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    Comment Babor Lelefan est devenu un vrai métier

    Rencontre avec l'éléphant le plus vulgaire et provoc de Twitter.

    Chacun de ses tweets, vidéos ou billets de blog est toujours un peu sale. Son orthographe est si catastrophique que chacune de ses phrases ferait couler des larmes de sang à Bernard Pivot. Et pourtant, des milliers de fans suivent régulièrement les aventures de Babor Lelefan, comme on ne peut résister à piocher dans le bol de cacahuètes un peu gras qui traine sur le comptoir depuis on ne sait pas trop quand.

    - à l'anné prochaine ! - elle est lourde cette blague - c pa une blague, je pars baisé ta mère pendan 365 jour, je revien en janvier 2017 a+

    L'éléphant terrible est apparu comme un ovni sur Twitter en juillet 2012. En un peu moins de quatre ans, le personnage s'est forgé sa petite réputation, avec plus de 60.000 followers sur Twitter et autant sur Facebook. À tel point que le Parisien de 27 ans qui lui a donné vie préfère s'effacer derrière sa créature et rester anonyme.

    Il explique à BuzzFeed:

    «Au départ, je me suis dit qu'il manquait un truc un peu bête et drôle sur Twitter. Je suis arrivé au bon endroit, au bon moment, et ça a mieux pris que prévu.»

    «J'étais très vulgaire au début, sans doute trop»

    Babor a vu son nombre d'abonnés grimper au fil des mois -«c'est con, mais ça booste vachement». Et il s'est pris au jeu:

    «C'est un peu le concours de la blague sur Twitter. J'ai commencé par balancer des tweets sur l'actu, et après j'ai commencé à faire des articles plus long sur mon blog.»

    Au départ, c'était surtout potache. «C'est vrai que j'étais très vulgaire au début, sans doute trop», reconnaît l'intéressé. Son style lui permet néanmoins d'attirer l'attention de quelques sites français, auxquels il commence à vendre des articles, comme MinuteBuzz, Konbini, et surtout Golden Moustache, avec qui il collabore régulièrement.

    Le rédacteur en chef de Golden Moustache, qui souhaite rester anonyme, explique apprécier «son univers absurde, un peu fou et lunaire ainsi que son style d'écriture bien à lui. Nous aimons sa manière de créer des contenus souvent uniques.»

    La plupart du temps, Babor traine dans les bas-fonds du web, trolle des mecs sur des sites de rencontre et des recruteurs, ou interviewe des personnalités loufoques comme le «Christ cosmique».

    N'allez pas croire qu'on trolle des inconnus les doigts dans le nez. «C'est compliqué de trouver des gens réceptifs», remarque Babor.

    «Tout ça, ça prend du temps. Ce qui est pratique pour moi, c'est d'avoir un vrai faux compte Facebook avec des contacts. Quand je les contacte avec, les gens se disent: "Tiens, ce mec a l'air con, mais ça a l'air d'être un vrai compte." Miser sur le premier degré des gens, c'est ma patte.»

    j'aurais aimé une réponse plus complète, mais déjà j'ai eu un smiley, j'ai peut-être une touche..

    Et faire Babor devint un vrai travail

    Au fil des années, Babor fait son chemin, et finit par délaisser sa carrière marketing dans le cinéma pour des piges chez Golden Moustache début 2015.

    «Aujourd'hui, je suis full Babor, mais bon, c'est parce que j'ai ce contrat-là. Sans ça, je suis à poil.

    Mais je me dis que c'est vraiment cool de faire un truc que j'aime. Ça me gonflerait de revenir à mon job d'avant. Dans un sens, mon profil est un peu rare, j'ai des choses à montrer avec Babor. Je valorise davantage ça que mon expérience dans le ciné.»

    mes collègues aiment tellement déconner qu'ils arrêtent pas de me dire que je suis incompétent et que je suis une sombre merde ;) jles adore

    Forcément, on a envie de savoir comment son entourage a réagit quand il leur a dit qu'il allait tout plaquer pour incarner un éléphant qui trolle la Terre entière avec une orthographe niveau CE1. À en croire l'intéressé, cela s'est plutôt bien passé en fait:

    «Je n'ai pas eu de problème. Mes parents ont trouvé ça drôle, même si ma mère trouve que j'ai un statut bizarre avec les piges. Bon, c'est vrai que j'ai dû ramer un peu plus pour expliquer tout ça à ma grand-mère...»

    «J'aime pas le niais»

    D'ailleurs, sa grand-mère apprécierait-elle certaines de ces blagues, parfois limite? «J'aime pas trop le côté cul-cul d'internet», assume Babor, qui cite en référence l'humour trash et la liberté de ton de South Park. «Mais il y a des trucs que je disais il y a quelques années qui ne passeraient plus, c'est sûr. Tout est analysé, interprété...», ajoute-t-il.

    Toutes ses propositions ne passent d'ailleurs pas à Golden Moustache, où son humour est parfois jugé un peu trop limite, dit-il. «Je teste des trucs borderlines, souvent, ça ne passe pas, mais j'essaie!»

    «On adore Babor ou on déteste Babor», souffle le rédacteur en chef de Golden Moustache. «C'est à double tranchant. C'est vrai qu'il lui arrive de faire des choses un peu provocantes et controversées. Ça fait partie du défaut de ses qualités, à savoir une créativité parfois sans limite.»

    Parfois, certaines de ses blagues publiées sur le site finissent par lui attirer des commentaires énervés. On a d'ailleurs déjà vu quelques articles retirés du site de Golden Moustache après publication, un sujet sur lequel le site n'a pas souhaité s'exprimer («cela fait partie de la vie de la rédac»).

    Babor, lui, n'en démord pas:

    «J'aime pas le niais. J'aime bien aller hors des terrains consensuels. Les shitstorms, si ça reste juste sur Twitter, ça ne me dérange pas plus que ça. Après, si j'ai des remarques de gens que j'estime, cela me touche.

    Mais au final, je pense que la plupart des gens comprennent que je joue un personnage. Je ne suis ni raciste, ni misogyne, ni homophobe.»

    Avec nous, Babor est resté normal jusqu'au bout de la discussion. On est presque déçu.

    UPDATE

    Le nom du rédacteur en chef de Golden Moustache a été enlevé à sa demande.