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    Pour les anti-mariage pour tous et toutes, le temps s'est arrêté le 23 avril 2013

    Quelques dizaines d'opposants à la loi Taubira se sont réunis à Paris jeudi, deux ans après son adoption par les députés. Un remake de la Manif pour tous, mais en beaucoup plus petit.

    «On est venus fêter un anniversaire», lance un couple de quinquagénaires tout sourire. Mais il ne s'agit pas d'un rendez-vous romantique. Ils sont venus rejoindre quelques amis à 19h30 place Vendôme, à Paris.

    Jeudi 23 avril, deux ans jour pour jour après l'adoption de la loi sur le mariage pour tous par les députés, entre 50 et 100 de ces «Sentinelles» se sont tenues debout, de longues heures durant, devant le ministère de la Justice pour protester.

    «On ne lâche rien», sourit Thibault, 27 ans, en clin d'oeil au mot d'ordre de la Manif pour tous. «Cette loi qui autorise les mariages homosexuels est mauvaise, alors on en demande l'abrogation».

    Le temps ne fait rien à l'affaire: quand on est contre l'ouverture du mariage aux couples homosexuels, on est contre. Même deux ans après.

    Geneviève, retraitée, vient «presque tous les jours» place Vendôme pour marquer son opposition à la mesure. Tous les habitués des «Sentinelles» la connaissent. Et ni le temps, ni l'indifférence n'ont eu raison de son engagement. «Je ne me décourage pas, murmure-t-elle. J'ai l'espérance du Christ en moi, alors je ne désespère pas. La Vérité triomphera.»

    Tant pis si les rangs semblent clairsemés. «Il faut peser sur le débat, tranche Dominique. Je fais partie du courant Sens Commun de l'UMP, qui porte nos valeurs, et j'espère bien qu'on réussira à faire adopter nos positions au candidat de la droite en 2017 pour qu'il revienne sur la loi. L'égalité des sexes, j'y crois pas. Le mariage, c'est un homme et une femme», martèle-t-elle.

    Les arguments des «Sentinelles» restent les mêmes qu'à l'époque des manifestations anti-mariage pour tous et toutes.

    Pêle-mêle, les militants jugent que «l'homme et la femme sont complémentaires», «que tout ça va aboutir à la PMA, à la GPA et au commerce d'êtres humains», que «ce sont les fondements de notre civilisation qui sont menacés»... Pour peu, on se croirait revenus en 2013.

    Mais deux ans après le vote de la loi, l'adrénaline des Manif pour tous n'est plus là.

    Certains s'offrent un léger moment d'excitation à peu de frais en traversant le trottoir pour se rapprocher de l'entrée du ministère. Trop près, selon les CRS, qui se réclament du plan Vigipirate et finissent pas porter eux-mêmes les plus récalcitrants, ceux qui ne veulent pas faire demi-tour de leur propre chef. Mais contrairement à ce que certains affirment sur Twitter, la scène n'a rien de bien impressionnant.

    Les #Sentinelles trop près du ministère sont rapidement écartées ... notre pacifisme et notre persévérance font peur

    On est loin d'une scène de violence policière...

    Quel sens donner à cette mobilisation aussi longtemps après le vote d'une loi qui, bien qu'elle ait divisé avant son vote, n'a pas engendré le «bouleversement» que craignaient ses opposants?

    Plusieurs responsables politiques, de la porte-parole du PS Corinne Narassiguin à la responsable UMP Aurore Bergé ironisaient jeudi:

    2 ans après le vote de la loi #MariagePourTous 17500 mariages dans 6000 communes. Toujours pas d'apocalypse en vue.

    Je suis TRÈS déçue. 2 ans que la loi sur le #mariagepourtous est votée et toujours pas une petite apocalypse.

    Quel bouleversement concret, alors, a bien pu incommoder les «Sentinelles» en deux ans?

    Les militants interrogés par BuzzFeed France ce jeudi sont bien en peine de citer un événement qui aurait pu les gêner en personne. «C'est vrai qu'il n'y a pas de conséquence directe visible, reconnaît Jean, la vingtaine. Mais c'est un argument fallacieux: en changeant la définition du mariage, on touche quand même à toute la civilisation. Du coup, cela impacte nos rapports avec les autres civilisations et les autres cultures», estime-t-il.

    Stéphane, un trentenaire, va encore plus loin. IVG, ouverture du mariage aux couples du même sexe, euthanasie... Tout participe d'un même projet selon lui: «On se fait remplacer par une autre population. Il y aura de moins en moins de Blancs chez nous. L'immigration, ça ne me dérange pas si c'est des Portugais ou des Danois, mais si c'est des Turcs, là non...» Ou quand l'opposition à la loi Taubira rejoint la thèse raciste d'un prétendu «Grand remplacement» de population.

    24 mois après l'issue du débat à l'Assemblée nationale, les militants issus de la Manif pour tous entretiennent toujours l'espoir.

    Voir leurs rangs se réduire n'effraie pas Adeline (le prénom a été modifié), qui glisse: «Il faut se méfier de l'eau qui dort. Un jour, il se passera quelque chose de très fort que personne n'aura prévu et tous ces institutionnels vont comprendre qu'ils se sont trompés.» Pour elle comme pour les autres, l'horloge a cessé de tourner depuis longtemps déjà.

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