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    On a causé chats, romantisme et serial killers avec Marjane Satrapi

    La réalisatrice de Persepolis revient ce mercredi avec The Voices. Elle nous parle de chats, de femmes au cinéma et de serial killers.

    En pleine promotion de son nouveau film, The Voices, Marjane Satrapi nous a récemment reçus au Café des Chats à Paris.

    The Voices, comédie noire gore et déjantée, suit Jerry (Ryan Reynolds), un homme enthousiaste et un peu simplet, qui pense que son chat et son chien lui parlent et le poussent à commettre d'horribles meurtres.

    Entourés d'amis félins, nous avons discuté avec la réalisatrice iranienne de romantisme, de cinéma, et aussi de sa grande passion pour les tueurs en série.

    Qu'est-ce qui vous fascine chez les tueurs en série ?

    Marjane Satrapi : Je pense qu'il n'y a personne au monde qui se réveille le matin et qui se dit « Je vais être méchant ». J'en connais un rayon sur les serial killers, parce que c'est le seul truc qui me fait réellement peur. Vous savez, un monstre Alien qui pousse dans mon cœur, le diable qui s'empare de ma tête, tout ça c'est des foutaises, mais le serial killer il existe pour de vrai. J'ai des amis qui ont bu des verres avec Guy Georges... Si mes amis l'ont rencontré, j'aurais pu le rencontrer aussi sans savoir que c'était un serial killer.

    Vous avez parlé de certains clichés au cinéma : la femme d'âge mûr qui est forcément mère ou grand-mère, la femme qui a soif de justice parce qu'elle a été violée dans son enfance... Selon vous, quels rôles féminins n'ont pas été assez exploités ?

    MS : Tout. Vous savez, il y a un problème avec le rôle féminin : quand la femme n'a qu'à faire le ménage, faire la bouffe et amener à boire à son mari, à ce moment-là elle peut être pulpeuse. Mais plus la femme prend du pouvoir, plus il faut qu'elle soit maigre, parce qu'à un moment donné il faut quand même qu'on ait envie de la protéger. Elle fait du karaté, elle met tous les mecs par terre, mais elle pèse 30 kilos. [...] Laissez-les être des femmes, et pas des petits garçons. J'essaierai toujours d'utiliser des femmes qui sont des femmes. Ça, ça me plaît.

    Quel est le rôle féminin que vous aimeriez filmer, ou voir au cinéma ?

    MS : Une femme dans une comédie romantique où à la fin, elle décide que sa vie n'est pas super si elle a un mari, une maison en banlieue, deux gosses et quatre chiens. Une femme qui se dit « En fait tu sais quoi, je vais être seule, et je vais être hyper heureuse, et ça va être génial ». Si je voyais ça enfin, ça me ferait plaisir.

    Ou une femme, par exemple, qui prend la décision de ne pas garder un enfant, d'avorter, sans que ça passe par toute cette mauvaise conscience qu'on [nous] inflige. Vous savez, quand vous avez un enfant, vous avez 9 chances sur 10 de foutre sa vie en l'air. Donc si vous n'en voulez pas, il ne faut surtout pas en faire. [...] J'aimerais qu'on donne aux femmes le droit de vivre ça sereinement. Par exemple je pense que le film Juno est une aberration. Pour moi, c'est un film conservateur qui se la joue très moderne. Je suis désolée, une fille de 16 ans qui donne naissance à un enfant et le donne à une tarée, et après elle va à l'école, et tout va bien ? Moi j'ai connu des filles de 16 ans qui avaient un enfant, ça ne se passe pas comme ça. Une enfant de 16 ans, si elle tombe enceinte il faut qu'elle avorte, ce n'est pas le moment de devenir mère. Cette célébration de la maternité à tout va, ça m'insupporte. C'est très bien de devenir mère, quand on en a envie. [...]

    Ce qui était super, c'était We Need to Talk About Kevin. Parce que parfois vous faites des enfants tarés aussi. Parfois c'est génial, mais pas tout le temps. C'est cette célébration, cette pression qui est dégueulasse. Je pense qu'il faut qu'on lâche la grappe aux femmes. Qu'on arrête de leur donner mauvaise conscience :

    « T'es pas parfaite parce que t'as pas le ventre plat, t'es pas parfaite parce que t'as avorté, t'es pas parfaite parce t'as pas envie d'avoir d'enfants »... Hé !

    Vous avez des enfants ?

    MS : Non, je n'ai pas d'enfants parce que je n'ai pas envie d'avoir des enfants. J'ai d'autres choses dans ma vie qui m'intéressent. Je n'ai rien contre le fait de faire des enfants, mais c'est un choix. Je n'ai pas envie d'avoir d'enfants, et je sens que je suis beaucoup plus jugée [pour ça]. Quand un homme dit « je veux me consacrer à mon art », c'est un grand artiste, moi quand je le dis, je suis une salope carriériste. Je n'ai pas envie d'être la mère de quelqu'un. Vous imaginez un jour y a un mec de 50 ans qui est un peu gros, avec des pellicules sur la tête, il ouvre la porte et il dit « Maman »... Oh mon dieu !

    Vous avez dit que vous aimeriez réaliser une comédie musicale. Quel serait votre casting idéal ?

    MS : Je ne pense jamais à un acteur particulier. Pour le rôle du serial killer [dans The Voices] je n'aurais jamais pensé prendre Ryan Reynolds, et finalement il était génial. Mais dans une comédie musicale, j'aimerais bien quand même tourner de nouveau avec Gemma Arterton. Elle est belle, elle est intelligente, elle est drôle, et elle chante merveilleusement bien. C'est les Anglo-saxons, ils savent tout faire !

    Y a-t-il quelqu'un avec qui vous rêvez de travailler ?

    MS : En France, j'adorerais faire un film avec Gaspard Ulliel, je trouve que c'est un excellent acteur, il est très beau, il a vraiment quelque chose de très intense qui me plaît beaucoup.

    Sinon on dit qu'il perd un peu la boule mais j'aurais aimé être née trente ans plus tôt et tourner un film avec Jack Nicholson. Et puis si un jour les frères Coen me filaient un de leurs scénarios (rires), mais ça n'arrivera jamais parce qu'ils réalisent tellement bien, pourquoi est-ce qu'ils me donneraient un de leurs scénarios ?

    La séquence finale (un clip musical où tous les personnages dansent et chantent), c'était votre idée ?


    MS :
    C'est ma représentation du paradis.

    Vous croyez au paradis ?


    MS :
    Non. En même temps, je pense qu'au paradis on va se faire hyper chier, parce qu'au paradis vous allez trouver tous les curés, le Pape, tous ces gens qui boivent pas... Je préfère quand même finir en enfer avec des gens un peu plus cool. Au paradis y aurait que des chieurs. (rires)

    Bonne joueuse et fan de BuzzFeed, Marjane Satrapi a également accepté de répondre à notre questionnaire-rafale :

    Quel est votre serial killer préféré ?

    « Lui il était affreux : il tuait des filles, et après il leur coupait les ligaments pour que le corps soit encore souple pour pouvoir les violer après leur mort. Il a fini par décapiter sa mère et jouer aux fléchettes sur son front. C'est affreux ! »

    Quel est le truc qui vous rend complètement folle ?

    « Je meurs d'angoisse quand je vois un rat. »

    Si vous deviez entendre la voix de quelqu'un dans votre tête tous les jours, ce serait la voix de qui ?

    « Léonard de Vinci. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'aussi parfait que lui ? Le mec est peintre, botaniste, il sait tout faire, c'est un inventeur, c'est un mathématicien... Dans tout ce qu'il fait, il excelle. Il n'a fait que 11 tableaux, et la Cène et la Joconde font partie des choses les plus connues au monde. En plus je suis sûre qu'il avait beaucoup d'humour, c'était un grand organisateur de fêtes... Il a tout pour lui. »

    Regarder quelqu'un dormir : romantique ou flippant ?

    Partager un plat au restaurant ?

    Trouver l'adresse de la personne qui vous plaît pour lui faire une surprise ?

    Faire une demande en mariage en public ?

    Enfin, la question que tout le monde se pose : vous êtes plutôt chien ou chat ?

    « J'adore les chats ! »

    Marjane Satrapi n'est pas rancunière : le chat était particulièrement capricieux sur le tournage, a-t-elle expliqué lors d'une discussion avec la presse à la veille de notre interview. « On pouvait lire dans son regard : "Va te faire foutre. Va te faire foutre." »

    Voici la bande-annonce de The Voices, en salles le 11 mars :

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    youtube.com

    Cette interview a été condensée et éditée pour plus de clarté.