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    Le «jour de libération fiscale» ou la fête des anti-impôts

    Un think tank libéral dit que les Français ont travaillé jusqu'à ce 29 juillet «pour financer les dépenses publiques». Une présentation trompeuse.

    Pour certains, ce mercredi 29 juillet est une journée plus que spéciale. Elle est en effet synonyme de «libération fiscale».

    «Enfin libres!», crie le think thank libéral Contribuables associés, qui dénonce «l'oppression fiscale».

    «Overdose fiscale», s'insurge Le Figaro dans un éditorial.

    Le «jour de libération» fiscale est un concept inventé par un think-tank libéral, l'institut économique Molinari, qu'il renouvelle chaque année depuis 2010.

    Concrètement, l'Institut Molinari additionne «les charges sociales patronales, les charges sociales salariales, l'impôt sur le revenu et la TVA» des contribuables.

    Il calcule ensuite la part de ce total par rapport au «salaire complet du salarié moyen». Ce chiffre, aussi appelé «super brut», est purement théorique: c'est le revenu qu'un salarié percevrait s'il ne payait aucun impôt.

    L'institut Molinari traduit ensuite ce pourcentage en une date. Plus les charges sont élevées dans un pays, plus le «jour de libération fiscale» arrive tard dans l'année.

    L'étude porte sur tous les pays d'Europe. En France, c'est donc le 29 juillet. Il n'y a qu'en Belgique que l'échéance arrive plus tard, le 6 août. À Chypre, c'est le 31 mars. Au Royaume-Uni, le 9 mai. En Allemagne, le 10 juillet.

    Attention: présenter le «jour de libération fiscale» comme «le jour à partir duquel les Français arrêtent de travailler pour l'État est en réalité trompeur pour plusieurs raisons.

    1. «La très grande majorité des prélèvements est immédiatement réinjectée dans l'économie», comme l'explique Libération. Subventions aux entreprises, aides sociales, assurance maladie... Les impôts ne font pas que plomber le budget des contribuables: ils permettent aussi de prendre en charge certaines de leurs dépenses.

    2. Ce calcul est une moyenne. «Or, lorsqu'on parle de fiscalité, une moyenne ne reflète pas les écarts qui existent généralement en fonction des revenus», relève Le Monde.

    3. Le calcul intègre les cotisations patronales aux impôts que paye le contribuable, ce qui est discutable.

    4. La comparaison est faussée par les différences qui existent entre les systèmes de protection sociale et les politiques publiques des différents pays étudiés. Par exemple, le contribuable allemand a des prélèvements obligatoires moins importants, mais il paie à la place des contributions à des organismes privés (notamment pour la sécurité sociale et les retraites).

    5. En réalité, les impôts sont répartis sur l'année. Les cotisations patronales et salariales sont déduites du montant perçu par un salarié chaque mois et la TVA se paie tous les jours, achat après achat. La date fixée par l'Institut Molinari est une métaphore, à prendre avec des pincettes.

    Contrairement à la présentation qui en est parfois faite dans les médias, le «jour de libération fiscale» n'est pas un indicateur objectif du taux d'imposition dans un pays. C'est avant tout une image, qui peut avoir son intérêt mais reste orientée.

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