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    Le jour où un post Facebook sur les migrants a créé la panique en Picardie

    Plusieurs villages ont pris peur après la diffusion sur Facebook d'un message annonçant l'arrivée de «2000 migrants». BuzzFeed France est remonté à la source de la rumeur.

    Mercredi 16 septembre, un homme publie un signalement alarmiste sur Facebook. Selon lui, «2000 migrants sont arrivés à Abbeville», dans la Somme, et se dirigent désormais vers des communes aux alentours, avec l'intention de voler leurs habitants.

    Le message est rapidement devenu viral: plus de 4000 personnes l'ont partagé en quelques heures. Dans les commentaires, des habitants écrivent avoir aperçu des migrants eux aussi.

    Et pourtant, la préfecture de la Somme et la mairie d'Abbeville sont formelles: il n'y a pas eu d'arrivée massive de réfugiés à Abbeville en ce mois de septembre, nous explique-t-on.

    Il faudra attendre la publication d'un article du Courrier Picard le jeudi 17 septembre pour que la rumeur commence à désenfler.

    Quelques heures plus tard, l'auteur du statut finira même par le supprimer.

    Selon le cabinet du maire d'Abbeville, la psychose a plutôt épargné sa ville. La rumeur a en fait surtout circulé à quelques kilomètres au Nord, aux alentours des villages de Froyelles et Le Boisle.

    Bella Toutain-Hecquet, la maire -sans étiquette- du petit village de Froyelles (environ 100 habitants), n'était pas sur place au moment où la rumeur s'est propagée. Elle nous confie néanmoins que son portable a sonné plusieurs fois ce jour-là:

    «On m'a dit qu'un petit groupe commençait à circuler sur la départementale 928, en direction de Calais. Il y a eu un vent de panique, ça a circulé très vite. C'est parti comme ça, je ne sais pas qui a lancé ça ni sur quel fondement.»

    BuzzFeed France a retrouvé Jonathan, l'auteur du post Facebook à l'origine de la rumeur. Voici sa version des faits:

    «Un ami agriculteur m'a appelé en disant qu'il y avait 2000 migrants arrivés à Abbeville et une vingtaine vers chez lui, à Froyelles. Il m'a dit que certains ont essayé de lui voler des pommes. Moi, j'habite à le Boisle et j'ai partagé l'information pour dire aux gens de se protéger. C'était une question de sécurité.»

    L'agriculteur en question a nuancé cette version lorsque nous l'avons contacté. Selon lui, des migrants se sont bien introduits dans sa propriété, mais «ce n'est pas grave. Je n'en veux pas à ces gens là, ils meurent de faim donc s'ils me volent quatre pommes ce n'est pas bien grave...»

    Quant aux chiffres de «2000 migrants arrivés à Abbeville», il explique que c'est une information basée sur les dires d'un ami de la coopérative agricole, qui a affirmé que l'hôtel de Formule 1 à côté de l'autoroute A16 avaient été réquisitionné pour accueillir des réfugiés.

    Information démentie par l'hôtel Formule 1, qui assure que «seules 26 chambres sont actuellement occupées, majoritairement par des ouvriers». Près de quarante autres chambres restent libres, et il est tout à fait possible de les réserver.

    Bernard Poiteaux, adjoint à la maire de Froyelles, a expliqué au Courrier Picard avoir bien rencontré un groupe de migrants dans sa commune:

    «La gendarmerie les a contrôlés, ils étaient en règle. Je leur ai apporté des biscuits et des pommes. Ils ont forcé une barrière pour ramasser des pommes dans un pré, mais ils meurent de faim…»

    La préfecture de la Somme nous confirme qu'il y a eu «des passages de petits groupes qui transitent vers Calais» ces derniers jours. Elle a également ouvert une boîte mail pour répondre aux questions des citoyens et des élus: ddcs-accueil-refugies80@somme.gouv.fr.

    Selon Google Maps, il faut environ 24 heures de marche pour remonter d'Abbeville à Calais via cet itinéraire.

    Jonathan a lui aussi aperçu des groupes de migrants, de «trois à cinq personnes», passer près de chez lui, sans qu'ils ne posent le moindre problème.

    «J'ai été surpris que ça prenne autant d'ampleur. Les gens m'ont traité de menteur et de raciste alors j'ai fini par supprimer le poste Facebook. Mais je tiens à dire qu'il n'y avait aucun message politique dans ce que j'ai écrit.»

    La mairie d'Abbeville, elle, s'est clairement positionnée en faveur de l'accueil des réfugiés. Mais le cabinet du maire nous précise que loin des 2000 arrivées évoquées par la rumeur, il ne devrait s'agir que de «deux ou trois familles».

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    Update

    Ajout des réponses de l'agriculteur cité par Jonathan, l'auteur du statut Facebook.