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    Flash-Ball: 10 ans de drames résumés en un tableau

    Le ministère de l'Intérieur a refusé de restreindre l'usage du flash-ball comme le préconisait le Défenseur des droits. Les chiffres des 10 dernières années que nous avons synthétisés dans un tableau sont pourtant accablants.

    Mise à jour le 30 avril: Un étudiant de 20 ans a été, selon de nombreux témoignages, touché au visage par un tir de LBD (arme de type flash-ball) lors d'une manifestation contre la loi Travail à Rennes. Il a perdu l'usage d'un oeil.

    Quelques semaines avant Maxime Beux, un supporter de foot, a également perdu l'usage de son œil gauche après, selon des témoins et son avocat, un tir de Flash-ball.

    Le flash-ball a cette particularité d'être une arme toujours autorisée alors qu'elle est –depuis son introduction en 1995– critiquée par les institutions les plus importantes, y compris au sein même de la police.

    La seule soirée du 14 juillet dernier pourrait en être encore un cruel exemple puisque trois personnes de trois quartiers différents de la banlieue parisienne affirment avoir été victimes d'un usage disproportionné d'un flash-ball, ou d'un LBD40 (variante du flash-ball qui, selon les autorités, serait moins dangereuse) par des policiers.

    Amine, 14, ans aurait en effet été victime d'un tir de LBD40 alors qu'il jouait avec des pétards. Le même soir aux Mureaux, c’est Bakary, un Malien de 16 ans, qui affirme auprès de BuzzFeed France avoir reçu un tir en pleine tête. Enfin aux Ulis, Tarik M., lui, nous révélait également avoir reçu un projectile de la police sur le front, qu'il pense provenir d'un LBD40.

    Si les trois enquêtes ouvertes concluent à la véracité de ces accusations, les policiers n'auront donc pas respecté la règle essentielle qui régit l'utilisation des flash-balls ou des LBD40: ne jamais viser une personne au dessus de l'épaule ou au niveau des parties intimes.

    Le Défenseur des droits s'est d'ailleurs saisi de l'affaire s'agissant d'Amine et a demandé mardi un «moratoire sur l'usage du flash-ball lors des manifestations». Le cabinet de Jacques Toubon explique:

    «Concernant le Flash-Ball superpro®, il a recommandé, si cette arme restait en dotation, que l’imprécision de cette arme soit mentionnée et que le recours à cette arme soit encadré lors de contrôles d’identité ou routier. Il a également recommandé d’interdire l’usage de cette arme dans un contexte de manifestation et s’est prononcé en vue d’un moratoire général sur l’usage cette arme.»

    En réalité, Jacques Toubon ne fait qu'exprimer un avis largement partagé. En mai dernier, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) préconisait également l'abandon du flash-ball. «Nous avons recommandé de ne pas le garder et de le remplacer par un nouveau lanceur de balles plus précis (le LBD40, ndlr)», annonçait Marie-France Moneger-Guyomarc'h, directrice de l'IGPN à l'occasion du bilan de la police des polices.

    Le LBD40 serait donc moins dangereux que le Flash-Ball superpro. En analysant le décompte des victimes grièvement blessées par des tirs policiers de lanceurs de balles réalisé par la journaliste Louise Fessard de Mediapart, cette idée est pourtant largement nuancée.

    BuzzFeed France a synthétisé dans le tableau ci-dessous les données disponibles sur les blessures graves liées à ces deux armes:

    Ce tableau contredit clairement l'idée selon laquelle le LBD40 serait beaucoup moins dangereux que le flash-ball. Alors que le LBD40 en est encore au stade de l'expérimentation –les forces de l'ordre en ont donc moins que des flash-balls– cette arme a déjà grièvement blessé 10 personnes:

    Et contrairement aux arguments encore avancés par le Défenseur des droits ce jeudi sur France Inter, le LBD40 peut aussi causer des blessures irréversibles. Entre 2007 et 2015, au moins 13 personnes ont en effet été grièvement blessées par un LBD40 et 4 personnes ont perdu un œil après avoir reçu un projectile de cette arme:


    Conséquences graves après les tirs de flash-ball ou LBD40 entre 2005 et 2015

    Malgré les injonctions du Défenseur des droits et la réalité des chiffres, le ministère de l'Intérieur a de toute façon refusé d'interdire le flash-ball lors des manifestations. Selon le cabinet de Bernard Cazeneuve, ce moratoire serait «contre-productif» et pourrait «avoir des conséquences dangereuses». Le porte-parole du ministère Pierre-Henry Brandet ajoute:

    «L’équipement des forces de l’ordre en armes de force intermédiaire répond à une double préoccupation: assurer la protection des policiers et gendarmes exposés à des agressions de plus en plus violentes, tout en limitant le recours des armes à feu qui doit rester extrêmement rare et n’intervenir que dans les cas et les circonstances les plus graves».

    D'après Mediapart, le ministère de l'Intérieur travaille en outre depuis 2013 au remplacement du Flash-Ball superpro par des munitions courte portée qui armeraient les LBD40, «arme censée être plus précise car dotée d’un viseur électronique». Les unités qui avaient des flash-balls, comme les brigades anti-criminalité (Bac), recevraient en échange des LBD40 uniquement équipés de ces munitions courte portée.

    En réalité, et comme l'a déjà pointé le Défenseur des droits dans un un rapport publié en mai 2013, la cause des ces dégâts irréversibles s'explique davantage par la façon d'utiliser son arme que par le type de lanceur de balles utilisé.

    Dans la majorité des situations, les forces de l'ordre n'ont tout simplement pas respecté la distance de tir (7 mètres minimum) et/ou l'interdiction formelle de viser au dessus de «la ligne d'épaules» ainsi que dans «dans le triangle génital». Dans beaucoup de cas aussi, le Défenseur des droits ou la police des polices a considéré que l'usage du flash-Ball ou du LBD40 était disproportionné par
    rapport aux circonstances.

    Les défenseurs du flash-ball et du LBD40 ne cessent de marteler l'utilité de ces deux armes systématiquement qualifiées de «non létales», «sub-létales», «semi-létales» ou encore «à létalité réduite». Mais les données de l'administration recensées par Mediapart montrent clairement le bilan parfois dramatique de ces deux armes dîtes «intermédiaires» depuis 10 ans. Plus de 33 personnes déplorent de très graves blessures après un tir policier de flash-ball ou LBD40.


    Le manque de formation des forces de l'ordre et l'utilisation pas toujours légitime de cette arme la rendent donc très dangereuse. Touché au thorax par un tir policier de flash-ball, un homme est ainsi mort à Marseille en 2010. Ils sont en outre 15 à avoir perdu un œil, dont 6 mineurs. Deux policiers ont jusqu'à présent été condamnés.

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