internautes. Ils expriment leur désaccord avec la décision du collège sur Twitter sous le hashtag #JePorteMaJupeCommeJeVeux.

    Vive les Jupes longues, courtes, mi-longues, mi-courtes, avec ou sans collants, foutez la paix aux écolières! #jeportemajupecommejeveux

    Trop courte, tu te fais cracher dessus. Trop longue, tu te fais renvoyer du bahut. #JePorteMaJupeCommeJeVeux Foutez-nous la paix bordel !

    #JePorteMaJupeCommeJeVeux longue, courte, avec/sans collants. C'est pas le problème de l'État de se mêler de ce qu'on porte.

    Photo de une: Jupe longue noire Kiabi

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    Ajout d'une citation du communiqué du rectorat diffusé jeudi soir.