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    Comment Facebook s'étend bien au-delà des frontières de Facebook

    Développement d'applications, publicités, vidéo... La firme continue de grossir, de plus en plus loin de son activité de réseau social.

    Quand on vous dit «Facebook», vous pensez «réseau social»? Vous avez tort.

    Ce site sur lequel vous vous connectez, comme 1,4 milliard d'utilisateurs, pour poster des photos, échanger des tranches de vie ou envoyer des messages n'est plus comparable aux autres réseaux sociaux comme Twitter et Snapchat. Au fil de son développement, de lancement de nouveaux services en acquisitions d'entreprises à tour de bras, la firme a changé de dimension. Elle-même ne considère d'ailleurs plus comme un «réseau social» depuis 2007 et préfère parler de «plateforme». Alors, de quoi Facebook est-il vraiment le nom? Plongée dans un territoire qui ne cesse de s'agrandir, semaine après semaine.

    Facebook n'est plus le seul produit de masse de l'entreprise

    Au commencement, il n'y avait qu'un produit. L'entreprise créée par Mark Zuckerberg s'est plusieurs fois cassée les dents en essayant d'étoffer son univers. Qui se souvient par exemple de l'appli Facebook Camera (l'appareil photo de Facebook...) Facebook Poke, censée concurrencer Snapchat? Autant de fails qui ont suscité pas mal de railleries à l'époque.

    Sauf que le constat n'est plus du tout vrai aujourd'hui. Grâce à ses rachats (Instagram, 300 millions d'utilisateurs mensuels et WhatsApp, 700 millions) et une réussite interne (Messenger et ses 600 millions d'utilisateurs, largement aidé par l'obligation de télécharger l'appli pour échanger des messages avec ses amis Facebook sur mobile), Facebook compte quatre réseaux massivement utilisés dans le monde entier –auxquels on peut ajouter Facebook Groups, 700 millions d'utilisateurs, mais qui s'apparente plus à une sous-application de Facebook.

    Messenger illustre bien ce changement d'échelle. L'appli était au départ destinée à accueillir les messages Facebook. Elle a pris au fil des mois une toute autre ampleur et l'entreprise a annoncé fin mars trois évolutions majeures pour son service:

    1. Il est désormais ouvert, comme Facebook, aux applications extérieures. Les développeurs vont donc pouvoir construire tout un tas de services adossés à Messenger.

    2. Il va intégrer un système de relation client. Concrètement, les marques pourront communiquer directement avec leurs clients via Messenger. Le fil de discussion permettra par exemple de rassembler des confirmations de commandes, informations sur un colis en cours d'expédition ou suivi de réclamations.

    3. Il permettra d'envoyer de l'argent à ses proches.

    Une croissance qui s'étend au-delà des applis du groupe

    Tout cela est pourtant loin de rassasier l'appétit de l'ogre californien, qui se développe désormais bien au-delà de ses propres services. Julien Codorniou, directeur des partenariats de la plateforme Facebook, résume dans une interview à BuzzFeed France ces nouvelles ambitions:

    «Notre objectif, c'est d'être la plus grosse plateforme de développeurs au monde.» 

    L'internaute lambda ne s'en rend pas forcément compte, mais des dizaines d'entreprises se sont développées au sein de l'écosystème Facebook. Qu'elles aient été créées à l'intérieur et/ou en dehors du réseau social, elles doivent en grande partie leur réussite aux données qu'elles exploitent via Facebook.

    Les premiers exemples sont connus du grand public. Ce sont les jeux sociaux comme FarmVille ou Candy Crush et leurs dizaines de millions d'adeptes, qui nous ont inondés d'invitations à venir rejoindre nos amis. On peut aussi citer Deezer pour la musique, Tinder et Happn pour les sites de rencontres (si ce dernier est capable de localiser ses membres, c'est grâce à Facebook), mais aussi des services divers et variés comme Shazam ou Dubsmash (qui se sont répandus entre autres via les partages Facebook des utilisateurs) Et ainsi de suite.

    Les développeurs peuvent aussi s'appuyer sur la plateforme Parse, achetée par Facebook en 2013, qui leur fournit de nombreux outils pour développer leurs applications mobiles. Un atout stratégique pour la firme américaine dans sa mutation en plateforme.

    «Nous voulons être une plateforme sur laquelle les gens construisent des apps et cela concerne tous les secteurs, détaille Julien Codorniou à BuzzFeed France. Il y a une vraie génération de start-ups Facebook. Moi, ce qui me fait le plus plaisir, c'est quand une entreprise vient me dire qu'elle n'existerait pas sans nous.»

    C'est devenu un argument de communication récurrent pour la plateforme. En janvier dernier, elle brandissait fièrement un rapport du cabinet Deloitte qui évaluait à 6 milliards d'euros et 78.000 nouveaux emplois l'activité économique générée en France grâce au réseau social –dont 27.000 dans le secteur des applications mobiles. Une estimation à prendre avec précaution, car Facebook s'attribue en partie la réussite des autres. Elle a néanmoins le mérite de mettre en évidence la place que prend Facebook en dehors de son activité initiale de réseau social -place qui préoccupe aussi de nombreux acteurs du secteur.

    Certains entrepreneurs finissent d'ailleurs pas être déçus du «tout Facebook». «Les start-ups forment un public captif, analyse sur le site spécialisé Techcrunch Morgan Hermand-Waiche, PDG de la société de lingerie Adore Me. A leurs débuts, elles n'ont pas de quoi s'offrir une campagne de publicité à la télévision. Lorsqu'elles se sont suffisamment développées, elles ne vont pas se retirer complètement de Facebook, mais en partie.» Concrètement, ces entreprises qui n'avaient que le digital en ligne de mire pour faire leur publicité finissent, pour certaines, par atteindre un stade où elles réorientent leur budget marketing ailleurs. Difficile de savoir qui est dans quelles proportions, mais cela montre que le modèle du géant américain n'est ni figé, ni éternel.

    Une régie publicitaire

    En plus de son imposant vivier d'utilisateurs et de son rôle grandissant dans le développement d'applications, la firme de Mark Zuckerberg a mis la main sur le nerf de la guerre: l'argent issu des revenus publicitaires de nombreuses applications. Elle a racheté pour cela en juillet 2014 Live Rail, une solution de monétisation de contenus.

    «En 2015, nous nous adressons aux développeurs et aux annonceurs publicitaires, explique Julien Codorniou. Tout le monde veut pivoter sur mobile et y gagner de l'argent. Notre solution est là pour aider nos partenaires à monétiser leurs produits sur Facebook et en dehors, sur tous les supports.» (ordinateurs, mobiles, tablettes). En plus de toutes ses anciennes casquettes, le géant californien endosse donc un rôle de régie publicitaire pour les sites qui font appel à ses services. Ce qui lui permet de toucher, au passage, une partie du pactole issu des annonces.

    Ami ou menace?

    Si la plupart des entrepreneurs jouent volontiers le jeu, il est un univers où la gloutonnerie de Facebook préoccupe tout particulièrement: celui de la presse en ligne. En lançant une vaste offensive sur le marché de la vidéo en ligne puis en entamant des négociations avec des médias –dont la version américaine de BuzzFeed– en leur proposant d'héberger directement des contenus en son sein, la plateforme inquiète de nombreux éditeurs de presse. Slate y voit ainsi un plan pour «dominer le business des médias».

    Faut-il, comme eux, s'inquiéter de cet appétit insatiable? Julien Codorniou s'agace et préfère insister sur les apports de Facebook à ses partenaires: «Tous les jours, nous envoyons par exemple plus de 300 millions de clics sur mobile vers les acteurs du gaming. Facebook, c'est l'endroit de la découverte. Et Facebook ne va bien que si ses partenaires vont bien», plaide-t-il. Aux entreprises de juger si elles iront mieux avec ou sans l'aide de Mark Zuckerberg.

    Correction, le 22 avril à 11h44: Facebook nous précise que les 300 millions de clics quotidiens sur mobile concernent uniquement les acteurs du gaming et pas tous les secteurs, comme écrit dans une version précédente de cette article. L'erreur a été corrigée.

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